Entre persistants
et rousseurs dépenaillées
et rousseurs dépenaillées
l'automne avance
dans la douceur, ai vaqué
et regardé le monde
et puisque j'ai cédé à
la gentillesse de Jan Doets en restant un peu chez les cosaques des
frontières https://lescosaquesdesfrontieres.com
(mais je m'ancre dans l'idée que, sauf par lui et quelques amis,
mon opinion que je n'y ai plus place est partagée)
je leur emprunte un
portrait imaginaire qu'ils ont publiés (et que je l'avoue, j'ai la
faiblesse d'aimer assez)
L'orateur
Un homme qui
serait arrivé chez nous il y a quelques années, s'il avait pu être
totalement ingénu, n'avoir jamais entendu le petit bruit que notre
ville, notre région, faisaient encore dans le monde, aurait souri,
un peu étonné, en le croisant, de le voir aussi entouré – même
si ce n'était encore que d'un petit groupe d'hommes jeunes, marchant
vivement, décidés, leurs regards fixés sur lui -, lui ce petit
homme rond, avec ses joues rebondies et ses petites boucles dressées
autour de son front.
Il aurait
pensé, murmuré peut-être «ne lui manque qu'une conque pour
accompagner de son souffle un dieu marin». Et l'ami qui
l'accompagnait aurait répondu d'une voix assourdie «bien mauvais
souffle, et qui prend force».
De fait, outre
les jeunes hommes empressés, l'étranger aurait repéré, en se
retournant, deux fortes carrures qui précédaient ou suivaient
d'assez près le petit personnage.
Devenu notre
concitoyen, il aurait pris l'habitude de voir de plus en plus souvent
ce visage poupin surgir dans les journaux, d'entendre cette voix un
peu métallique à la radio, à la télévision, et de retrouver ce
nom dans les conversations.
Et il serait, à
corps et coeur défendants, passé peu à peu d'une vague curiosité
à un désintérêt agacé, à une attention méfiante, à un
effarement méprisant, à un refus irrité puis véhément. Aurait,
comme nous, désiré pouvoir l'ignorer.
Mais il prenait
de l'importance le petit personnage, il avait acquis un rôle, il
prenait la parole partout, à tous propos.
Les premiers
temps cela débutait par une réflexion pateline et assez humble que
ses joues soutenaient de toute leur rondeur, et puis, à mesure que
le temps passait, que sa position devenait plus sure, incontournable,
il entamait chaque discours, chaque intervention, par quelques
phrases fermes, par une condamnation assenée sur les fractions de
population qu'il avait choisies comme repoussoir...
Et quelles que
soient ses proies, quel que soit le groupe qu'en flattant les
sentiments les plus bas de ses auditoires il choisissait de désigner
comme indigne de la communauté, s'appuyant sur ce rejet pour asseoir
son pouvoir, repousser dans l'ombre ses décisions, il enrobait ses
phrases d'une familiarité caricaturale, d'un langage plus relâché
que celui de la foule qui s'en trouvait secrètement flattée, d'un
faux bon sens qui n'était commun que de s'affirmer tel, et d'une
rhétorique savante, manipulatrice, qui à l'usage, heureusement,
finissait par être inefficace à force d'être attendue. Mais
l'habitude de l'entendre avait à la longue contaminé les esprits et
ses discours servaient de base aux jugements, aux décisions qu'on le
suive ou qu'on s'oppose à lui.
Il redressait
chaque centimètre de sa petite stature, se faisait raide de dignité,
pour mieux se pencher ensuite vers les autres, mais avec un sourire
combinant complicité veule et ironie envers ses auditeurs, et
l'écoutant, le regardant, l'ex-étranger en venait à le détester,
furieux de lui donner une importance qu'il jugeait injustifiée.
Et nous qui, malgré nos
efforts, ne pouvions non plus totalement lui échapper, l'ignorer,
nous étions partagés entre la colère, un rire triste et un mépris
qui nous prenait à la gorge et que nous ne pouvions dire puisque
n'avions pas d'importance.
7 commentaires:
Dans ce portrait, on croirait reconnaître quelques-uns de ceux qui paradent à la télévision pour vendre leur camelote politique (mais remontons plutôt au temps des Grecs où la parole n'était pas un flot ininterrompu d'immondices)...
à vrai dire je crois que je pensais à des temps plus proches (sourire) - vous savez : ce dans quoi nous baignons
Faudrait-il à ceux-là donner des cailloux à mettre en leur bouche pour le bien-parler ?
plutôt tenter de réparer ce qui roule dans leur tête avant de se déverser
on vit une époque formidable
sourire… et moderne
Le don de la parole...fascination assurée
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