Brigetoun fiu ou flou, pas
trop d'idée, pas trop d'humeur... en sortant ce matin, me dire que
bénis soient les cosaques, vais recourir à eux, et en descendant
l'escalier mains sur les deux murs pour m'assurer (le fait presque
toujours, ou les tiens juste à trois millimètres de la paroi) le
prochain ça doit être l'homme-vélo avec
petite grimace, parce que à contre moi – je déteste les vélos ou
plutôt les vélos roulant sur les trottoirs, leur arrogance et
l'impossibilité, à Paris, de ma marche rêveuse, des yeux flânant
etc...), bon, faut penser à une photo de vélo…
Et
bien entendu, sur les cinquante premiers mètres en sortant, juste
après, rue Baroncelli, ils étaient là les vélos et n'en avais
jamais tant vus, du moins en semi—liberté, alors, bon, je reprends
l'homme vélo qu'ont publié les cosaques des frontières ou leur
grand maître Jan Doets http://www.lescosaquesdesfrontieres.com
C'était un homme-vélo.
Il n'était pas né
homme-vélo, mais presque.
Son père lui avait
offert, quand marchait à peine, un tricycle – l'avait regardé,
avait pleuré un peu parce que ne connaissait pas – avait, une fois
posé sur la selle, levé un regard anxieux vers le père, puis obéi,
laissé son genou ployer sous la main qui appuyait, et au bout de
deux ou trois minutes, clamé en grand rire son ravissement.
Il y avait eu ses regards
d'envie vers les premiers des enfants-à-vélo. Il y avait eu
l'attente, et puis un jour ses parents lui avaient présenté son
vélo.
Il était tout sourire,
puisqu'avait deviné, se réjouissait... et puis l'avait regardé son
vélo et le sourire s'était lentement détaché. L'était un peu
déçu. Il était rouge, le vélo, banalement rouge comme ceux de
tous ses amis, ou presque... Mais bien sûr il avait remercié, il
était parti tout de suite faire le tour du pâté de maisons, et peu
à peu s'était habitué.
Il y avait eu enfin son
vélo noir, presque un vélo de course.. mais ne voulait pas de
courses, ou contre lui-même, et quand partait sillonner la campagne,
pour le plaisir, bien sûr, pour le plaisir, et seulement le plaisir,
ne pouvait s'empêcher, à la moindre côte, de se lever et de partir
à l'assaut comme au son du clairon.
Maintenant ils étaient
souvenirs ces assauts, étaient devenus de plus en plus difficiles,
en trajectoires ondulantes, jusqu'au moment où il s'était résigné
à mettre pied à terre, annonce de ces jours où le vélo n'avait
plus été qu'un objet, un ami un peu triste, au fond du garage -
vide le garage... sortait peu désormais, se limitait à des petits
circuits dans le quartier ou prenait un bus.
L'était là, remisé le
vélo, et puis l'était dans sa tête, lui ou ses prédécesseurs,
présents dans tous ou presque tous les souvenirs de sa vie.
Quand il freinait un peu
pour le plaisir de regarder Jeanne le dépasser, cheveux dansant dans
le vent – quelle horreur ces casques que l'on devait porter
maintenant... vrai pourtant que c'était plus sage, et puis que
c'était charmant, parfois, les minois jeunes qui s'y enchâssaient
avec des petits cheveux fous dépassant sur la nuque..
Et quand ils étaient
jeunes, jeunes parents, le minuscule convoi, les deux vélos, et sur
celui de chaque adulte l'un des enfants riant de plaisir.. Revenaient
parfois ces images avec un attendrissement amer – il évitait
pourtant un peu, ne voulait s'y complaire – si longtemps il y avait
qu'il ne les avait plus rencontrés qu'à dates précises, devenus de
plus en plus réservés, étrangers, jusqu'à ce que le lien – s'en
voulait, s'était résigné trop aisément, comme toujours – se
rompe et qu'il n'ait plus de nouvelles qu'épisodiques, par des amis
d'antan.
Il n'y avait qu'une limite
dans son amour du vélo, avait fait parti d'un club, avait aimé les
sorties en groupe, en avait organisé, mais il ne s'était jamais
passionné, contrairement à ses amis, pour les courses.. juste
suivi, de temps à autre, quand il rencontrait une télévision, chez
un ami justement, le déroulement d'une étape, le survol des
paysages et des petits noyaux espacés de coureurs, et il taisait ses
réflexions acerbes en écoutant les commentateurs et les coureurs.
En restait, égoïsme ? au
plaisir de la liberté, du travail des jambes, du corps, de la
lassitude heureuse.
Sur un lavis d'Agnès
Lévy
6 commentaires:
Parfois il suffit de quelques tours de roues...
mais décidément le vélo ne me vaut rien
et je me repens d'avoir insisté avec Paumée
Péréquation...
Baroncelli : je me souviens grâce à vous du critique cinéma du "Monde", il était peut-être originaire de la région...
tiens c'est vrai, n'avais pas fait rapprochement (peut-être, et il avait laissé tomber la particule)
À travers cette chronologie vélocipèdique, ce sont les années qui défilent sur le grand plateau. Malheureusement, les vélos n'ont pas de marche arrière.
Mais marche arrière poétique possible. Viens de me rappeler du " je me souviens..." De Georges Perec dit par Sami Frey, pédalant sur un vélo immobile.
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