A l'aide les cosaques !
(http://lescosaquesdesfrontieres.com!
Oui... la mama ça
te va ?
Fort bien.. va pour la
mama
La mama
Elle s'asseyait au jardin,
vers le milieu de l'après-midi, elle étendait ses jambes devant
elle, elle souriait au fils qui lui avait installé son transat, de
façon à ce qu'elle y soit presque droite, comme elle aimait, elle
souriait au ciel, aux plantes, aux enfants, à ses filles.
C'était son moment. Elle
croisait les bras. Elle écoutait, parfois elle avait un mot, un
simple mot, que l'on écoutait, qui ne tranchait pas toujours le
débat qui s'amorçait, mais au moins l'orientait.
C'était son moment. Une
des jeunes femmes rentrait dans la cuisine pour préparer le goûter
des enfants. Un des petits garçons venait lui conter une histoire à
l'oreille. Et puis une adolescente venait annoncer que la grand-mère
était réveillée, qu'elle... alors sans écouter la suite de la
phrase elle se levait et reprenait le fil de sa journée.
Elle n'était pas très
grande, ronde, d'une rondeur que les enfants trouvaient confortable
quand se lovaient sur elle. Elle portait des robes simples, des
cotons mous, qui semblaient conçus pour elle, pour son confort, sa
discrétion sans âge. Mais parfois, dans la prestesse gracieuse d'un
mouvement, comme dans la lumière tendre de son sourire, revenait la
jeune femme joliette, dodue, à la réserve lumineuse qui, plusieurs
dizaines d'années auparavant était entrée dans la famille, dans
l'appartement, la maison de plage, partagés avec les beaux-parents.
La jeune femme qui s'était
pliée de si bonne grâce aux désirs de sa belle-mère, les devinant
peu à peu, les devançant avec tant de révérence, gentillesse et
fermeté qu'insensiblement, avec sans doute un rien de soulagement,
l'ainée, sans perdre de son apparente prééminence, lui avait passé
les rênes (cette même ainée qui, maintenant presque centenaire et
veuve depuis longtemps, n'admettait de recevoir de soins, jusqu'aux
plus intimes, que d'elle)
Elle avait été, dans le
secret de leur petit domaine, leur chambre et celles des enfants
quand étaient arrivés, le soutien, avec juste ce qu'il fallait
d'admiration, de son mari, fils ainé, subordonné, futur successeur
du patriarche.
Elle avait été l'amie
enjouée de ses jeunes beaux-frères, la confidente du plus jeune.
Elle avait servi d'interface entre le patriarche et ses jeunes
belles-soeurs, préservant leur indépendance, apaisant les
rigidités...
Elle semblait
inébranlable, sans autre effort que des petites poussées d'humeur
teintées d'humour, un peu en retrait mais sans que l'évidence, la
nécessité, de sa présence en soient diminuées, indispensable
comme l'étaient ses sourires qui déclinaient toute la gamme
d'enjouement, de tendresse grave, de bienveillance distante, de gaité
et de malice.
Et puis un jour, un peu
après la mort de la très vieille femme, elle a décidé de
déménager, elle a laissé l'appartement, la responsabilité, la
famille à l'ainée de ses filles et à sa belle-fille, - à elles de
s'entendre -, et devenue matrone, avec son patriarche de mari, ils
ont fait d'une dépendance de la maison de plage leur domaine. Alors
avec délice, avec malice, fantaisie, la jeune femme s'est réveillée
en elle, à l'ébahissement de ses enfants, pour le ravissement des
adolescentes en petite révolte.
Sur un dessin
d'Alexandra Giacobazzi
9 commentaires:
Les souvenirs bougent des bras...
on arrive!! j'aime beaucoup que vivent les textes partout
même si sur l'image ils sont croisés les bras
Que le rouge est beau...
"Clémence,Clémence a pris des vacances..." et tutto va bene, merci à vous.
La révolte n'a pas d'âge, qu'une histoire.
Pierre il y a même eu un film jubilatoire il y a déjà longtemps "la vieille dame indigne"
Comme quoi, il n'est jamais trop tard.
c'est mieux quand c'est plus rapide, quoique ça fait une jolie clôture pour une vie remplie
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