réveil en douce chaleur -
forme d'enfantelet
partir une heure plus tôt
que d'habitude, pour éviter chaleur et foule, couffin en main
avec la délicieuse
surprise d'une idée de mistral caressant, faisant trembler les
drapeaux et bannes et remodelant les joues lasses
rues presque désertes,
ménage fait, quelques affiches cependant à fouler, ombres nettes
mais lassitude déjà de
notre toute jeune jungle miniature comme de la petite vieille en
sursis de nouvelle année
belle provision de pommes
de terre, légumes et fruits un peu au hasard parce que mes jambes
commençaient à manquer de stabilité
et arrivée en panique,
négociant avec précaution chaque pas sur dalles mouillées, devant
l'étal du poissonnier
prendre un gros bout de
dos de cabillaud parce que j'étais cramponnée face à lui, se
raffermir un peu dans un échange ironique sur nos âges avec l'ainé
des vendeurs,
mais, en regagnant l'allée
centrale constater que le monde devenait exagérément flou.
Petite pause assise sur
trottoir devant le fleuriste en contemplant la danse des guêpes dans
les chardons,
et retour aussi digne que
possible, lentement, malgré ma petite charge... le sourire d'une
affiche.
Mettre longtemps à ranger
achat, reprendre vie lentement, tenter un texte pendant cuisson,
faire gros repas, m'enfoncer dans sommeil
en me cramponnant à mon
désir de partir vers 17 heures vers Benoit XII, l'un des endroits
que je redoute un peu, que j'évite cette année, malgré les
spectacles généralement tentant... sauf, parce que, ne sais trop
pourquoi, j'en avais trop envie, l'Antonio e Cleopatra de
Tiago Rodriguez.
Et
pour me fortifier dans mon désir (outre ma fureur contre l'âge qui
fait que mon amie la chaleur – je prétendais ne pouvoir vivre en
dessous de 30° - devient ma petite ennemie intime ces jours ci,
fureur qui me donne envie d'aller contre la prudence de carcasse)
j'avais trouvé et regardé cette vidéo d'une répétition, pour
avoir une approche de ce langage des corps (une différence, un bébé en route)
suis
donc partie, hésitant en fermant ma porte, souriant fraternellement
aux poivrons fatigués le long du mur de l'hôtel d'Europe,
renonçant
plusieurs fois, sauvée par une photo à prendre (mais j'ai constaté
ce soir qu'elles étaient elles aussi un tantinet floues, ai tenté de
les sauver, les garde pour leur montrer ma reconnaissance), revenant
deux ou trois fois sur mes pas,
hésitant
à continuer, mais il était un peu tard pour abandonner, en abordant
la petite folie de la rue des Teinturiers, hésitant à tourner bride
en voyant la file d'attente qui s'étirait le long de deux mini
terrasses de café
et
m'asseyant très fière de moi dans le haut de la salle, le
brumisateur déchaîné…
Photo provenant du site
du festival
Antonio e Cleopatra
donc mais pas celui de
Shakespeare... puisque, si Tiago Rodriguez ne veut
rejouer la «monumentalité d'Antoine et Cléopâtre», c'est pour
que nous regardions ses comédiens-danseurs, Vítor Roriz et Sofia
Dias, se saisir de leur respiration pour approcher le noeud tragique
de cette relation à la fois intime et politique. Et que nous
regardions, tous ensemble, comment elle entre dans notre présent.
Pour y arriver, il a composé, à même le corps de ses interprètes,
un vaste poème cosmogonique qui demande de plonger dans le regard de
l'autre au péril de ce qui nous constitue comme spectateur : croire
en l'illusion théâtrale.
un
poème, de courtes phrases, comme, dans la bouche d'Antoine Cléopâtre
inspire, dans celle de Cléopâtre
Antoine inspire, la
gestuelle parallèle, sans rapport direct, sauf très stylisé avec
ce qui se dit, d'autres phrases plus longues et plus ouvertement
poétiques, des répétitions, des descriptions précises, et les
gestes mentionnés, et les phrases répétées, presque avec
méticulosité comme s'ils savaient qu'ils n'ont pas d'avenir, sont
empreints de tendresse, des incises sur les regards sur eux, Rome,
avec toujours Cléopâtre disant ce que fait ou pense Antoine,
Antoine disant ce que fait ou pense Cléopâtre.
