réveillée un peu
noiseuse, un peu découragée, ou décontenancée devant tout ou
rien, un peu mal ajustée à carcasse, ai tenté des petites choses
pour les cosaques, suis partie un peu n'importe comment, ai freiné,
ai décidé d'en garder trois, ai pas vraiment aimé ce que disaient,
tant pis avais aimé les écrire... me suis prise, un temps, pour une
maîtresse de maison ou femme de ménage (plus ardu), le jour est
passé en bleu et couvert...
Paumée, pour te nourrir
d'autre chose, recopie ma contribution à l'atelier d'été de
François Bon, le numéro 3, 14 fois vers le même objet
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4338
(8
contributions en fin de matinée ce jeudi, fortement conseillées)
C'est une coupelle assez
profonde, au bord supérieur festonné, au marli ondulant comme une
corolle de petites vagues, en faïence émaillée, d'un blanc sans
violence - la terre invisible, même en transparence, s'affirme
cependant et son existence adoucit la perception que l'on a de
l'émail - le bord est orné d'une guirlande dans l'esprit des
grotesques, vert amande, et un oiseau, jaune et bleu, classiquement,
selon la convention majoritairement respectée, ailes déployées, se
penche au centre vers le petit monticule herbu sur lequel il s'est
posé.
L'ondulation sage qui
gagne la courbe large montant du fond vers le bord festonné, comme
les plis non repassés d'une jupe se mouvant doucement en
accompagnant un pas retenu.
L'épaisseur modérée de
la matière, comme le souvenir de la coulée épaisse de terre
humide.
Sous la coupelle, une
signature, une graphie nerveuse, comme le dessin des ailes, ou des
herbes qui semblent bouger dans le vent, ce vent qui a emporté un
petit signe bleu sombre jusque sur le marli, signe qui est, je le
suppose, ou je le sais d'instinct, un insecte.. Jallier, ou Dallier
peut-être, je lis mal ces lettres tracées en noir mat, pinceau
moyen, par contre, parce que je le sais ou parce qu'il n'y a pas
cette majuscule initiale qui sollicite la fantaisie de la main du
scripteur, c'est sans effort que je lis ensuite : à Moustiers.
L'oiseau est jaune et
bleu, et je me demande - aurais dû, au lieu d'en rester à mon
constat empirique, faire une recherche ou tout bonnement lire un
texte quelconque sur les faïences, à la fin du 17ème siècle, au
début du 18ème, quand les bleus et blancs, avec parfois un peu de
pourpre, comme les belles faïences de Rouen, de Nevers ou les
premières de Marseille, ont été relayés par des décors
polychromes, une polychromie d'ailleurs limitée, quatre couleurs au
maximum sur chaque objet – ce qui fait que d'une fabrique à
l'autre, et cela vaut aussi pour les porcelaines, à part les plus
raffinées auxquelles ont contribué des peintres animaliers – il
est presque toujours fait appel à ces deux couleurs pour représenter
les oiseaux.
Une coupelle, un
vide-poche, un grand cendrier à l'origine, un souvenir rescapé, il
y en eu quatre, des dix ou quinze jours de vacances dans un studio
loué, début septembre – l'ai fait quatre ans de suite, avec
invitation rituelle des toulonnais à une bouillabaisse préparée
par mon poissonnier – au bout du port de Bandol, et de la visite,
le premier jour, à une boutique de souvenirs, un peu en retrait, un
peu hors du courant touristique, pour l'achat d'un cendrier de
faïence, Moustiers dans trois des cas... personnaliser un peu les
lieux, agréables et neutres,.. et un petit lien que je ravive
parfois, quand j'en ai besoin, avec les petits matins sur le port,
les longs crépuscules, les bruits d’accastillage, et de
merveilleuses heures d'un vide parfait.
Le plaisir aigu du trait,
la nervosité heureuse de la main, donnent à l'oiseau, pourtant
occupé calmement à chercher au sol un ver, une nourriture
quelconque, la légèreté, le dynamisme joyeux d'une entrée de
violons.
Il n'y a aucune lourdeur
dans le corps de l'oiseau, qui n'est qu'une courbe élancée,
contrebalancée par celles des ailes, une toute petite tête aigüe
au bout du léger renflement d'un cou allongé.
Aucun des autres oiseaux
peints sur des assiettes, tasses, coupes, petits brocs de faïence,
restes d'une collection constituée peu à peu, longtemps il y a, sur
une suggestion que j'avais faite à ceux qui se sentaient, se
voulaient obligés à un cadeau aux dates consacrées, n'a cet aspect
aigu.
Tout dans le dessin est
ramené au plaisir du tracé, à la finesse, les pattes sont des
brindilles comme le bec, et la branche qui ancre, borne, l'ensemble
et vient se balancer au dessus de l'oiseau n'est qu'un long rameau
aux feuilles fines et mouvantes, la seule fleur n'est qu'un contour
ébauché, une évocation rapide, comme une obligation bâclée.
Un oiseau, sur un dôme
d'herbes mouvantes, se courbe violemment vers le sol, bec dardé,
sous la danse d'équilibre des ailes, et tout autour de lui est
mouvement vif comme un allegro.
Le motif occupe presque
toute la surface, déborde de la partie creuse, et pourtant laisse
toute son importance aux ondulations d'un blanc amati qui rejoint la
guirlande du bord supérieur.
Un petit objet qui est là,
peut se faire oublier, pose juste une petite touche plaisante à la
limite de l'oeil, un petit objet utile qui se fait compagnon, qui
peut, si on le désire, teinter de plaisir le regard qui se pose sur
lui, entre méditation et absence.
Un dessin, l'harmonie de
trois couleurs sans violence et du blanc, le plaisir du trait, la
rapidité nerveuse de la main, un motif familier et toujours
différent, une énergie joyeuse, qui ne s'attarde pas, des
pizzicati, des reprises, réponses dans la petite musique muette de
cet oiseau, et au verso la même danse dans les quatre mots tracés
du même élan, avec un pinceau un peu plus épais.
8 commentaires:
Merci, même si déjà lu sur le support d'origine...
merci - reconnais bien là votre inaltérable fidélité
J'aime le plaisir aigu du trait, la rapidité de la main... la finesse du style de l'artiste qui trouve son équivalent chez l'auteure de ce texte.
Un très beau site Moustiers.
Gorges du Verdon.
L'oiseau bleu est un thème favori.
et moi j'ai aimé ta contribution (lue soigneusement après avoir envoyée la mienne, mais repérée du coin de l'oeil et qui a fait partie de ma motivation)
dessiner certaines porcelaines avec ce luxe de détails, le rêve.........
des artisans qui en font, pas à la chaine, mais en nombre, pendant des années
Que de choses sont contées avec brio sur le bord d'une coupelle
Bravo
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