lavage cheveux, nettoyage
imparfait, toujours imparfait des vitres, et rejoindre la lumière,
le soleil pendant qu'il atteint ma cour,
avec le dernier numéro de
Démocratie et Socialisme et le Manière de voir du Monde
Diplomatique intitulé «Libre-échange, la déferlante»
jusqu'à ce que le soleil
commence à remonter sur le mur et que la navrance accumulée par ma
lecture trop prolongée de ce que devient notre monde, sans nous
laisser d'autre réaction possible qu'une désolante compréhension,
me chasse…
ai mis dans un sac de
toile à petites fleurs le livre d'Etienne Anheim sur «Clément VI
au travail – lire, écrire, prêcher au XIV° siècle», suis
montée vers la place du palais, ai salué les armes de Pierre Roger
qui surmontent la porte du palais tel qu'il l'a voulu, et entrepris
de grimper pour trouver une place au soleil, un oloé paisible
pour ce livre, abandonné à la page 184 depuis plusieurs semaines
(me passionne mais résiste un rien à mon oubli du latin – il y a
de nombreuses citations non traduites, où je goûte la langue mais
ne perce que difficilement le sens -, mon ignorance.. le temps qu'il
me faut pour assimiler et avoir l'illusion d'engranger, et cette
horrible perte d'habitude d'une concentration prolongée)
Mais, paresseuse, et parce
que l'endroit me plaisait comme un petit îlot, me suis arrêtée en
haut de la première rampe, au niveau du premier étage du petit
palais, face aux toits descendant vers le Rhône, à demi cachée par
un olivier planté au milieu d'herbes et de fleurs, illusion de
campagne et rempart virtuel mais suffisant pour m'assurer
tranquillité... et j'ai repris l'étude de la construction des
sermons de Pierre Roger avant Clément VI
A partir d'une nature
de départ, Pierre construit quatre propositions parallèles. Le
cadre est fixé de la manière suivante : adverbe de quatre syllabes
finissant en -enter,
participe de quatre syllabes finissant en -atus,
substantif de quatre syllabes au génitif finissant en par -tatis,
substantif de trois syllabes au nominatif finissant par -io,
après quoi le lien avec les fragments thématiques est assuré par
quia, un adverbe de
trois à cinq syllabes en -ose
et un verbe de deux syllabes conjugué en -uit.
Ce genre de matrice,
porté à un haut niveau de systématisation par Pierre mais
caractéristique de la prédication scolastique de la fin du XIIIe et
du début du XIVe siècle, joue un rôle de contrainte mais aussi de
soutien à la construction du discours, une sorte de dispositif de
génération quasi automatique du langage, surtout pour un
prédicateur habitué à recourir à un vocabulaire de ce type et
maniant fort bien rimes et assonances. L'écriture mêle esthétique
de la composition et rapprochement conceptuel de notions pour
construire une parole pédagogique, recourant à la démonstration
mais aussi aux effets rhétoriques.
Mais
au bout d'une trentaine de pages le soleil – je grossis trop –
m'était insupportable, presque jusqu'au malaise, ai fermé le livre
sur La version du sermon pour la Toussaint Omnis multitudo
sanctorum conservée dans le ms. Sainte-Geneviève 240 montre
également un cas de bilinguisme : l'introduction et le développement
sont en latin, comme tout le reste du manuscrit, mais dans la
division thématique, après la division en latin suit une autre
division thématique possible, en français. Ce vestige attesté
d'une prédication en vernaculaire chez Pierre témoigne de la
possibilité de la chose et laisse penser que certains textes
existaient en deux versions ou mêlant les deux langues... me
suis déplacée, me suis assise sur le banc qui se blottit derrière
l'autre olivier, jambes allongées, ai récupéré en rêvant à ce
que j'avais retenu de la vie, la trajectoire (résumé, ce qui est
assez long, sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Clément_VI)
de ce petit noble, moine, étudiant, maître de philosophie,
conseiller à la cour (plaidait-il en latin ?) archevêque, évêque,
cardinal, homme de science et de pouvoir, grand prédicateur (sans
doute pas devant les foules de fidèles s'il s'était limité au
latin), diplomate, pape réformateur, bâtisseur, mécène, mondain,
érudit, bibliophile, «magnifique», incitateur de croisade et
virtuose en népotisme qui a tendance à me fasciner.. et puis suis
descendue vers l'antre, ai arrosé, fait un tour sur internet, et
dans la cour ai repris le chapitre au début qui traite des jugements
sévères et pleins de verve de certains de ses contemporains Jean
Dupin, Pétrarque, Pierre de Ceffons (dirigés moins contre lui que
contre l'état de l'église, à cette époque qui a vu apparaître
des mouvements revendiquant des réformes)...
4 commentaires:
merci Pierre Roger alors!
et grand merci à vous
Lecture bien sérieuse ... ce jour je rêve alors dans tes arbres
Y reviendrai
les armes de Pierre Roger heureusement inoffensives
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