Ne sais pourquoi, malgré
ce sacré capiton qui ne veux plus s'arrêter de m'investir, malgré
l'adoucissement de l'air, ou à cause d'un léger fléchissement dans
la venue de la douceur, gelée j'étais
mais comme n'avais plus
que deux petites grenailles au fond du panier, ai ressorti ma doudoune, et m'en suis allée dans
les rues, trouvant ciel hésitant, mou, bleu layette délavée avec
gros flocons d'ouate blanche,
une terrasse qui se
demandait s'il valait le coup de s'installer, et un air qui ne
picotait plus mes joues,
m'en suis allée, cheminant vers les halles,
vers le mur tristounet qui a grand besoin que finisse l'hiver, prend
charme vieillot,
vers un stand décoré et
vide, et des étals bien garnis.
et, malgré mes
résolutions de modération prises ce matin sur ma balance, malgré
ces stupides sensations de réplétude qui m'évoquent abrutissement,
suis repartie avec couffin bien garni, marquant quelques arrêts pour
sourire dans le vague, regarder la rue, un peu n'importe quoi, et
surtout le lent effacement des rides de mes doigts
Un peu de classement, un
thé, une plongée dans un livre qui semble devoir me passionner, que
vais lire en petites foulées, Clément VI au travail – Lire,
écrire, prêcher au XIVe siècle, d'Etienne
Anheim (une émission de France Culture m'avait donné désir) pour
découvrir des bribes du portrait par Pétrarque de Pierre Roger,
intellectuel devenu pape brillant, bien trop brillant sans doute,
qu'il combattait en temps que tel, et parce que c'était le temps qui
a vu naître les franciscains, un temps de contestation de la
papauté, et d'Avignon
Quicquid de assiria vel
egiptia Babilone, quicquid de quatuor laberinthis...
Tout ce que vous avez
lu de la Babylone assyrienne ou égyptienne, des quatre labyrinthes,
du seuil de l'Averne, des forêts du Tartare, des marais de souffre
n'est que fable en comparaison de cet Enfer. Vous verrez ici Nemrod,
qui tout à la fois élève des tours et soulève l'effroi,
«Sémiramis et son carquois», l'implacable Minos, Rhadamante,
Cerbère qui dévore tout ! Vous verrez «le taureau saillir
Parsiphaé, les sangs se mêler», «et naître le Minotaure, rejeton
à double forme, vivant rappel d'amours ignominieuses» - comme le
dit Virgile ! Enfin vous verrez là tout ce qui existe ou que l'on
croit exister dans l'univers de plus trouble, de plus hideux et de
plus horrible.... (Liber sine
nomine, lettre VIII)
et,
sans trop de crainte, m'en suis allée, la nuit tombée, dans cette
ville
vers
l'opéra, un beau programme, deux oeuvres à découvrir, deux
interprètes à découvrir.
En
entrée, découvrir le chef Christophe Mangou, assez mince pour
sembler grand, un rien clownesque, et une oeuvre de Jean Louis
Florentz que n'avais jamais entendue, que j'ai beaucoup aimé, trop
riche pour détailler, Qsar Ghilâne, le palais des dhinns,
trop riche, varié pour détailler, mais je trouve, maintenant, une
vidéo donnant une partie de l'oeuvre, que n'ai pas le temps
d'écouter, que je pose pour mémoire
et
puis découverte d'une autre interprète, dans une oeuvre très
connue, la très charmante et jeune Hélène Tysman dans le concerto
n°21 pour piano et orchestre de
Mozart – belle énergie, beau jeu, et petite déception, peut-être
à cause du chef, peut-être à cause de moi – j'ai aimé, bien
sûr, mais mon plaisir était un peu gâché par le sentiment que
c'était presque bien, presque ça, mais qu'il y avait juste une
pincée de 19ème, de romantisme qui me gênait.
ai
pensé en entrant dans le foyer que leur rapport au XVIIIème siècle
était un peu semblable à celui du peintre de cette décoration aux bergeries.
Attendre,
regarder trois garçons remodeler la scène
et
puis découvrir, avec plaisir, gaité, la suite pour orchestre
composée par Richard Strauss pour accompagner le bourgeois
gentilhomme
goûteux
et souvent beau, peut-être pas ce que j'ai préféré de lui.
Saluts
et applaudissements, une partie du dernier tableau, du festin, fort
régalant, en bis,
et
retour d'un bon pied vers l'antre.
6 commentaires:
oui j'ai appris récemment que nombre de personnes n'avaient plus d'empreintes digitales, le temps les ayant effacées... comme un rapt d'identité..
(quel appétit de vivre vous avez!)
Le mur décati
reprendra-t-il vie ?
"Goûteux" comme ton marché ,le nez dans le "bleu layette"
J'adore
Je n'étais pas à ce concert mais j'apprécie vos remarques sur le rapport au XVIIIe.
Mariage de raison ......marché et musique !
sourires, et mercis
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