Ciel bleu, froid un peu
se laver cheveux, tenter
de faire sécher chandail lavé il y a trois jours
le mistral s'éveille,
grossit, insiste, ouvre porte fenêtre, la caler, se re-ouvre, caler
mieux
(selon Météo France 72
km/h avec rafales de 112 km/h)
plus d'électricité –
me battre, victorieusement au bout de cinq minutes, avec disjoncteur
penser que c'est sans
doute la mort annoncée du cumulus, jurer (le saurai ce soir)
vitres tremblent, moi
aussi même si je me moque de ma sottise
économiser chauffage et
eau chaude,
tête pleine du
rugissement... vouloir trouver mots pour les cosaques
http://lescosaquesdesfrontieres.com,
y arriver petitement, attention focalisée par les bruits (pimpou
viennent de dire des pompiers), mais dans mon besoin de solidité,
reprend, pendant que la nuit tombe et que le vent se fatigue et pense
à se reposer un peu, reprend donc - cela tombe bien, Notre Dame
c'est une belle masse - un «ce serait» qui y a figuré
Ce serait –
19 – Notre Dame
Ce serait presque un
schéma, ce seraient quelques couleurs et traits.
Ce serait du blanc, du
bleu, deux taches noires, une tache verte et des hachures.
Mais ce serait une masse,
une évidence.
Ce serait le bleu de l'eau
uni au bleu du ciel.
Ce serait la pierre des
quais, les pierres du monument devenues transparentes.
Ce serait l'absence des
sculptures, des porches, des roues de lumière, de la flèche de
Violet Leduc et ce serait elle.
Ce serait, perchée en
haut du tableau, et pourtant pesante, massive, présente, la
cathédrale.
C'était au début de
1914, Matisse à sa fenêtre, quai Saint Michel.
C'était après les
tableaux ramenés de Tanger en 1912, après les grandes natures
mortes aux formes simplifiées flottant sur un fond de couleur
violente de la fin de 1913.
C'était l'aboutissement
de cette simplification, ça avait été, un peu auparavant, les
lignes rectilignes, les verticales, de la femme au tabouret, ce
tableau en camaïeu de gris, avec le rose dénaturé du visage, les
deux taches, verte de la jupe, rouge d'une table, qui est, comme
Notre Dame, au Museum of Modern Art de New York.
Ce serait, à la fin de
cette année, la superbe porte fenêtre à Collioure du Centre
Pompidou, grand rectangle noir, au centre, rectangle élancé bleu
clair à gauche en pendant aux deux très fins rectangles gris puis
bleu-vert de droite.
Mais ce serait elle, Notre
Dame ce tableau dont Marcel Sembat disait dans une lettre de juin
1914 qu'il était le plus génial, celui où Matisse est le plus
personnel, et ce fut mon
arrêt prolongé devant lui, durablement conquise, lors de la grande
exposition Matisse au Grand Palais en 1993...
C'était à l'époque où
courrait une petite guerre dans laquelle on l'opposait à Picasso,
pour la puissance duquel j'avais et je conserve une admiration
inaltérable, conflit dont je me tirais en disant mon amour pour
Ernst, Miro, Dubuffet, Zoran Music... ou d'autres, parfois.
7 commentaires:
J'aime votre univers étrange, original et sobre.
Belle stabilité de Matisse devant les rafales du mistral que tu subis , avons même retardé notre périple vers la Drôme devant tant de violence
A Toulon pas une feuille ne bouge !!
"C'est un enfant de bohème sans foi ni loi "
Matisse et sa lumière, par les fenêtres grandes ouvertes, à flots, dans sa peinture.
Un très beau texte. Que je viens de relire, encore une fois. Résumé d'une conquête, de la forme qui se dilue, et de la lumière.
grand merci à vous deux
Arlette le mistral semble dormir
J'ai entendu à la radio qu'il y avait, dans votre région, des rafales de vent à 140 km/h.
C'est bien, dans ce cas, de se raccrocher aux tours de Notre-Dame de Paris !
Matisse et l'art de la bâtisse...
nouveau caprice de carcasse : le vent violent = nerfs (physiques) en déroute, crispés,
j'étais stupidement incapable de tout ou presque
Pas tant de débats finalement - branches sur routes, un pompier blessé, et plus de 600 interventions mais on ne voit plus rien dans mon coin ce matin
juste reste de vent et froid glacial
reste mon cumulus...
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