Le ciel gris de cendre
tassée du petit matin s'était éclairci, la température était
redevenu humaine, le vent était mort quand m'en suis allée,
longeant rue Joseph Vernet des robes fleuries, faites pour frôler
souplement les corps de sveltes et souples jeunes femmes (images des
films des années 40) puis les pierres, façades, tours, humides
comme le sol,
comme l'air qui hésitait
à être vraie pluie, les branches noires des arbres désolés par
l'hiver, allais donc me persuadant que j'étais terre de Vaucluse
assoiffée et bienheureuse, ce qui accentuait mon sourire,
allais
vers la mémoire du monde
et
puis avec la Corderie de Christophe Grossi que j'avais
commandé, et un autre livre pour lui tenir compagnie, ai continué à
la recherche vaine d'une cuillère à manche long et cuilléron
étroit pour remplacer celle qui me sert pour les pots de confiture
et café et qui se cache depuis trois jours, constatant, navrée, que
les petits arbres (même s'ils étaient dans de grands bacs de bois
carrés) enlevés pour installer le terne dallage seraient remplacés par quelques sièges pour passants fatigués (et ne craignant pas de
se trouver plantés ainsi dans le chemin des allants et venants) et
deux arbres qu'ils n'ont tout de même pas sacrifiés
je ne
sais si ce sont les écologistes de la majorité qui nous valent
cette guerre à toute végétation ou, pour celle qui est conservée,
ces armures de bois ou briques pour bien les contenir... mais je sens
que ma fidélité à notre maire s'érode jusqu'au fil...
Quand
vers midi, renonçant à ma quête-promenade, suis revenue vers
l'antre, le ciel devant, au dessus de moi, s'est doucement puis
franchement déchiré en bleu... et à midi la lumière commençait à
toucher le haut du mur mitoyen dans ma cour (la cuillère perdue,
elle, m'attendait au fond du bac à légumes)
Et
comme, n'ayant rien à dire, je fus bavarde, vais continuer à être
longue, en prenant les cinq premiers mots de la première page, la
première ligne de la page 76 des deux nouveaux livres
Nous n'avons jamais
compris le...
C est allée se reposer
à l'étage et notre fils joue dans la pièce d'à côté. Je
triche et j'ajoute la 2 : La porte de sa chambre n'est pas
fermée. Corderie – Christophe
Grossi (la règle fixée ne lui est pas favorable, dommage... mais
je sais que... sans compter la saveur des deux dessins de Daniel
Schlier rencontrés en chemin vers la page 76)
Nous allions au cinéma,
je...
Son corps ne grandit
pas à la même vitesse et elle a eu, successivement, des oreilles
immenses, des pattes interminables, un tronc de teckel, la petite
queue en virgule est devenue touffue. mort
d'un cheval dans les bras de sa mère – Jane Sautière
et,
pour m'encourager (si ma bourse ne le faisait pas suffisamment) à
décider de ne plus acheter pendant un long moment de livre, je
continue ce jeu idiot et cruel (prenant toujours les premières
phrases des pages 76) avec la pile de livres en attente (sans compter
ceux que téléchargerai sur publie.net)
Entre les apparitions,
la vie existe encore. L'apparition
– Perrine Le Querrec
Dès que les montagnes
reprennent position le long de la rive, la végétation déserte. En
descendant les fleuves – carnets de l'Extrême-Orient russe –
Eric Faye et Christian Garcin
Pour sa part, elle a
été mariée naguère. et puis
zut la seconde : Quand, et à qui, je ne sais pas ; elle
est tout à fait vague là-dessus. New
York, Haïti, Tanger et autres lieux – Truman Capote
Dans le flot
franchissant, calme et indestructible, le grand pont métallique qui
enjambe les rails au point de passage de Bornholmer Strasse, cette
nuit-là, tandis que Martin meurt, je ne vois pas venir la grande
victoire de l'Ouest, de la démocratie, toutes ces tartes à la crème
dont on a fait depuis un usage iconique, je vois des milliers
d'hommes, de femmes, d'enfants qui vont enfin pouvoir se réapproprier
cette moitié de ville dont les ont, presque trente ans plus tôt,
amputés Walter Ulbricht et sa clique sans que, tous démocrates que
nous soyons, nous n'ayons levé le petit doigt. Entre
les deux il n'y a rien – Mathieu Riboulet
j'imagine cependant que
tu aimerais voir ta famille ?
pourquoi vous posez des
questions où vous savez les réponses ?
La couleur du lait – Nell Leyshon traduction Karine Lalechère
«Oh, arrête tes
conneries !» Elle était en colère. Concision
même avec deux phrases de Nord-Michigan – Jim Harrison, traduction
Sara Oudin
Soudain mettre la main
sur la chose arrête de saisir. S'en approcher suffit. Belle
concision aussi de Pascal Quignard (Mourir de penser)
Invasion de Pères Noël
en décembre : je hais les bruits de porte. Aphorismes
dans les herbes et autres propos de la nuit – Sylvain Tesson (à
vrai dire lui il traîne ça et là depuis longtemps et je pioche
dedans, souvent déçue, parfois récompensée
Comme
ce sont lectures pour le calme du soir et de la nuit, selon
l'habitude dont mon oisiveté actuelle n'arrive que très
exceptionnellement (trajet parfois ou salle d'attente) à me
détourner – les jours étant pour internet, méditations,
rêveries, activités, relectures et journaux, articles politiques,
économiques, ou petits journaux d'ONG - et qu'outre les soirs de
mauvaises humeurs où je retombe sur de vieux polars, j'ai pris
actuellement, comme un rite, l'habitude, parce que je n'avais jamais
lu dans l'ordre ses cinq cents et quelques pages, de savourer
auparavant entre dix ou vingt pages du Discours aux animaux de
Novarina.
Ce
soir ce seront sans doute dix pages, impatiente suis de retrouver Le
traquet kurde de Jean Rolin (page 76 – Quoi qu'il en
soit, ce n'est que six ans plus tard qu'il jette l'éponge, ayant
assisté quelques mois auparavant, rapporte Brian Garfield, à un
congrès d'ornithologie à Oxford, dans un fauteuil roulant, et dans
l'isolement croissant auquel le condamne sa surdité)
dont je n'ai lu que les 24 premières pages la nuit dernière, après
«le terrier» de
Kafka dans la traduction de Laurent Margantin.
du
danger de n'avoir rien à dire... pardon.
7 commentaires:
Rien à dire alors on met le passant en appétit, merci !
alors je ME mets en appétit
Jadore ce jeu des premières lignes d'une page sur x livres le hasard est souvent amusant et permet de rêver à une autre histoire Merci pour ta deambulation
amusant de mieux comprendre la phrase en question quand on retombe sur elle
En tout cas, vous n'avez pas "rien à lire" !!!
La municipalité d'Avignon (pourtant PS, non ?) cède à la mode du "écologiquement correct" (un peu de glyphosate mais pas trop, etc.).
Très belle plume.
Et belle promenade aussi !
Dominique, oui très très agaçant ce goût de la pierre et du désert végétal (ou alors arbres certifiés sains et bien en ordre… me cassent la petite anarchie qui me plaisait et m'enlève de quoi appuyer par mes yeux mes petits vertiges-
Par contre j'aime assez qu'ils se soucient d'humaniser les cités, de ne plus les abandonner (quand même 75% environ de la ville et de ses habitants) au désert de béton sans boutique ni animation (plus la pauvreté et parfois la misère) même si la tâche est tellement immense..
Un pays…. grand merci
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