On dirait que je
retrouverais, vers 11 heures, ce 22 novembre, ma vieille gare de Lyon
pour regagner l'antre.
Avertissement : me
suis amusée, un peu, ne suis pas certaine que cela ne me soit pas
très personnel, mais ma foi c'était là
Or donc, il y aurait eu vendredi dans la nuit retrouver la Cité de la Musique, être au bout d'un des deux balcons (ne sais où était ma place, mais je dis que) pour voir de profil cette merveille qu'est William Christie dirigeant, faute de pouvoir grimper jusqu'à la galerie qui surplombe la salle pour m'installer, avant son arrivée, et en restant soigneusement aussi immobile qu'une buche, face à lui, puisque ce soir il y aurait aussi des danseurs à regarder, outre le plaisir d'écouter Daphnis et Eglé et la naissance d'Osiris (jamais entendue) de Rameau.
et, pour retrouver le
cheminement, il y a tant et tant d'années, entre mon tout petit
logement et le pied-à-terre-école-pour-sourd de ma mère et ma petite
soeur à Saint Ambroise, descendre la rue jusqu'à l'angle du
Chemin-vert (ne reconnais pas le café)
suivre le boulevard
Beaumarchais, indifférente aux cycles, saluer le banc de coquillages
et tourner dans le pas de la Mule, (là les souvenirs d'une quarantaine
d'années se superposent, vision fuyante, boutiques, antiquaires
disparus, etc..)
En débouchant sur la
place (les échafaudages qui étaient là, mais je l'ignorais, en
août, sont ils toujours en place ?) envoyer un salut muet vers, là
bas, au coin, au fond, Victor (lequel ? Hugo bien entendu.. j'aimais,
avec le dandysme de ma jeunesse, passer le voir, quand pouvais payer
le billet, avec mon sac, mes poireaux et salades) et continuer en me
sentant absurdement bien, chez moi, malgré toutes les
transformations, et l'argent envahissant qui, de mon temps, de celui
du début, vers 1970, restait timide, ancien et discret, continuer
donc sous les arcades de la place des Vosges
Traverser la terrasse,
déserte en ce matin d'hiver, du salon de thé - mon antiquaire
préféré, dans la vitrine duquel ai choisi tant de meubles (me
souviens brusquement d'une table de jeu, avec ses petites tablettes
pour poser des chandelles, dont la grâce des jambes m'était régal)
est devenu une galerie, belles choses, et la fripe n'est pas encore
là,
qui apparaît en face de
l'immuable «Ma Bourgogne» (je découvre au passage les nouveaux
éboueurs, zut, suis étrangère) fripe que je longe avec, comme
depuis plus de quarante ans, un refus têtu de cet envahissement, suivant les Francs-bourgeois – même la pharmacie, il était si
charmant, est remplacée maintenant par une chaîne de produits de
soins - jusqu'à rencontrer la marquise ma voisine en son hôtel
Carnavalet,
Ne plus m'agacer des
occupants de ma boulangerie, ils ont été parmi les premiers à
investir la rue, et ils ont gardé soigneusement la vitrine –
sourire au Monde sauvage qui survit même si, trop souvent, c'est
derrière des grilles,
et saluer ma jeunesse, la
porte de ma première vraie adresse, de l'escalier à claire voie, du
souvenir de ces jours d'hiver où l'eau débordant des
toilettes-sur-le-palier (j'avais droit, moi, à un bidule à moteur)
transformait les marches en tobogan, et le café qui veillait sur mes
retours tardifs.
