Le ciel nous faisait des
grâces, l'air était assez doux pour éteindre le chauffage vers dix
heures et demi et faire petites stations dans la cour, mais Brigetoun
était fiu, oiseuse, ou plus exactement légèrement maussade, pour
diverses raisons, certaines très extérieures mais intériorisées,
hésitant entre projets, ayant des élans qui s'effilochaient, pour
arriver à une décision, et y renoncer, ou remettre à plus tard au
moment d'envisager sa réalisation...
Alors, merci aux cosaques
des frontières, je reprends un bidule qu'ils ont publié
http://lescosaquesdesfrontieres.wordpress.com
même si c'est avec une petite grimace, mais c'est le plus ancien..
Des mains
mains roses comme des
pétales fraiches et petites comme les pierres d'une source,
mains noueuses et larges,
mains tavelées,
mains nerveuses et agiles,
une main posée sur le
sein maternel et une main refermée sur la vie,
une main entre les doigts
de laquelle file la laine,
une main jouant à faire
pivoter un revolver,
une main tendue,
mollement, vers une main qui avance,
une main levée, paume
offerte, pour un salut,
une main levée, poing
fermé,
les doigts d'une main qui
se glissent dans un sac et en sortent doucement avec un portefeuille,
des doigts qui cherchent à tâtons dans un porte-monnaie une pièce
à poser dans une main tendue, et un doigt farfouillant dans un nez,
une main qui tient un
crayon,
une main qui dessine dans
l'air la forme d'un corps ou l'envol d'un oiseau,
des doigts agiles sur un
clavier plat d'ordinateur, des doigts nerveux, voletants, légers,
frappeurs, énergiques qui tirent la musique d'un piano, les doigts
qui dansent sur une flute, les doigts qui transmettent l'énervement
au plateau d'un bureau, d'un comptoir de bar,
une paume de main offerte
à la lecture de la vie, une paume de main ouverte pour la paix,
une main qui menace, une
main qui s'abat à plat sur une joue, une main qui serre amicalement
une épaule, une main qui fonce, fermée, pour s'écraser contre un
visage,
les mains qui agrippent un
kimono pour renverser, les mains qui arrachent un vêtement,
une main qui se pose en
caresse sur un crâne nu et tavelé, une main qui se perd
voluptueusement dans une chevelure, une main qui agrippe des cheveux
pour courber une nuque,
les mains qui nettoient
une arme, les mains qui frottent l'argenterie,
une main au doigt coupé,
des mains brûlées par
les matières travaillées,
la main qui verse de la
mouture dans une cafetière, les mains qui lardent une viande, qui
vident un poisson, qui font une spirale de la peau d'une orange, qui
font une fleur d'une mangue,
la main qui transcrit une
pensée, les mains qui transmettent les mots à un fichier
deux mains qui donnent
forme humaine à de la terre, qui guident la montée d'un pot, qui
malaxent une pâte, qui vivement et patiemment font naître une
mayonnaise, s'élever une neige blanche et ferme, qui massent la
douleur d'un corps,
une main que parcourt la
volupté,
les mains posées l'une
contre l'autre dans l'attente,
les mains, sorties sans
gants dans l'hiver, qui crient le retour à la vie,
une main douce pour
soulager, la main ferme du père, une main de vieillard dont la
mécanique est soulignée par les veines et tendons saillants,
une main dans une bouche
rongeant les ongles pour réfléchir
ma main grattant le haut
de mon crâne à la recherche de la raison pour laquelle me suis
lancée là-dedans,
un doigt de la main gauche
sur la touche majuscule, un doigt de la main droite sur la touche
adéquate, et un point final.
9 commentaires:
Superbes, toutes vos mains, Brigitte .
Merci ..un si bel outil ,une oeuvre d'art ,la main
un grand merci à vous deux (j'en avais gardé un souvenir mitigé, pas de l'outil merveilleux même si les miennes sont assez maladroites, mais du texte)
Une envie que j'ai depuis quelques jours de photographier des mains, ce texte les magnifie vraiment, elles peuvent faire tant de belles choses.
Ce n'est pas le cheval qui est la plus noble conquête de l'homme, c'est la main ! Tu nous en fournit la démonstration indiscutable et véridique ici. Bonne journée dans " la joie impénitente " de Rilke.
Pas d'appréhension sur la préhension de vos mains, votre texte peut être mis en toutes bonnes mains.
merci Messieurs;.. vous êtes doués
"fiu" : un mot inconnu écrit par une main lointaine...
un mot tahitien qui s'incruste dans la mémoire de ceux qui l'ont entendu (enfin de moi en tout cas)
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