désir de m'économiser,
ou constat que le dois,
décision d'utiliser
petite plage vide du matin, lavage de cheveux
et plus d'une heure et
demie pour venir à bout du repassage de quatre tuniques, trois
pantalons, deux teeshirts et une robe (laissé une chemise de nuit
dans panier pour le plaisir de ne pas tout faire)
déjeuner rapide,
et partir d'un pas résolu,
à l'heure où d'habitude j'envisage de me mettre à l'épluchage des
légumes, vers le théâtre des halles,
la douceur du jardin, la
conquête d'un siège à l'ombre pour un court moment
avant d'assister, dans la
salle du chapitre, aux noces de Figaro par
la compagnie «du jour au lendemain» dans
une mise en scène d'Agnès Régolo
je
prélève une
vidéo sur le site du théâtre
http://www.theatredeshalles.com/pieces/mariage-figaro/
une belle énergie, mais
aussi de bons acteurs au service du texte,
l'entrée en scène, les
passages d'un acte à l'autre, dynamisés par quelques pas de danse
contemporaine sur une musique de Guillaume Saurel (qui va à la
jeunesse des personnages – juste un regret : la romance de Chérubin
subit le même sort, ce qui en fait convient parfaitement d'autant
que l'acteur est nettement plus vieux que ne le voudrait le rôle)
toute la gaieté de la
pièce, mais aussi - presque trop marquée pour le monologue de
Figaro - mise en lumière dans l'ensemble du texte de la force
politique de ce théâtre, (politique et féministe)
En sortant du jardin (et
de l'ambiance heureuse de ce théâtre) dans la chaleur des rues,
m'est venue l'envie d'aller voir ce qui a lieu dans l'église des
Célestins,
avec un moment de
découragement devant l'étendue vide sous soleil dardé...
Surprise en rentrant dans
la fraîcheur de l'église, parce qu'on l'aborde par la droite
(gauche habituellement) – un petit désarroi devant l'occupation
anarchique, le petit éventaire de boissons, aimer assez la librairie
installée dans le choeur mais refuser de s'y attarder (déchirant!),
chercher et trouver finalement les quelques oeuvres de Guillaume
Besson exposées, à débusquer parfois dans la pénombre.
Ne le connaissais pas,
avais donc petite curiosité...
assez aimé ce mélange
d'étrangeté et d’extrême précision, cet onirisme quotidien
(plus net sur des panneaux en camaïeu grège difficilement photographiable)
Dans la nef centrale sont
projetés des vidéos, des films, des captations de spectacle (il
faudrait repérer sur le programme et se faire ainsi, gratuitement et
au calme, un festival à partir des meilleurs moments du passé.)
Là
c'était le Richard III d'après Shakespeare de Peter Verheist, mis
en scène aux Carmes, par Ludovic Lagarde en 2007 dont j'avais gardé
un bon souvenir avec quelques réserves (fatigue si je me souviens
bien, et un peu de complaisance, mais il faudrait que je me relise,
là j'ai trouvé ça beau)
mais
j'ai eu soudain une grand envie de m'allonger sur mon lit..
M'en
suis allée, trouvant maintenant la chaleur et la foule un
rien trop, en passant par
Carrefour pour des yaourts après longue attente devant la caisse
dans la clim...
Dernières
centaines de mètres négociées aussi fermement et sourire aux
lèvres que possible, douche, chemise large jambes nues, arrosage, cuisson
patates et morue, une petite heure lovée sur lit
et
départ vers le très proche théâtre du Petit Louvre, dans la salle
des templiers (une clim que je fuis d'ordinaire mais qui à 20 heures
40 a perdu de son agressivité, et l'attente en compagnie des serveurs qui viennent transmettre les commandes, et prendre les assiettes attendues)
Sans très bien savoir de
quoi il s'agissait j'avais flashé sur une affiche d'un spectacle
TransFabbrica à cause de
ces noms Pasolini, Nono, Ligetti, Berio et j'avais levé la tête
comme une jument qui rentre à la maison – j'ai pris en partant
vers Calvet vendredi soir un billet, et ce fut une belle chose
Une vidéo où Christine
Dormoy parle de l'élaboration de son spectacle.
et
en fait parle, bien, très bien, du théâtre.