L'épicerie hongroise, le
libraire ont disparu depuis déjà bon nombre d'années, qui avaient
résisté plus longtemps que la plupart des autres commerçants, mais
la caserne de pompiers, la plus belle de Paris, est là, comme le
café, et Saint Paul est toujours notre horizon. (bien entendu à
vrai dire je reconnais des boutiques, puisque suis passée et
repassée par là depuis ces temps anciens jusqu'à mon exil, il y a
neuf ans je crois... mais elles ne comptent pas, les ai jamais
regardées)
Saint Paul devant lequel
je tourne pour revenir vers la Bastille, marchant sur le trottoir qui
était autrefois bordé de petites charrettes - ne sais ce qu'il en
est maintenant - et je retrouve le premier marchand de légumes (mais
google street m'oblige à faire des efforts d'imagination pour
reconstituer l'animation d'un matin d'hiver)
Le poissonnier avec sa
belle enseigne semble être remplacé par un
Paul-depuis-dix-huit-cent-et-quelques, mais reste le pâtissier que
je trouvais d'autant plus excellent que n'en savais rien, ne le
fréquentant pas et les vélos sont en batterie depuis que le vélo
devient de plus en plus obligatoire pour se déplacer vertueusement
(me semblait que nous autres piétons-au-besoin-usagers-du-métro
n'étions pas, si on néglige nos cigarettes, terriblement plus
gênants), le chinois qui le premier avait rajeuni les vieilles
traditions est rejoint par un traiteur japonais, la boucherie
chevaline survit, comme les bistrots, et comme j'ai mis un mois pour
faire quelques mètres, passant d'août à septembre, une petite
animation sympathique fait vivre le trottoir.
Je retrouve, face à
l'hôtel de Sully, le Monoprix, la pharmacie qui s'insère entre deux
de ses entrées, et le grand marchand de légumes - des fripes qui,
pour changer, sont destinées aux petites bourses, le charcutier qui
ferme presque la série de boutiques de bouche, avant la rue du Petit
Musc, que rituellement je corrige en pute y musse, la coupole de
Mansart pour les visitandines, Beaumarchais réfléchissant les bras
croisés, le détour par Bollinger, et le tabac qui lui fait face,
les derniers mètres, la place de la Bastille..
le Flag Café, un peu mort
puisque nous sommes de nouveau en août, et la boutique Dalloyau, qui
avait pour moi remplacé les dernières années, celle du boulevard
des Capucines, où ne suis plus reconnue (mais en conservateurs
qu'ils sont, je reçois toujours leur carte à chaque changement de
saison, ce qui suffit à ma délectation), d'où je ressortirais avec
quelques arlettes, des gambas à l'aneth, un gratin dauphinois en
cocotte, une petite boite de pâtes de fruit et des souvenirs de
fêtes familiales
Et, comme deviens
paresseuse, et que pitié j'ai de ceux qui m'ont accompagnée, je
déciderais, le soir, pour aller à la Colline, de ne pas descendre
vers la place de la Bastille pour entonner la rue de la Roquette et
mes milliers de pas anciens, me contenterais de la rue du
Chemin-vert, m'ennuierais prodigieusement, et, lasse de cette marche
sans intérêt, je m'engouffrerais dans le métro au Père Lachaise
pour une seule station...
pardon demandé, me suis
bien promenée...
8 commentaires:
Votre promenade virtuelle montre les pouvoirs d'Internet : vous vous êtes transportée sur place sans effort (mais avec un peu de masochisme ?) et il manque juste une photo de la Cité de la musique et de la salle si belle car à dimension humaine.
Vous n'avez pas montré la photo de votre studio loué en pure perte rue Amelot ?
oui, ne sais pas trop pourquoi… se limiter tout de même un peu, et puis le charme tenait dans le petit jardin qu'on ne voit pas de la rue (plus la propriétaire)
tiens devrais me propulser à la Cité pour voir ce que ça donne avec la Philharmonie (j'aimais bien l'ensemble conservatoire halles cité)
Il y a des lieux qui sont indestructibles que nous revivons sans cesse Et même retrouvais une porte rue de Sèvres et suis restée là figée avec forte envie d'y entrer
aime bien (mais moins tout ce qui est avant, mauvais souvenirs)
Paris comme un village, rien qu'à soi, pour un soir.
dans ces quartiers où étais hier, eu une pensée pour vous, d'ailleurs pour moi vous êtes liée à ces lieux désormais.
mon vrai village, le plus longtemps occupé, 40 ans environ, et celui où on m'arrêtait dans la rue les derniers temps pour me parler de ma santé, c"était le haut de la rue de la Roquette
"Je me souviens ... "
Christie, oh ! oui, quelle merveille !!!
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