Comme j'avais oublié,
chose importante, d'acheter du produit vaisselle,
comme une voix au
téléphone m'avait dit que, cette année, l'UNICEF était en rupture
de stock et ne pouvait m'envoyer ni le calendrier qui m'offre chaque
mois un nouveau visage d'enfant à regarder depuis ma douche, ni
l'agenda où je pense parfois à inscrire des rendez-vous et que je
bourre de factures à payer, appels de fonds auxquels réfléchir
etc.. (et que donc leur montant, ainsi que celui de paquets de cartes
de voeux était converti en don), m'en suis allée dans la ville,
vers l a FNAC parce que c'était le seul endroit auquel j'étais
capable de penser... sans regarder les tenues de fêtes devant
lesquelles je passais,
yeux dans le bleu animé
du ciel..
Ai longtemps cherché, ai
pu éviter une trop grande laideur, ai continué à virer entre les
rayons, à peu près fermement décidée à ne rien prendre
puisqu'ils n'avaient en principe, et d'ailleurs en fait, à peu près
rien qui figure sur ma liste de désirs,
et m'en suis retournée,
près de deux heures plus tard, avec produit vaisselle, des photos de
Londres pour la douche, des estampes de Hiroschige pour le
pense-bête, et puis un peu de Thierry Crouzet, d'Agatha Christie, de
François Cheng, de Jean-Philippe Toussaint, de Quignard et de Giono,
avec Roma de Fellini, l'île nue, Schock Coridor et Quinze jours
ailleurs (Minelli), et pour que le corps soit à la fête, y ai
ajouté, extrêmement, superbement, autoritairement odorant, un
petit, pas si petit d'ailleurs, Pecurinu.
Et comme vraiment n'ai
rien de plus intéressant à dire, comme je pense que ceci l'est fort
peu, comme c'est tant pis, mais tout de même, je reprends la
description d'un tableau du musée Calvet, un peu d'Avignon publié
chez les cosaques http://lescosaquesdesfrontieres.com
Joseph
Vernet, de la rue ensoleillée à l'orage
Ce serait suivre dans la
lumière la courbe tendue de la rue jusqu'à la grille – ce serait
la calade, l'escalier, chercher ses oeuvres en écho à la rue.
Ce serait
les regardants, petites
silhouettes colorées éclairées violemment comme un ancrage, et
pourtant mes yeux attirés par le grand trou de lumière, par la
grande diaprure qui pleut en biais sous les nuages.
la mousse des ressacs qui
poursuivent les hommes couchés sur l'eau, bande de bois disloquée
portant un moutonnement indistinct de corps, légèrement inclinée
pour que l'oeil, par delà le rouge et les cheveux flottant à la
proue, sautent l'onde noire animée de brisures blanches vers le
fouillis lumineux qui se brise sous le rocher et les effarés.
Ce serait
l'arche rocheuse devant
laquelle ils se tiennent, son élan, l'arbre secoué dans le vent,
branches tendues dans leur résistance vers cette trouée en camaïeu
animé blanc et bleu grisé, la boursouflure des nuages, cette
diagonale qui s'ouvre sur une zone de ciel libre en haut à droite.
une petite tache qui
serait un bateau très lointain, les yeux qui reviennent saisissant
au passage ce voilier en détresse qui se penche, coque et mats, en
parfait parallélisme avec l'averse, les yeux qui rebondissent
jusqu'à l'étrange écueil.
l'étrange écueil qui se
dresse sous l'immense ciel, occupant le milieu de la toile avec,
accroché à lui, à contre sens, en embrassade désespérée, les
fétus roux qui sont les mats, les vergues, les voiles carguées, le
gréement en désordre et la rondeur de la poupe inclinée vers sa
dislocation
Ce serait l'artifice de la
composition qui laisse deviner les lignes sous-tendues pour les
effacer dans un désordre théâtral – ce serait l'éloquence de la
lumière et des ombres qui effacerait la gesticulation des corps
esquissés
Ce serait les regarder en
partant, eux sur leur balcon de roche, ce serait la culotte jaune, la
chemise blanche et la ceinture nouée. Ce serait avoir envie de
santons.
Joseph Vernet –
naufrage d'un voilier sur des rochers – Musée Calvet, Avignon
6 commentaires:
L'Île nue... Shock Corridor... autant de films incontournables (et un Thierry Crouzet comme livre à la plage)...
les impressions si romanesques que peuvent nous offrir ce genre de toile de genre de voiles..! ***
sourire - oui, il tient sa place
La chute est imprévue!! Bravo pour le raccourci vers les santons
viens justement d'installer la crèche
moi pas encore, mais c'est le jour où je suis allée acheter le pêcheur d'Isoline Fontanille
En extase devant le tableau de Vernet
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