Ciel saturé de
bleu, tête enfouie entre bonnet et fichu, m'en suis allée dans la
ville
intriguée,
toujours, par les chiffres et signes qui ont envahi les rues de mon
quartier
jusqu'au vieil
hôtel à l'abandon romantique où se trouve le laboratoire d'analyse
pour une longue
attente avant d'y laisser un peu de mon sang
une incursion
brève aux halles pour rutabaga et navet jaune (une envie, et ne
pouvais en porter davantage), un passage chez le teinturier pour un
échange de draps et pantalons sales et propres
et un retour en
souriant au soleil qui dégourdissait légèrement l'air, y mettait
un souvenir de tiédeur
et à la nuit à
venir – cette petite curiosité pour cette musique que ne connais
pas, que je n'aurais jamais pensé à découvrir..
journée où
lutter vaguement, sans beaucoup de conviction, contre l'instinct de
carcasse qui voudrait bien pouvoir rester en sommeil jusqu'au jeune
printemps…
Ai tout de même
tenté, la nuit venant, de retrouver esprit ouvert, en éveil, tout
en endossant robe, veston de velours, bonnet, gros manteau, bottes
pour grimper vers l'opéra..
avec petite
appréhension et désir de trouver mon plaisir à ce drame inspiré
par notre région et le lyrisme de Mistral (pour lequel j'ai, suis
navrée, un goût qui reste mitigé, assez fort pour me tenter d'y
aller voir via Gallica, assez faible pour ne pas dépasser un quart
d'heure, ou guère plus, en sa compagnie)
Emai soun front non
lusiguèsse
Que de jouinesso ; emai
n'aguèsse
Ni diadème d'or, ni
mantéu de Damas,
Vole quen glori fugue
assado
Coume uno reino,
écaressado
Pèr nosto lengo
mespresado,
Car cantan que pèr
vautre, o pastre e gènt di mas !
«Bien que son front ne
resplendit que de jeunesse ; bien qu'elle n'eût ni diadème d'or ni
manteau de Damas, je veux qu'en gloire elle soit élevée comme une
reine, et caressée par notre langue méprisée, car nous ne chantons
que pour vous, ô pâtres et habitants des mas.»
Ceci dit elle, Mireille ou
Nathalie Manfrido, comme les autres personnages, chantait bien
entendu en français, pour être comprise par l'auteur du livret,
Michel Carré, par Charles Gounod et par nous autres (à quelques
exceptions près)
et ma foi j'ai aimé la
construction du livret (moins une certaine tendance parfois au
«partons, partons, partons» ou similaire), les éclairages, le
décor qui avec quelques touches créait une impression de réel ou
presque, les changements rapides, les deux moments à effet, le Rhône
gonflé qui précédait l'entracte, la forêt de cierges la barque
les bannières de la scène finale aux Saintes Maries, le goût des
costumes (photo empruntée au compte Facebook de l'opéra) et l'évidence apparente de la mise en scène – la salle
comble et quasi fervente et mes très gentils et joyeux voisins.
de la musique goûté
surtout les quelques mélodies, la ligne emportant l'ensemble –
mais je dois avouer que j'ai eu, entre le premier acte dans la cour
de la magnanerie inondée de soleil et l'entracte de grands moments
de tête dodelinante, et d'absence bercée qui ne tenait qu'à moi,
le spectacle n'était pas en cause
De bons chanteurs, y
compris Vincent mais il est de ces ténors glorieux et un peu
trompetant dont, personnellement, je déteste la voix, bon musicien
et bon acteur au demeurant (je n'y peux rien je n'aime pas les
ténors) – surtout aimé
Marc Barrard, le méchant,
le bouvier, Ourrias
la sorcière, Taven, beau
mezzo expressif, Sylvie Brunet-Grupposo
le peu auquel a droit, dans
le rôle de Vincenette, Ludivine Gombert
et Aurélie Ligerot qui
chante je crois la jolie berceuse du pâtre
Mireille, Nathalie
Manfrino, assume le rôle principal, est une Mireille charmante et
élégante comme il se doit, a une jolie voix qui me faisait penser,
charnue, à un bigarreau, que j'ai donc un peu moins aimé dans les
grands moments de détresse, même si elle meurt très bien.
Retour dans un vent
mollissant, et bâcler ces quelques notes, avant la morue et les patates.
5 commentaires:
Inutile de le claironner : Paumée n'aime pas les ténors. Moi, non plus.
Ce sont comme des santons vivants...
exactement
Cette page (comme souvent ici) me procure le même effet que 20 minutes de sieste sur une chaise longue, avec une couverture profonde, face au Ventoux
glissant sur un rêve à thème.
Aujourd'hui, les signes et les codes qui attrapent l'esprit finissent par se diluer dans le fleuve des vers mis en musique
gommant l'heure de voiture qu'il m'aurait fallu pour être dans la salle d'opéra (un peu).
ravie et flattée que cela puisse servir
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