bon ben vraiment le
printemps s'en vient et ma vieille plante déplumée me donnait petit
cadeau quand je me redressais, reins cassés, après avoir décollé
une des crottes de pigeon (ce que j'avais négligé pendant une
dizaine de jours)
comme autre petit
événement du jour, m'en suis allée en début de nuit vers le
théâtre du Chêne noir pour voir ce que Guy Simon et le Théâtre
du Kronope avaient fait de Don Quichotte de la Manche (adaptation
d'Etienne Simon)
et en
avançant je maudissais un peu ce réflexe qui me fait choisir leurs
spectacles, parce que souvenir un peu fantasmé peut-être d'une
époque très ancienne, parce qu'admiration pour leur travail, pour
les costumes, les masques, les décors brinquebalants et travaillés,
l'ambition parce que cela se traduit maintenant assez régulièrement
pour la petite vieille par une petite navrance devant ce qui aurait
sans doute pu être et qui n'est pas tout à fait là.
Photo
qui, comme la suivante, provient du site du Chêne noir
Parasseusement je
coupe-colle ceci sur le site du Théâtre Kronope
Dans cette adaptation,
les mots de Don Quichotte, ceux d'une chevalerie fantasmée, d'un âge
d'or rêvé, entrent en résonance avec l'argot des gitans et
bohémiens de sa famille. Mais dans le même temps, c'est une
communauté rejetée, celle des roms et des tziganes, qui se heurte à
l'intolérance d'une société policée et cadenassée. Dans une
période de contestation permanente de notre modèle social,
politique et économique, qu'incarnent les Indignés, Nuit Debout ou
Occupy Wall Street, il s'agit de mettre en exergue la dimension
révolutionnaire du livre de Cervantès, avec ce message en
filigranes : des individus peuvent avoir raison contre une société
entière.
Le camp gitan dans
lequel prend naissance l'aventure rocambolesque de Don Quichotte
devient un formidable terrain de jeux dans lequel tous les objets
sont prétextes à détournement : La roulotte familiale se mue en un
palais somptueux. Le bol métallique dont Ferdinand se sert pour se
raser, est pris pour un heaume légendaire et viendra orner la tête
du plus célèbre des chevaliers errants. Grâce à un balai brosse
et une semelle de chaussure animés par Ferdinand et Dorothéa, la
mobylette de Sancho (leur fils) devient un âne. Rossinante, le
fameux destrier de Don Quichotte, n'est autre qu'une femme à barbe
(la sienne en l’occurrence, Rosina), sur un rocking-chair.
Et oui
il y a l'idée de ramener l'histoire du Quichotte à celle d'une
famille de roms (comme ne le sont pas les roms, plus hors temps et
déguenillés) il y a un peu trop fugitivement l'intervention de la
police, que j'ai ressentie comme un passage obligé pour indiquer la
morale telle qu'elle est relatée ci-dessus.
Il y a
le travail visuel, une volonté de bouffonerie, des cascades, du
travail, quelques envolées au milieu d'échanges prosaïques d'un
lyrisme très renaissance espagnole, mais, au moins pendant la
première moitié la salle, moi, regardions, sourions de temps à
autre, et quand un rire fusait il était presque timide.
Et
puis cela prend, dans la tendresse qui unit les personnages, dans
leur impuissance, dans la tristesse de Rosa qui pense qu'elle ne sera
plus jamais Dulcinée mais la jument Rossinante de son fou de mari,
dans l'amour et même les prouts désespérés du petit fils devenu
Sancho aux prises avec la folie ou la lâcheté des adultes, et tant
pis si le retour à la raison final qui en écho au Don Quichotte
entraîne le désespoir calme et la mort est atendrissant à l'excès,
j'ai bien aimé cela.
Retour
dans la nuit qui n'arrive plus à être glaciale
mais
en passant au coin de la place j'ai demandé à l'ami Molière s'il
rencontrait Cervantes de lui présenter nos excuses.
6 commentaires:
Inculte que je suis, n'ai toujours pas lu le chef d'œuvre de Cervantes ...
devriez... il y a beaucoup plus que ce qu'on dit, des pastorales, l'auteur rencontré etc... c'est assez délectable
Cette pièce va devenir de plus en plus d'actualité... Si elle est autorisée à l'avenir par un ministère de la Culture peut-être remplacé par celui de la Propagande !
Le triste Chevalier à la morne figure toujours en résistance.
Dominique, il est blanc et chrétien, ça a des chances de passer
Pierre, celui-ci n'est pas très résistant :-)
J'aime ce héros depuis ma tendre enfance, chevalier qui traverse les âges et les temps, et si moderne, j'ai eu la chance de le lire en langue française et celle de Cervantes, toujours d'une richesse inouïe et d'une générosité sans bornes... le personnage de Sancho est certainement celui que je préfère, fin et clairvoyant très loin du rustre personnage ... oui, un chef d'oeuvre de tous les temps... je pense que j'aurais aimé ce Don Quijote là, et je pense aussi que Cervantes a dû applaudir de ses deux mains...
merci pour ce partage.
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