Un petit circuit le matin,
pour yaourts, bonbons, rouille, toasts, teinturier et autres
broutilles, sous ciel bleu franc, dans la relative douceur qui
tolérait le veston de velours.
En passant devant la
maison des Fogasses, où il faudra que j'entre un jour, un arrêt
devant la vitrine envahie par les grosses coques de feutre d'une
oeuvre de Sarah Barré (qui expose ses coques blanches au cloître
Saint Louis) - présence énorme du feutre baleiné qui occupe toute
la place, forme, qui se dérobait dans la profondeur de la pièce,
refusant saisie par l'esprit et par l'appareil..
retour en saluant mon ami
Molière qui exposait sa peau grêlée au soleil...
et départ en début de
nuit vers l'opéra pour un concert symphonique dirigé par Samuel
Jean avec Bertrand Chamayou, devant une salle comble.
programme russe Scriabine,
Rachmaninov, Tchaïkovski
de Scriabine, la brève
rêverie opus 24 que j'ai
modérément aimée
bois
rejoints par les cordes en nappe, aigus un peu acide, quelques belles
touches d'ombre
et
puis le concerto pour piano et orchestre n°2
de Rachmaninov que n'avais jamais entendu intégralement, avec le jeu
brillant et sensible de Chamayou
notes
graves du piano prenant puissance, rejointes, après un temps, par le
bloc des cordes discrètement soutenu par les instruments à vent –
les cloches sur la mer de l'orchestre – trilles claires –
martèlement par tous les instruments – apaisement – chatoiement
et force etc...
au
deuxième mouvement (l'impression de reconnaître des passages piqués
à droite et à gauche) la lente montée songeuse des cordes, et s'en
vient la mélodie du piano, puis la flûte et son entretien avec la
clarinette – une douceur légèrement triste avec des sourires –
hésitation ondulante – montée comme si on tournait lentement dans
un escalier de tour – alternance de lumières et de légères
ombres – la brusque rupture et le piano en romantisme déchaîné –
le dialogue adouci etc..
le
troisième mouvement débutant par la danse des violons,
l'accélération, le piano etc... mouvement extérieur, force et
harmonie, quasi brutalité
et
Brigetoun assez conquise, moins par ce dernier mouvement, se disant
oui, mais je préfère ses quatuors
et
puis le plaisir des deux bis
- un lied de Schubert à chanter sur l'eau dans une transcription de Liszt (un rien trop présent dans les dernières mesures)
- et de Richard Strauss la transcription de cette valse que Schubert n'a jamais écrite
J'ai
un peu hésité à rester après l'entracte parce que c'était la
belle mais très romantique, et surtout très très pillée, très
entendue, par morceaux, plus ou moins déformés, symphonie
n°5 de Tchaïkovski et que j'ai
avec lui des relations mitigées, entre plaisir et ennui (ah les
ballets ! Bon il y a heureusement souvent la danse)
et
il m'a eue, presque – devais être en accord avec ses ombres, moins
avec ses furies finales
parce
que j'aime la douceur sombre comme un velours brun mordoré du début
qui laisse venir le chant
parce
que j'aime dans le deuxième mouvement le dialogue entre le cor et la
clarinette, et l'arrivée déterminée mais timide du hautbois
parce
que bien entendu la valse sombre donne l'impression de l'avoir trop
entendu, s'associait pour moi, peut être à tort, à une impression
de réclame, de commerce – mais qu'elle n'en chante pas moins
doucement, malgré l'irruption au milieu, et à la fin d'une frénésie
mais
il y a cet interminable final, avec des beautés certes, que les
amateurs m'excusent, et il m'arrive d'y être passablement sensible,
mais ses longs moments de bruit qui m'ennuient un peu, ses fausses
fins où je me retiens d'applaudir avec un zeste de soulagement (ce
qui fait que je suis la dernière à réagir à la vraie fin...) bon
je suis exagérément partiale.. mais on ne saurait tout aimer.
Ai applaudi, le temps nécessaire, mais près de la porte, la belle
interprétation, mes moments de plaisir et l'enthousiasme de mes
voisins, et m'en suis allée l'une des premières,
rencontrant un monstre non
musical endormi à côté de l'opéra.
et comme j'aime au moins
autant cette musique, et qu'elle me manque, je ponctue avec, trouvée
dans l'après-midi en cherchant mollement Chamayou dans le concerto
de Rachmaninov, une vidéo où il joue le bref
et beau tombeau de Messiaen de
Jonhatan Harvey
8 commentaires:
Ecouté ton extrait en relisant et la magie opère de toute façon
Chance d'être si près de tout sans voiture
surtout de l'opéra à vrai dire - un petit quart d'heure en marchant tout doux
Les monstres mécaniques ont aussi leur charme, gros insectes patauds et silencieux alors...
Le messianisme de ce genre me plaît.
Quand je viendrais à Avignon, je t'apporterais des bonbons. C'est tellement bon.
J'aime ces fausses fins dans les symphonies comme une éternelle surprise et qui dure.
et il dormait toujours ce matin quand suis passée, chancelante sous le poids de mes paquets à côté de lui… l'aurai bien emprunté mais j'avais pas la clé
Pierre, sauf quand on trouve que ça devient longuet
quel contraste la pelleteuse et le pianiste...le titre d'un roman ?
si elle est toujours là demain l'interrogerai
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