commentaires

désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, mai 25, 2015

Après-midi avec Pierre Roger


lavage cheveux, nettoyage imparfait, toujours imparfait des vitres, et rejoindre la lumière, le soleil pendant qu'il atteint ma cour,
avec le dernier numéro de Démocratie et Socialisme et le Manière de voir du Monde Diplomatique intitulé «Libre-échange, la déferlante»
jusqu'à ce que le soleil commence à remonter sur le mur et que la navrance accumulée par ma lecture trop prolongée de ce que devient notre monde, sans nous laisser d'autre réaction possible qu'une désolante compréhension, me chasse…
ai mis dans un sac de toile à petites fleurs le livre d'Etienne Anheim sur «Clément VI au travail – lire, écrire, prêcher au XIV° siècle», suis montée vers la place du palais, ai salué les armes de Pierre Roger qui surmontent la porte du palais tel qu'il l'a voulu, et entrepris de grimper pour trouver une place au soleil, un oloé paisible pour ce livre, abandonné à la page 184 depuis plusieurs semaines (me passionne mais résiste un rien à mon oubli du latin – il y a de nombreuses citations non traduites, où je goûte la langue mais ne perce que difficilement le sens -, mon ignorance.. le temps qu'il me faut pour assimiler et avoir l'illusion d'engranger, et cette horrible perte d'habitude d'une concentration prolongée) 
Mais, paresseuse, et parce que l'endroit me plaisait comme un petit îlot, me suis arrêtée en haut de la première rampe, au niveau du premier étage du petit palais, face aux toits descendant vers le Rhône, à demi cachée par un olivier planté au milieu d'herbes et de fleurs, illusion de campagne et rempart virtuel mais suffisant pour m'assurer tranquillité... et j'ai repris l'étude de la construction des sermons de Pierre Roger avant Clément VI
A partir d'une nature de départ, Pierre construit quatre propositions parallèles. Le cadre est fixé de la manière suivante : adverbe de quatre syllabes finissant en -enter, participe de quatre syllabes finissant en -atus, substantif de quatre syllabes au génitif finissant en par -tatis, substantif de trois syllabes au nominatif finissant par -io, après quoi le lien avec les fragments thématiques est assuré par quia, un adverbe de trois à cinq syllabes en -ose et un verbe de deux syllabes conjugué en -uit.
Ce genre de matrice, porté à un haut niveau de systématisation par Pierre mais caractéristique de la prédication scolastique de la fin du XIIIe et du début du XIVe siècle, joue un rôle de contrainte mais aussi de soutien à la construction du discours, une sorte de dispositif de génération quasi automatique du langage, surtout pour un prédicateur habitué à recourir à un vocabulaire de ce type et maniant fort bien rimes et assonances. L'écriture mêle esthétique de la composition et rapprochement conceptuel de notions pour construire une parole pédagogique, recourant à la démonstration mais aussi aux effets rhétoriques.
Mais au bout d'une trentaine de pages le soleil – je grossis trop – m'était insupportable, presque jusqu'au malaise, ai fermé le livre sur La version du sermon pour la Toussaint Omnis multitudo sanctorum conservée dans le ms. Sainte-Geneviève 240 montre également un cas de bilinguisme : l'introduction et le développement sont en latin, comme tout le reste du manuscrit, mais dans la division thématique, après la division en latin suit une autre division thématique possible, en français. Ce vestige attesté d'une prédication en vernaculaire chez Pierre témoigne de la possibilité de la chose et laisse penser que certains textes existaient en deux versions ou mêlant les deux langues... me suis déplacée, me suis assise sur le banc qui se blottit derrière l'autre olivier, jambes allongées, ai récupéré en rêvant à ce que j'avais retenu de la vie, la trajectoire (résumé, ce qui est assez long, sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Clément_VI) de ce petit noble, moine, étudiant, maître de philosophie, conseiller à la cour (plaidait-il en latin ?) archevêque, évêque, cardinal, homme de science et de pouvoir, grand prédicateur (sans doute pas devant les foules de fidèles s'il s'était limité au latin), diplomate, pape réformateur, bâtisseur, mécène, mondain, érudit, bibliophile, «magnifique», incitateur de croisade et virtuose en népotisme qui a tendance à me fasciner.. et puis suis descendue vers l'antre, ai arrosé, fait un tour sur internet, et dans la cour ai repris le chapitre au début qui traite des jugements sévères et pleins de verve de certains de ses contemporains Jean Dupin, Pétrarque, Pierre de Ceffons (dirigés moins contre lui que contre l'état de l'église, à cette époque qui a vu apparaître des mouvements revendiquant des réformes)...  


4 commentaires:

fbon a dit…

merci Pierre Roger alors!

Brigetoun a dit…

et grand merci à vous

arlette a dit…

Lecture bien sérieuse ... ce jour je rêve alors dans tes arbres
Y reviendrai

Gérard a dit…

les armes de Pierre Roger heureusement inoffensives