Matin m'en suis allée,
caressée par l'encore légère et si douce main du soleil, vers la gare
avec, toujours, n'y suis
pas encore habituée, l'impression de tomber dans un trou ou d'être
invitée à nager dans un espace trop grand, en arrivant à la limite
de la disparition des platanes
ai pu changer, à moindre
frais, le premier de mes billets pour ma petite virée à venir,
celui vers Paris qui me faisait arriver un peu trop tard pour prendre
tranquillement possession d'un studio, me changer, m'acheminer vers
l'opéra…
et, en sortant, parce que
la dernière de mes vieilles paires de sandales (sauf une qu'il
faudrait vraiment me résoudre à jeter) commence à être navrante,
comme aucune des deux paires achetées ces jours ci n'est acceptée
par mes pieds, me suis attaquée à une recherche appliquée
et suis rentrée avec deux
paires, pas trop chères, avec lesquelles j'ai arpenté la cour
longeant le mur, baignant
dans la chaleur qui rebondissait sur lui, dans la lumière qui fait
croire un moment à l'olivier qu'il aura quelques fruits, sans doute
à tort, et le verdict semble positif – sans grande élégance,
mais sans mal, sans divorces entre sandales un peu trop grandes et
pieds, sans cheville tordue, devrais pourvoir arpenter la ville, tout
doux, tout doux.
Et puis, avant que la nuit
s'installe, m'en suis allée, par sympathie, tentant de refouler une petite
réserve, vers l'opéra,
ai grimpé au troisième
balcon prendre un bain de jeunesse, ai assisté aux deux ballets, aux
deux chorégraphies d'un honnête néo-clacissime montées cette
année par le corps de ballet de l'opéra, avec le plaisir d'avoir
l'orchestre dans la fosse/
deux
chorégraphies du gentil maître de ballet Eric Belaud sur la musique
de Satie
Relâche très
très assagi par rapport à la création
parce
que nous ne sommes plus dans cette ambiance, parce que le chorégraphe
tient compte des moyens tout de même relativement réduits de ses
danseurs
belle
palette en noir ou gris très foncé (cache-poussières de la troupe
et chapeau, comme des personnages sortis d'un dessin de Folon) et
gris clair (larges chemises et pantalons sous le manteau) avec une
tache rouge (la robe de la soliste et la doublure des manteaux qui
font de belles flaques quand sont jetés au sol), beaux éclairages,
belle géométrie de l'occupation du plateau, et fort travail de la
troupe
argument
: «Qui sont ces gens coincés dans leur apparence stricte ? Quelle
est cette femme dans sa jolie robe de soirée ? .. le reflet d'une
société formatée par l'image.
Une
image qui un jour se relâche et laisse découvrir une part de folie
qui sommeille en chacun de nous...» et la jolie idée finale, le
panneau du fond s'étant retournée pour faire apparaître une série
de sièges de velours rouge de les faire asseoir face à nous et
éclater de rire face à la salle éclairée (mais il aurait fallu
leur apprendre à rire, parce que là ça bat en artificialité
toutes les navrantes émissions de variété à la radio)
et sur les Gymnopédies
un
ring stylisé, un coupe de danseurs en maillots de couleur chair, un
pas de deux qui se veut sans grâce, acrobatique, un peu, et la grâce
toute de même de la musique et de la jeunesse de la danseuse Agathe
Clément
argument
: «une vie à deux dans un cadre défini, un ring pour symboliser
l'espace où les corps se frôlent et s'affrontent.. une routine et
puis un jour le besoin du large, la machine qu'on a construit
dérape…
un
entracte, et zut,
et la
chorégraphie de Christophe Garcia pour les forains d'Henri
Sauguet
des
cordes qui pendent comme d'un chapiteau, des costumes qui descendent
des cintres sur des silhouettes pour que les danseurs y cueillent les
pièces leur permettant d'incarner leurs personnages, de l'humour,
une conviction plus ou moins profonde des danseurs, et un beau
travail de troupe
Ne
voulant trop démarquer le ballet d'origine, il a cherché à garder
l'essentiel, l'énergie et le courage des forains, et à respecter la
musique (pari réussi), à créer poésie à partir des clichés...
synopsis du travail
suite à un incident
inexpliqué (un pantin s'écrase
au sol au lever du rideau et un panneau indique que le directeur est
mort)
Une troupe de forains
voit son fonctionnement complètement bouleversé
- L'homme lapin a la mauvaise idée de se promener en forêt
- La dompteuse tombe amoureuse de son ours (un joli pas de deux doucement humoristique)
- La siamoise de droite devient narcoleptique
- Le funambule devient suicidaire
- La femme à barbe tombe amoureuse d'un barbier
- Et l'homme le plus triste du monde trouve un sourire
Ne répondant plus aux
attentes du public et des politiques en cours, la troupe perd ses
ressources et repart.
Et
finalement, je n'étais pas transportée, sans doute, mais pas mécontente
d'avoir testé.
8 commentaires:
la part de folie qui est en chacun de nous et oui, ah super les spectacles reprennent...
Satie est au-delà du scandale de l'époque et son esprit malicieux demeure intact, merci de nous montrer ou rappeler ses mouvements gymniques...
et plaisir de voir des danseurs danser sur de la musique "en life" - (au besoin on ne regarde que l'orchestre, mais ne l'ai pas fait)
quelle douceur à cette "lumière qui fait croire un moment à l'olivier qu'il aura quelques fruits" et quel bonheur, de la partager, matin, avec vous !
et je suis comme l'olivier je veux y croire (une année il en a eu dix, qui n'ont pas été tout à fait jusqu'à la maturité, mas tout de même je les regardais avec ravissement tous les jours)
Vu des extraits Merci pour ton regard ...pointu
Arlette j'ai vu dans la Marseillaise que le sorelle… passaient au Théâtre Liberté (avec nouvelles actrices il me semble d'après une photo) - mon souvenir me dit de te conseiller vivement d'y aller
Un spectacle qui semble-t-il sort des sentiers battus
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