Or donc devais, pour obéir
à petit toubib, reprendre contact avec le pneumologue qui n'avais
rien trouvé de réellement grave dans le délabrement de mes
poumons,
or donc me suis préparée,
à contre coeur, ai calculé temps de trajet, et puis comme tout en
moi était frein, que tournais en rond devant ma porte, suis partie, sous ciel encore lumineux où nuages et
bleus se chassaient dans le vent, pour me rendre compte que j'étais
en retard, appeler un taxi,
arriver avec assez solide
avance, m'attarder devant la rouille des arbres, attendre dans
une salle pleine de clients potentiels pour le collectif de médecin,
une bonne demi-heure au delà de l'heure prévue, m'absentant,
plongée loin d'eux, dans la fin d'avec vous ce jour là la
lettre de Sabine Huynh au poète Allen Ginsberg, attendant
encore le temps de calmer ma résistance, de me faire visage aimable
et responsable.
Trop,
parce que quand il m'a été prescrit un nouveau scanner n'ai pas su
me rebeller, ai pensé temps gagné, haussé les épaules
intérieurement, acquiescé, pris sagement un rendez-vous pour début
décembre…
et
que ce n'est qu'avec mes premiers pas dans la rue, dans le reste de
vent, sous le ciel devenu sombre comme une menace, que ma rage est
montée contre cet engrenage, cette insistance, la gabegie de cet
examen inutile, que ma méfiance instinctive envers ce médecin –
peut-être injuste mais tenace – s'est réveillée.
Comme
j'avais repéré qu'il y a, près d'un des centres commerciaux, à
quelques stations de bus d'Urbain V, en tournant autour de la ville,
un magasin des Galeries Lafayette, j'avais décidé, quitte à faire
ce que je déteste, d'y passer pour chercher valise de taille
correcte, sac pour l'hiver, chaussures basses pour la ville, pantalon
qui ne vienne pas du rayon garçonnet de Monoprix etc... mais la carcasse, réagissant comme toujours méchamment à mon à-contre-coeur, commençait à se manifester, et comme le petit centre commercial du
Pont des deux eaux était fermé, j'ai décidé qu'il en serait de même
pour Cap-Sud et les Galeries,
et,
souriant aux jets d'eau luttant contre le reste de vent, ai tourné,
paumée, autour de la clinique, interrogé deux personnes, trouvé
l'arrêt du bus qui me ramenait vers les remparts,
longeant
des arbres merveilleux, des cités…
trouvant,
à cause de travaux, bel embouteillage sur l'avenue qui longe les
remparts, jusqu'à ce que carcasse ne supporte plus les effets des
redémarrages, arrêts, secousses,
descendre,
retrouver petite allégresse de la marche,
passer
sous la voute basse et presqu'amicale de la petite porte Saint
Michel, et m'en revenir sous les premières gouttes.
déjeuner,
petite sieste, regard vague sur un ourlet à faire, lecture de revues
d'ONG, d'Alternatives économiques (conscience revenant de la perte
que représentais pour la sécurité sociale), etc...
et
pour sortir des petits ennuis de cette journée avignonnaise, reprise
d'un épisode de mon voyage fictif sur le blog des cosaques
http://lescosaquesdesfrontieres.com
Ce serait...
7 en Zélande
Ce serait
quitter Noord-Beveland, s'engager sur l'Oosterscheldekering vers
Neeltje Jans, rouler entre mer et eau, d'une porte à l'autre -
puisque ces massifs et complexes blocs de métal sont des portes, je
l'apprendrais – avant, incroyablement lointaine, cette île longue
qui n'est que la route, le barrage, et guère de terre autour, avec
quelques pontons, jetées, éoliennes.
Ce serait le sage petit
port de plaisance à l'entrée et puis l'artifice de cette terre,
l'herbe sèche de septembre sur les talus vers l'immensité de la
mer, ce seraient les quelques maisons ou bâtisses de service,
géométriques et blanches.
Ce serait le léger
renflement vers le centre, avec des ébauches de dunes, les plantes
pauvres, le camaïeu de verts grisâtres et de roux, la bruyère, le
lichen, du moins c'est ce que je croirais distinguer, mes yeux les
effleurant dans leur attente, leur quête de ce que recèlerait
l'horizon.
Ce serait, vers la fin de
l'île, l'impression de la voir prendre épaisseur, des
terrassements, une petite activité, un enchevêtrement de routes
blanches aux destinations parfois improbables ou du moins je le
penserais, le gros parallélépipède de ciment bruni sur notre
gauche, comme une forteresse face à la mer, et à droite, vers
l'Oosterschelde, en contrebas de notre route, le parking plein de
petites voitures brillant dans la lumière rasante, les quelques cars
garés en épi, le long toit, coupé d'un très grand panneau portant
une image que je ne pourrais déchiffrer, ce long toit montant du
sol, comme une protection pour la façade vitrée que nous
devinerions, un club nautique ou quelque chose de ce genre, et le
conducteur aurait un ou deux mots pour m'expliquer, mais je serais
trop absorbée, trop yeux, pour que le signal arrive de mes oreilles
endormies à mon cerveau...
Et puis, juste avant de
nous lancer de nouveau entre mer et eau, vers le petit banc de sable,
et l'île au delà, après un poteau rayé de rouge et de blanc,
cette assemblée de grands pieux rouge rouille foncée, comme une
sculpture, une assemblée de présences bien serrées les unes contre
les autres.
Ce
serait la promesse d'une petite ballade - une porte entre des tours,
une église massive, de vieilles maisons - et d'un dîner à
Zierikzee - avant une nuit à côté, dans une maison nommée
Villetta, petites briques rouges séparées par de gros joints
blancs, rotin, bois blond, draps blancs et couvertures rouges et tu
verra, ils sont charmants, nous en avons gardé un très bon
souvenir.
8 commentaires:
Il est bien que la petite roue continue à tourner...
Faut-il promesse d'un scan pour avoir un si beau regard sur la ville ?
suis pas très sûre qu'elle le fasse à vrai dire… quoique je pense, le canal a du courant
Pierre, en ce cas je préfère pas de regard :))
assez admirative à la fois de la manière dont vous diluez vos soucis, fatigues et lassitude dans ce que vous aimez et en même temps, de la façon que vous avez de le confier ici, tout crûment et tout bonnement ensemble...
mais, pour convaincante que vous soyez, vous ne me ferez pas croire que vous êtes une menace pour le déficit de la Sécurité Sociale :-) !
une dépense inutile tout de même
La roue tourne ,le mouvement aussi suivre, " ce serait" tout de même grande sagesse
Oui, laisser de côté et partir droit, ou, laisser droit le souci et partir de côté, vous accompagner, plaisir de l'errance du ce serait...Merci d'ouvrir le jour en chassant l'inquiétude vers le nord aimé!
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