chaleur douce, un petit
nuage devant moi, suis allée tenter d'échanger le premier des deux
billets pris pour le palais des papes le 16 juillet contre un autre
pour le 17 _ n'y en avait plus – et les seules dates disponibles ne
l'étaient pas pour moi. Sentiment du devoir accompli, résignation
d'autant que ce n'était pas un des spectacles dont j'attendais le
plus. Restera à proposer les billets, et peut-être pas gratuitement
parce que budget trop écorné, dans les files d'attente que ferai
les jours précédents (sauf que je doute fort d'en avoir le culot)
retour guilleret avec les
deux billets et deux rouleaux de sopalin.
Et puis une montée,
devant ce qui s'offrait, de mon sentiment de n'être à la hauteur ni
mentalement ni financièrement, pas plus que ne le suis physiquement
devant mes projets, colère contre moi de ne pas savoir m'appliquer ou
faire sacrifices, et repli. (ne plus m'occuper que de ce moi sans
grand intérêt, sans renoncer par discipline, au moins pour le
moment).
Me suis contentée du
plaisir d'aller lire les nouvelles contributions
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4420
à l'atelier d'été de François Bon
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4419
– il y en avait à 17 heures 16 fois 11 personnages en petits
paragraphes de deux à cinq lignes (et généralement trois phrases)
soit cent soixante occasions de rêver quelques minutes à ces
silhouettes plongées dans la vie (en commençant par les onze,
teintées d'ironie réjouissante, de Dominique Hasselmann) et, après
m'être amusée à chercher onze personnes non reconnaissables dans
mes photos pour les poser là, je reprends mes lignes (suis le n°11
– pour lire, je descends jusqu'à l'identification à la fin et
clique sur le chiffre pour accéder à la collection de chacun, mais
il est sans doute préférable de suivre leur file pour eux, quitte à
chercher ensuite qui a pensé et mis en mots ceux qui vous ont retenu)
111. Contre la vitre d’un
autobus arrêté au feu rouge, un visage de femme, jeune mais déjà
loin de l’adolescence, sans velours frais, bouche serrée, yeux
fixés sur l’indifférence de la rue. Un bras d’homme sur son
épaule exige son attention. Sa bouche se crispe, les yeux crient, un
sourire se plaque.
112. Un homme
squelettique, flottant dans un costume bien coupé, s’engage sur le
passage piéton. Il marche comme un automate bien remonté, une
serviette dansant au bout de son bras. Sur ses lèvres, dans ses
yeux, un sourire extatique, hors réel.
113. Un groupe de jeunes
gens en costume/uniforme de jeunes commerciaux, visages poupins et
graves, cravates sages, quelques échanges préoccupés, qui se
veulent sérieux et qui sont aussi peu assurés qu’ils voudraient
le paraître. Un grand brun se laisse distancer. Il regarde un pigeon
s’envoler lourdement, l’accompagne de son désir douloureux.
114. Ali sort de son
échoppe vide, fait trois pas pour allumer une cigarette. Yeux
froncés il retourne et retourne dans sa tête le problème insoluble
de ses comptes, la défaite qui se confirme, s’accentue, un nouvel
avatar. Il se redresse, entre dans la boutique à la suite d’un
client, en se fabriquant un sourire accueillant et détendu.
115. Une femme laisse se
refermer derrière elle une haute porte cochère, regarde le soleil
dur, se met à marcher avec un sourire qui s’évapore. Elle fouille
dans son sac, en tire son téléphone, appelle sa soeur, prend des
nouvelles, s’apitoie et un petit sourire triste revient. Dans un
silence elle dit « j’ai un cancer » et raccroche.
116. Un petit garçon
devant les pots débordants d’un fleuriste. Il sort un billet,
fouille dans sa poche, en tire quelques pièces, compte, regarde,
avec un sourire d’espoir, de désir tendu. Il entre dans la
boutique timidement.
117. Une table de café
entourée de trois femmes, âge blet, formes abondantes,
confortables, un peu de coquetterie raisonnable. Deux bavardes et la
troisième, qui a écarté un peu sa chaise, qui écoute ou n’écoute
pas. Elle attend la fin de cette rencontre rituelle, s’en veut d’y
céder, pense à son fils qui ne donne pas de nouvelles.
118. Une adolescente,
sac-cartable à l’épaule et jambes dansantes, du moins elle veut
en faire un message pour le groupe de camarades dont elle s’échappe,
pour un surtout. Quelques pas, elle tourne dans une rue, hors de leur
vue, et un sourire attentif lui vient, avec le souvenir de ce qu’elle
a découvert ce matin en cours. Elle s’en étonne et a envie de
rire de plaisir et d’attente.
119. Le vieux Julien est
assis sur un banc au bord de la place brûlée de soleil et s’amuse
des passants qui se traînent où se précipitent vers l’ombre. Un
visage qu’il ne distingue pas sous un chapeau, l’homme approche,
parle, raconte, jase. Trop tard pour partir c’est ce salaud, ce fou
de Passet et Julien, mains sur sa canne, ne l’écoute ni ne le
regarde, remâche des années et des années de ressentiments.
120. Minah et son fils, le
trésor, sortent de chez le médecin. Il a fini de pleurer,
rituellement, il rit, il court. Elle le suit, grondeuse et hilare,
laissant ce qui lui a été dit creuser en elle, en silence, une
plaie.
121. Un garçon, vêtements
fripés, usés d’innombrables lavages sommaires, d’une beauté
lasse, peau un peu grise, assis sur un muret, regarde comme dans le
vide, attendant l’heure d’un repas offert. Mais ses yeux
s’éveillent au passage vif d’une jeune fille ensoleillée. Il
remâche en silence ce cadeau inaccessible, ce rendez-vous silencieux
qu’il a avec elle.
3 commentaires:
mes pauvres petits personnages... j'aurais dû les laisser tranquilles, là ils sont emportés dans une vague de parfums
@ brigetoun : mais non, ils en font partie aussi, et même sous forme de mosaïque, en plus !
je voulais parler de notre intérêt commun ce matin pour la ronde (une belle réussite) qui effaçait pour moi et pas seulement le reste (sourire réel)
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