Ondée matinale qui
s'installe, semble inéluctable et éternelle,... endosse ciré, pose un
foulard de vieille cotonnade ocre doux et rose au dessus des
sourcils, le noue sur la nuque, le remonte pour dégager le front,
enfile mes croquenots et m'en vais, puisque le mercredi elle ouvre le
matin, vers la médiathèque installée dans la livrée Ceccano
avec une brève tentation
(mais les ouvriers n'auraient pas apprécié) de rester devant le
chantier à l'angle, à regarder dans la presque accalmie du ciel le
ciment couler dans une machine qui le filtre, le bonhomme qui taloche
les murs, cette humidité solide dans ce monde pleurant d'humidité...
Et j'ai aimé ce que j'ai
vu mais, comme, après avoir bossé sur l'appareil hier, j'avais
contactée un vague désir de mise au point personnelle, comme l'ai
oublié en court de route, comme surtout, à l'étage je me suis
accrochée à mon plaisir malgré la gêne d'un bibliothécaire (ou
je ne sais quel autre membre de l'équipe) comme ce que voulais
garder était tout petit ou dans des vitrines avec reflet, ai
quasiment jeté toutes mes photos... Vais bien entendu, après une
journée en bonne partie vouée à une errance dans livres, sites,
consacrés à René Char, être tout de même beaucoup trop longue.
Galerie d'entrée donnant
sur le jardin : de grands tirages de photos plus ou moins connues..
dont j'ai sauvé deux captures
et, puis entrer, dans le
hall, monter le grand escalier
passer à côté d'un
vestige d'une exposition antérieure (2016) «terres écrites» : un
panneau de terre cuite d'Armand Taetossian - J'étale des pages
d'argile, comme des pages blanches, sur lesquelles j'inscris mes
perceptions sensitives, mes pensées ; j'y transcris enfoui au plus
profond de mon être donc mes racines, les joies et les douleurs, les
espérances et les craintes qui m'ont été léguées comme des
données de destinées.
Un pas, comme un salut, dans la
grande salle de lecture du premier étage, tenter une photo (si
timidement qu'outrageusement floue et donc détruite) des restes de
fresques et des poutres peintes,
et grimper l'escalier de la tour
jusqu'à une salle en longueur où se tient l'exposition, et sur
laquelle ouvrent des salles de conférence, dont l'une libère mon
trop gentil et très peu désiré compagnon de visite. (en fait
pendant toute la durée de l'exposition se sont succédé, dans l'un
ou l'autre lieu, et parfois je crois à la maison de la poésie, des
lectures, conférences etc... que j'ai loupées et je pense que la
prochaine était en préparation dans ladite salle)
Sur le mur donnant sur
l'extérieur, entre les fenêtres, l'hommage, ou quel que soit le nom
qu'on voudra lui donner, bien plus intéressant que
m'y attendais, mariant le travail de Jo'Graffies (photographe) et
Polo 51.67 (pochoiriste)
et des vitrines détaillant
(pour le très grand plaisir de celle qui a toujours aimé observer –
tout en sachant par une très ancienne et petite expérience –
combien cela peut être une gêne pour l'intéressé - au travail
intelligent des mains d'artisans), le travail de Gérard papetier (à
partir de chiffons), Benjamin tourneur sur bois et surtout Natale
tailleur de pierre (allusion aux tailleurs de pierre de Thouzon...
bon je ne les cherche pas chez Char, faut limiter tout de même)
Tournant au bout de la
salle, après cet étrange objet, en revenant vers l'escalier et la
sortie, sous de grands tirages d'illustrations
comme les empreintes
de Pierre-André Benoit pour «les
dentelles de Montmirail»
La réalité ne peut
être franchie que soulevée.
Aux époques de
détresse et d'improvisation, quelques-uns ne sont tués que pour une
nuit et les autres pour l'éternité : un chant d'alouette dans les
entrailles.
ou
des bois de Giacometti, des lithos Picasso (en rappel de l'exposition chez
Angladon)
s'alignent des vitrines
exposant, au milieu des galets peints pour être offerts à Char
(dans les deux premières) que j'ai massacrés, les tout petits et
précieux livres réalisés par Pierre-André Benoit dit PAB que j'ai
massacré encore davantage...
tout comme les galets
peints par René Char
(alors j'ai piqué cette
photo sur un billet annonçant un atelier pour enfants qui eut lieu
autour des galets à Angladon
https://angladon.com/atelier/ateliers-printemps-inspirations-poetiques/
J'avais découvert, dans
l'après-midi – pour un très long plongeon - en cherchant des
renseignements sur les galets peints pour René
Char (pour identifier ma petite photo, et j'en ai tiré qu'ils
étaient plusieurs à lui en offrir) un mémoire (ou je ne sais quel
est le statut de ce texte) de Céline Desclaux René
Char lorsque peinture rime avec poésie
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01136091/document
où bien sûr
il s'agit de bien plus que des seuls galets, mais de l'ensemble du
compagnonnage entre Char et les artistes (juste l'objet des deux
expositions) et puis...
René Char a donc
œuvré sur des pierres dans La nuit talismanique (note
Brigetoun : 1972, après la perte de la maison des Névons et la mort
de Staël). Ramassées le long des chemins, ou en bord de
rivière, elles font partie de sa vie quotidienne. Il affectionne
tout particulièrement les galets pour leurs formes rondes qui
laissent supposer un visage perdu... Nés de l’épreuve du
courant, lorsque le poète les travaille, ils sont encore pleins de
l’écume du libre torrent qui les a roulés. Tout comme le
roseau, la comparaison se fait avec René Char, sauf que pour lui,
c’est le temps et non le courant qui l’a battu.
Ces pierres, le poète
les peint, en fait souvent des visages car, « seule des autres
pierres, la pierre du torrent a le contour rêveur du visage enfin
rendu.» Mais il peut tout aussi bien y noter simplement un vers, une
parole, et ses dernières productions semblent toutes être de cet
ordre...
Emergeant de cette
lecture-survol-arrêts-attentifs-sauts-en avant, et fouinant à la
recherche de l'importance pour Char du dessin dans une période où
je ne pouvais dormir,... vers 1918 (Char à France Huser) et,
plus tard :
un temps où la nuit
qui m'avait tant servi se retira de moi, me laissant les sables et
l'insomnie (1955-1958). Je sus alors que la nuit était eau, qu'elle
seule abreuve et irrigue, et pour m'assurer contre ce passage
difficile, je rassemblai mes précaires outils : encre de Chine de
couleur, bâtons de cire, pointes rougies au feu, écorces de
bouleau, plumes, couteaux, crayons, clous, poinçons, pinceaux,
cartons, bois, buvards humides. J'étais immobilisé dans ma chambre
sous une électricité haïssable. Servante ou maîtresse, proche du
souffle et de la main, rasante et meurtrie, cette flamme dont j'avais
besoin, une bougie me la prêta, mobile comme le regard. L'eau
nocturne se déversa dans le cercle verdoyant de la jeune clarté, me
faisant nuit moi-même... Il est des orages voûtés et bredouillant
au-dessus de notre tête. Ce sont de vieux dieux devenus mendiants...
4 commentaires:
IL devait y avoir quelque part du Ponge chez Char (une sorte de Résistance commune)...
n'y avais jamais pensé… tout de même me semble que s'il était sans doute en quête du mot juste c'était moins primordial que pour Ponge (mais ce n'est qu'impression d'ignorante)
magnifiques matières détails !
mais tant de photos loupées et détruites (mini livres et galets)
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