Réveillée assez tard,
l'âme légère, pour constater, dans mon grand besoin d'un café
odorant et tendrement chaud que j'avais, la veille, c'était idiot,
mais c'était certain, j'ai bien dû me résigner à l'admettre, jeté
le filtre de ma cafetière. Ai reposé les deux morceaux restants,
qui dans leur relative grandeur devenue inutile paraissaient idiots,
ai trouvé au fin fond du placard une boite de petites dosettes de
Nescafé, en ai mis deux dans ma moque blanche, ai ajouté de l'eau,
enfin vous savez... et comme vous savez ai trouvé que ce n'était
pas franchement délicieux.
M'en suis allée, portant
draps sales et pantalon, yeux dans la lumière du ciel redevenu bleu,
joues raffermies dans la fraîcheur encore bénigne, avec d'autant
plus de résolution que ça ne devrait pas durer, et après l'échange
draps sales contre draps nettoyés, ai fait détour-promenade par les
deux boutiques susceptibles de proposer des cafetières italiennes de
bonne facture, qui, comme prévu, étaient fermées... ce sera pour
demain.
Ai fait un copié/collé
des nombreux billets, mis en ligne par Laurent Margantin, donnant
fragments de sa traduction du premier cahier du journal de Kafka pour
les lire posément le soir (du I-16
http://www.oeuvresouvertes.net/spip.php?article1969
au I-80), ai tenté un petit texte pour saluer les cosaques des
frontières, grimacé parce que ne venait qu'en mirlitonade, l'ai
tout de même envoyé (je table trop sur leur – ou son –
indulgence) et paresseusement je recopie ma précédente contribution
Lumières sur
l'eau
Je ne sais trop pourquoi
mais on aurait un peu froid, un peu peur, dans la nuit d'une ville.
Il y aurait un jeune
couple, enfin assez jeune, deux enfants et, un peu incongrue, de
passage - ne sais plus pour quelle raison j'étais avec eux, et n'ai
pas envie de chercher à m'en souvenir, ça n'a aucune importance -,
moi la petite vieille.
Nous aurions marché
poussés dans les rues par le vent, allant un peu au hasard, hésitant
à nous avouer – enfin les deux parents - que nous étions perdus,
entre des façades mortes.
Ils gardaient cependant
pas ferme et calme apparent, mais nous, les deux enfants et moi,
n'étions pas vraiment dupes, les remercions pour cette assurance,
voulions y croire, mais le trajet fantasque, les changements de rue
qui nous semblaient faits de hasard, nous détrompaient.
Et quand nous croisions
des venelles noires creusées dans le mur que dressaient les façades,
nous nous rapprochions, nos mains se rencontraient, se serraient, se
caressaient, se calmaient par ce contact.
Nous chantions parfois,
doucement, c'était la fille qui commençait et nous suivions comme
pouvions parce qu'elle inventait des paroles, mais nous aimions bien
cela, le bruit faible, juste une présence, que cela faisait, pour ce
qui se passait peut-être dans les zones noires que n'atteignaient
pas les rares lanternes, et puis pour les parents, eux ils se
taisaient le plus souvent, chuchotaient parfois et c'était pour
discuter, se retenant à la limite de la dispute ; nous percevions,
en voulant l'ignorer, les remarques énervées sur le manque de
patience qui l'avait poussé, lui, à décider au bout d'un long
moment d'attente devant la gare qu'il y avait un malentendu et à
partir avec une assurance injustifiée sur la foi d'une adresse, nous
entraînons, nous, à sa suite.
Là le je, celle qui
raconte cette histoire, s'arrête, ce dit voyons ce n'est pas
possible, ou cela ne peut pas être envisagé, compris, alors aux
deux enfants elle explique qu'ils sont tous les trois dans un temps -
mon Dieu c'est déjà si loin, vont pas me croire - où les
téléphones portables n'existaient pas, où il y avait de rares
cabines de verre contenant des appareils généralement hors service,
et pour seule possibilité les cafés, et vous avez bien vu, dans
cette ville, à cette heure ci, il n'y avait pas de café ou de
restaurant ouverts.
Nous avancions donc, la
vieille femme entourée des deux petits, derrière le couple, nos
éclaireurs, et il y a eu cette vague clarté au bout d'une rue, qui
faisait doux aux yeux, nous ne regardions plus qu'elle, en attendant
quelque chose, on ne savait quoi, un changement ; au bout d'un moment
la mère s'est retournée et sa voix était joyeuse, une joie un peu
forcée mais qu'elle nous lançait comme un encouragement «C'est le
fleuve !»
Les petits se sont mis à
courir, ont pris la tête de notre troupe, et nous les avons rejoint
au bord d'un grand mouvement sombre qui était en effet le fleuve.
Et au delà du fleuve il y
avait ces lumières, de l'or rouge mobile, qui se reflétaient dans
le friselis du courant.
Le garçon a soufflé :
«c'est quoi ça ?»
Nous regardions, la fille
a tranché «des lutins qui dansent», j'ai pensé, des esprits en
peine, mais ne l'ai pas dit, pour ne pas leur faire peur, et puis
parce que ce n'était certainement pas ça, et qu'ils se seraient
moqués de moi, le garçon a rétorqué «non, ce sont des amis qui
nous font signe», la mère a affirmé, d'une voix un peu lasse, «ce
sont des lampadaires voyons», le père a dit «bon le fleuve est là,
donc...» à ce moment là il y a eu la criaillerie d'un klaxon
derrière nous, et une voiture, et des appels, et c'étaient (le
garçon n'avait pas complètement tort) des amis, nos hôtes futurs,
qui étaient arrivés en retard à la gare, et «mais par où vous
êtes passés ? auriez dû nous attendre» et puis des rires, des
commentaires souriants, le coffre et les portes de la voiture
ouverts.
A ce moment là, la
vieille, celle qui disait je, essaie d'imaginer si les deux enfants
ne trouvent pas cette histoire idiote.
7 commentaires:
J'aime bien vos moments domestiques. Alors que je trouve ça jus de chaussettes chez moi.
La vie sans le café du matin, c'est dur.
J'aime ce texte
casabotha, souvent le cas chez moi, suis une des pires ménagères ou cuisinières qui soient
Claudine, et sans reste de café froid au premier saut du lit comme ce matin !
Douce lumière familière. .sweet home
le ciel bleu, comme un flash-back (ça change du café noir) !
Dominique mais foin du ciel bleu, je rêve de l'odeur du café en train de passer et prometteur (la-jamais-contente)
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