Et
j'en sors, heureuse d'avoir baigné dans un monde perdu que j'aime,
un peu triste car comment en parler, les lucioles que Pasolini voyait
s'éteindre devant le confort mais aussi l'uniformisation, la fin des
valeurs, la vilenie, l'argent et la laideur étant si éteintes que
le souvenir, le langage, en sont perdus.
Sur
le site du théâtre
http://theatre-petit-louvre.fr/avignon/spectacles/chapelle-des-templiers/transfabbrica/
d'où provient la photo
Réinventer
les lucioles
1960,
Pier Paolo Pasolini s’inquiète de la disparition des lucioles….
1963, Ligeti voit son poème symphonique pour 100 métronomes
interdit… 1964, Luigi Nono crée à la Biennale de Venise sa
Fabricca Illuminata interdite par la RAI….1974, Berio compose un
réjouissant kaléidospcope musical et philosophique…
Ces quatre artistes
visionnaires, inventeurs de formes, se retrouvent réunis par la Cie
Le Grain, pour une « Transfabricca » où se mêlent voix
lyrique, danse, théâtre, images. Un voyage au cœur de la mémoire
pour faire dialoguer les œuvres en toute beauté.
L’émotion alterne
entre empathie et nostalgie : le travail et les cadences infernales
qu’impriment au corps, sous le bleu de travail, les rythmes de
production. Restent dans l’espace, la présence du danseur, les
métronomes muets, deux violons, les paroles de Pasolini… et vous,
spectateurs. TransFabbrica est un poème dédié à la matière du
temps.
Je le
lis maintenant, et j'abandonne ma recherche des mots, parce que c'est cela, et un peu plus
que cela, parce qu'on est immergé par moment dans les usines encore
en activité, leur bruit où se niche la voix de la chanteuse, ou dans les images d'usines mortes, parce
qu'il y a le mur de petites photos sépias des travailleurs aux
visages nus, parce que c'est triste, joyeux et malicieux
parce
que c'est un langage musical dans lequel j'ai eu la chance de
rentrer, un peu tardivement, vers les années 70, et où me suis
sentie chez moi, attentive, d'emblée, mais qu'il faut que l'étincelle
prenne,
parce que c'était un temps où nous avions l'illusion qu'il
y avait quelque chose à préserver
parce
que la fin du travail, parce que la fin de la poésie populaire
parce
que les bribes des écrits corsaires de Pasolini, du manifeste
du parti communiste et de l'enfer de Dante..
parce
que l'intelligence du spectacle qui est de nous mettre en condition,
sans narration, parce que la voix de la chanteuse (elles sont deux en
alternance, je ne sais donc quelle est celle que j'ai entendue),
parce que ces musiques.
Enfin,
simplement, j'aimerais que d'autres le voient en étant à même de
s'y sentir bien d'emblée, joyeux (et concernés par le refus de
notre barbarie actuelle)
Nous
avions occupé un peu moins du tiers, je pense, de la belle salle de
la chapelle,
nous
sommes sortis souriants, longeant la petite foule non moins souriante
qui allait voir Cyrano.
10 commentaires:
Merci pour le partage de toutes les lumières et lucioles de votre journée :-)
et un immense merci pour votre soutien
Un quatuor italien (Ligeti, Pasolini, Berio, Nono) que j'aurais rêvé de voir mis ensemble, en harmonie et dont vous décrivez avec exactitude la démarche artistique et politique... celle qui nous manque sans doute actuellement.
en suis sortie heureuse,, et un peu en rage que cela se perde dans le tumulte
Des perles fines que tu cueilles pour un chapelet de belles journées (et relire mieux en arrivant dans la maison de la Drôme )
Merci
bonheur du matin encore et de découvrir aussi les vidéos.
Quel plaisir de s'attarder sur vos écrits-impressions et vos photos. Merci, c'est agréable, concret et poétique.
vous ne pouvez pas savoir le bien que me fait cet encouragement
Ta passion du détail est impressionnante dans ce que tu vois et écoutes...mais n’oublie pas de repasser ta chemise de nuit.
:)))
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