Me suis extirpée de
l'antre, coquille dans laquelle j'avais en réalité assez envie de
me recroqueviller (ça semble tiré par les cheveux mais c'est ce que
j'avais en tête à ce moment là) pour aller, un peu avant 11 heures
et demie
à Saint Agricol, pour le
dernier des concerts-lecture Novarina.
Assise un temps, et puis
circulant silencieusement (je sais faire) dans l'ombre des bas-côtés
pour maintenir mon attention en veille
Alternance de textes dits
par Novarina (d'une voix un peu basse qui obligeait à se concentrer
sur l'écoute) textes issus d'Observez les logaèdres (que
je découvrais), Une pierre vide
.. nous dévêtir, une
à une, de toute image, nous défaire de toutes les singeries
humaines..
l'avancée de la pensée
passe par la méticuleuse défaite des mots...
Ne jamais cesser de
penser à l'envers et au travers du langage.. en nageant dans le
drame fluidique respirant
en
relation avec l'Ascension – quatre méditations
symphoniques pour orgue de
Messiaen
et
Mercredi des cendres
la
croix... elle signe l’espace et le désigne partout..
vivre,
source d'un palpitement qui renverse..
la
croix contient en elle son contraire, le signe moins..
la
croix ouvre un vide dans la pensée.. la croix nous signe, nous
marque comme personne..
sur
le seuil d'une inversion de la mort à la vie (et une fois encore
les bries qui se laissaient saisir n'étaient pas ce qui me frappait
le plus..)
suivi
d'un extrait de la Nativité du seigneur de Messiaen
Trouvé (je n'ai pas le
livre) cette vidéo de Novarina parlant des textes qui y sont
rassemblés, du langage et du nom de Dieu
retour vers l'antre,
déjeuner, lourde sieste, d'où j'ai émergé, yeux pleurant de refus
de s'ouvrir,
mais j'étais de toute
façon, malgré la petite appréhension habituelle de l'attente sur
la rampe d'Aubanel, poussée hors de l'antre par une sono qui
s'installait et commençait à débiter ce qui me semblait être une
soupe tonitruante (me découvre presque capable de dormir contre une
bouche de canon mais pas dans la soupe, elle m'énerve)
L'animation normale de la
ville en ces jours, sans excès, un trajet un peu en dehors des
grands axes et un petit vent qui soutenait..
Une attente dans cette
nouvelle atmosphère, moins chaleureuse (petit clans et messages criés dans portables), mais encore courtoise, qui
caractérise l'arrivée de la seconde fournée de festivaliers,
une salle comble
le rideau qui s'ouvre
enfin sur du noir, un rectangle lumineux au sol où viennent remparer
puis s’immobiliser des petites masses noires (pensé à des
montagnes dans la brume comme on en voit en Chine)
et puis la lumière qui
vient, les corps qui se tendent vers elle (cette photo et la suivante
sont de Christophe Raynaud de Lage pour le site du festival) –
lumière qui ne cessera de jouer – énergie et brusques calmes des
danseurs - les sons récoltés et mis en scène par Marek Havlicek
(et de nouveau, malgré eux il m'est arrivé de dodeliner, pas
davantage, mais dodeliner)
Il
s'agissait de Jamais assez, de
Fabrice Lambert, inspiré par la découverte du documentaire
Into Eternity de Michael Madsen
décrivant un immense chantier d'enfouissement de déchets nucléaires
à Onkalo, en Finlande.
mythologie du feu
sacré, qui a ceci de commun avec l'histoire de Prométhée que,
d'une conquête à un instant T, s'ensuit un supplice pour
l'éternité. Sur le plateau, dix danseurs dessinent une géométrie
en mouvement, orientent des flux, sondent des brèches et provoquent
des ruptures pour éprouver cette expérience vertigineuse, de
l'énergie et de la durée. Dans un espace vide sculpté par la
lumière, ils sont les maîtres d'une cérémonie où la perception
de l'infini conduit à saisir le présent comme moteur générateur
d'un bien commun et précieux.
