un dimanche entre
affairement, lecture, valise faite, si tranquillement que rien n'en
dirai
et pour que paumée ne
soit pas nu dès aujourd'hui (retour jeudi soir ou vendredi) je
recopie un billet, inspiré par un fauteuil, plus beau, plus anciens et plus provençal que le mien, que les cosaques avaient publié
http://lescosaquesdesfrontieres.com
En souvenir
Sur le large palier, à
côté de la grande porte vitrée toujours ouverte sur la grande
pièce et sa cheminée, il y avait ce fauteuil ancien, à l'assise
paillée, peint de blanc légèrement grisé, au dos tendrement
cintré, aux accoudoirs tapissés d'indienne s'écartant légèrement
pour que les grandes jupes s'évasent avec grâce et, montant les
dernières marches, il a cru voir fugitivement une femme un peu
ronde, aux doux chignon croulant, au tour de cou perlé qui souriait
de ses yeux bleus devenus transparents, dans sa robe de soie noire
encadrée par les montants.
En posant le pied sur le
palier, en s'approchant il a souri de surprise en découvrant sur la
paille ce bouquet très défraîchi d'immortelles séchées et de
chardons décolorés par l'âge, noué d'un réseau de gros fils de
soie verte, et, comme il se penchait pour le prendre, la vieille
femme qui s'avançait pour l'accueillir, la mère de son ami, lui a
saisi le poignet.
- Il ne faut pas y
toucher, il garde la place... nous vous attendions, soyez le
bienvenu... ce bouquet c'est un des petits interdits secrets de
famille, il y en a d'autres dans la maison, très peu secrets
d'ailleurs mais qui demeurent assez vivants pour qu'ils ne soient pas
transgressés.
La maison avait peut-être
des secrets, mais en retrouvant Jacques, en découvrant son frères
et ses soeurs, en tournant sur lui même pour prendre possession de
sa chambre, en écoutant, sur une chaise de fer à l'ombre d'une
pergola dans le jardin, les projets pour la soirée - disputes
rieuses, plaisanteries, et la voix sage, l'autorité de la fille
ainée - pendant que la maîtresse de maison, dans un fauteuil
d'osier, souriait dans le vague, elle avait surtout un charme qui
dépassait la grâce des vieux meubles, des tomettes anciennes, qui
teintait de fierté pudique le «tu verras, c'est assez bien, je
l'aime» de son ami.
En fin d'après-midi,
rentrant d'une petite virée dans un village, chez le frère aîné,
au Jas, «la ferme où nous sommes nés... la maison était à ma
tante, la maison et une petite faïencerie qui lui venait de notre
grand-père, et puis il y a quinze ans, elle se sentait vieille, elle
a demandé à mon père, son beau-frère, de venir l'aider puisque de
toutes façons il devrait prendre la suite... en fait il était
souvent chez elle avant, le Vincent et mon frère tenait la ferme»
et une voix de fille «il lui était très dévoué, et au début la
maison c'était sacré, on ne pouvait rien bouger quand elle est
morte... sauf bien sûr le fauteuil, c'était idiot ce fauteuil vide
devant la cheminée...», ont retrouvé la mère qui, en leur
souriant, a posé, comme soulagée, le violon dont elle jouait,
assise du bout des fesses sur une des deux bergères encadrant
désormais la dite cheminée, et s'est levée pour aller à la
cuisine voir ce qu'ils ramenaient, en passant sous un grand portrait
devant lequel il est resté saisi.
À grands coups de
pinceaux énergiques était dressé devant la tonnelle idéalisée,
débordant de grosses roses blanches et jaunes, l'image, plaquée sur
ce fond, d'une grande femme au visage long et au grand sourire fendu,
vêtue d'une longue robe lâche à grandes fleurs exotiques colorées,
coiffée d'une paille retenue par un foulard d'indienne, fleurettes
sur fond rose. Son ami a expliqué «C'est elle, ma tante, dans une
de ses robes favorites, une des mâmâ rû'au que lui envoyait son
grand amour, ou qu'il ramenait lors d'un de ses passages, elle avait
aussi des cotonnades d'Amérique du Sud, une tunique de brocard
cambodgien je crois etc... je crois aussi qu'elle aimait afficher
ainsi sa différence... Cela a duré de longues années, ils ne se
sont jamais mariés.» Et l'image de la petite vieille en robe de
soie noire s'est effacée discrètement.
4 commentaires:
Me souviens de ce texte...
Belle escapade sous notre ciel et sur le fauteuil abandonné. ..queques lavandes parfumees
charme de ce petit musée (où j'étais seule en plus) à Carpentras
Bonne escapade, les fauteuils délaissés.
il y en a un très beau, patiné et adouci par les ans à Toulon (plus des plus citadins, bergères et médaillons d'époque ou anciens
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