La
formule Antoine (ou Cléopâtre) entre dans le présent
pour laquelle j'ai consulté le
programme de salle, y découvrant que pour Tiago Rodriguez qui ne
savait où situer l'action (le plateau est quasi nu avec à droite un
meuble bas pour qu'ils puissent s'asseoir et mettre en marche les
disques des rares musiques et sur toute la moitié gauche un grand
mobile par lequel il veut évoquer le cosmos) a cherché et trouvé
ce mot présent qui désigne le théâtre, le temps et le lieu de la
représentation (pas très convaincue) mais aussi la détermination,
le début d'une action, d'une implication ce qui correspond avec ce
que j'avais compris.
Avec
le déroulement de l'histoire vient le moment où tous les deux
disent Enobarbus dit pour
relater le retour à Rome, le mariage, le temps, et pendant cette
séparation, Cléopâtre continue à décrire ce que fait et dit
Antoine et Antoine continue...
Vient
le moment du retour d'Antoine en Egypte, et dans les phrases toujours
indirectes, le tu s'introduit, jusqu'au moment où ils se parlent
directement.
Vient
la fuite, la fin, et longuement ils échangent un mot, qui se
transforme, passe de l'amour à la mort, au monde, à un vous etc...
en une mélopée belle, puis assez belle, puis un peu longue, et
malheureusement la fin s'éternise, avec quelques belles phrases, et
les courtes notations rebondissant... et j'avoue que navrée, j'ai
décroché. Cela s'arrête juste avant la seconde où tout le plaisir
que, moi (pas unanimité dans le petit groupe qui se rafraichissait
avant de sortir dans la pagaille de la rue) tout plaisir que moi,
donc, j'avais ressenti allait commencer à s'effriter, à n'être plus
qu'un petit souvenir noyé dans un énervement
est
ce la cause de la vraiment très mauvaise photo prise au vol entre
deux corps se hissant vers la sortie. ?
Retour, mon pas un peu plus ferme qu'à l'aller, mais avec un soulagement honteux en
voyant en arrivant devant l'entrée de Calvet qu'il n'était plus
possible d'entrer pour écouter l'hommage à Chéreau comme le
voulais..
Suis
pas très satisfaite de Brigetoun et de ses limites, mais suis restée
tranquille, me bornant à écouter France Musique et dans
la maison des morts de Janacek,
avec des moments de distraction...
10 commentaires:
prenez soin de vous brigitte ! merci de ces photos toujours si belles qui donnent l'impression d'y être. Je suis revenue sur celles d'hier aussi et des vidéos. Du "tu au vous" d'antoine et cléopatre.Je retiens cela sauf la fin alors. Et France musique. oh oui. Belle journée de repos alors.
Pas besoin de se déplacer, vous le faites pour nous...
Mais combien de temps pour mettre toutes ces photos en ligne : vous êtes virtuose !
Bon anniversaire à toi et..Merci pour toutes ces photos et les textes qui les accompagnent.
Je ne sais pas comment tu fais par cette chaleur. La traversée de la rue des Teinturier est une épreuve absolue. Quant à la lecture au musée Calvet, faire une heure de queue pour espérer pouvoir entrer, c'est au dessus de mes forces.
Dominique, un peu trop de temps pour ce que ça vaut
pas sure de continuer… on ça me passera
merci à vous
merci Tanette
Caroline ça a été au dessus de mes forces, d'ailleurs tout l'était
Honte de te lire tranquille sous les ombrages dégustant même tes embardées périlleuses aux images toujours si " pointues" et tes renoncements ...
...Je suis aussi poissons...et Sagittaire à la fois.
poi cancer (pas une raison)
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