Est-ce
mon état qui embrumait un peu la chose, j'ai trouvé cela beau, mais
moins violent que cette présentation, sur le site du festival, le
laissait supposer, et très abstrait (ce qui n'est pas un reproche)
Applaudissements
nourris.
Brigetoun
hésitant entre sa fatigue et l'idée de la sono au bas de chez elle,
et décidant d'aller, comme elle l'avait prévu, voir une pièce à
la Chapelle du Verbe Incarné, suivant (clin d'oeil à l'ami Michel
Benoit qui avait posé l'autre jour une photo évocatrice
http://avignon.midiblogs.com/archive/2015/07/12/9-perfuma-li-repas-836656.html)
les éboueurs qui frôlent les tables des convives...
et
faisant un arrêt un peu trop bref au 23 place des Carmes, pour voir
la nouvelle exposition de tireurs de langue de sa femme Martine
Belay-Benoit (contente parce que les deux couples qui étaient
présents dans la petite salle avec moi étaient impressionnés par
la force de l'ensemble et la qualité)
mais
la fatigue se faisait pesante, et, en arrivant au Verbe Incarné,
j'ai hésité (il y avait une petite file d'attente, pas dissuasive,
mais qui m'a fait plaisir pour les actrices) et puis j'ai renoncé
et
j'ai continué le trajet rue des Lices, rue Joseph Vernet, tournant
autour de la ville, pour arriver à Calvet au moment où le public
entrait,
ce
que j'ai fait, sur les pas d'Olivier Py, qui venait présenter la
lecture en direct, de sa bonne adaptation (plutôt traduction) des
suppliantes d'Eschyle (j'ai juste levé invisiblement un
sourcil en entendant Blandine Mason (je pense) dire qu'ils n'avaient
pas prévu en programmant cette lecture qu'elle serait d'une telle
actualité, parce qu'il me semble que les traversées de la
Méditerranée par des immigrants datent d'un peu plus de quatre ou
cinq mois)
belle
lecture par Mireille Herbstmeyer, Philippe Girard et Frédéric Le
Sacripant d'un texte que j'aime, mais ma petite lucidité résiduelle
m'a fait sourire parce que je ne suis pas certaine que cette
acceptation, cet accueil de réfugiées parce qu'elle se revendiquent
comme européennes d'origine, et qu'elles sont poursuivies par des
êtres noirs vêtus de blanc dans des barques marqués d'yeux bleus
soient exactement totalement pertinent... (l'idée d'accueil,
d'asile, oui, et il y a la puissance tragique d'Eschyle)
me
suis levée en trébuchant, quelques minutes avant la fin, sous les
yeux d'Olivier Py que je ne savais pas derrière moi, suis arrivée à
la porte du jardin juste à temps pour applaudir, et m'en suis
revenue, incapable de rester, malgré petite envie, pour la lecture
suivante – la sono a été déplacée, les flonflons du bal sur les
allées de l'Oulle, je crois, me parviennent comme un murmure.
5 commentaires:
Cet hiver, j'avais assisté à la présentation du projet de Fabrice Lambert. L'idée de parler du chantier Onkalo dont j'ignorais tout m'avais séduite mais je n'avais pas compris ce qu'il voulait en faire. En fait, le documentaire sur ce chantier fou me paraissait tellement fort que je ne voyais pas vraiment ce qu'on pouvait faire d'autre et surtout pas, en écoutant les explications pour le moins compliquées de Fabrice Lambert. Quand tu écris que c'était abstrait, c'est justement ce que j'avais redouté.
Merci de ce compte rendu.
Ravage de la sono, " une soupe tonitruante "...
face à la " défaite des mots de Messian ".
C'est très beau.
oui le chantier n'apparaît guère que sur le programme
cela donne une danse pleine d'énergie et un travail de groupe
"Se détacher des mots" ... faut-il encore en avoir !!! (Clin d'oeil) mais là c'est une autre histoire
Surprenantes têtes à la langue tirée
Des vivas aux tireurs de langue...nouveaux linguistes sans doute !
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