Brigetoun ne sortant pas,
n'ayant pas volonté de sortir, de son aboulie, ménage, lavage
cheveux rituel du dimanche, et pas grand chose que j'ai envie de
dire, alors, merci à eux, recours aux cosaques des frontières et à
un texte publié sur leur blog http://lescosaquesdesfrontieres.com
Le visage
Clémence a regardé
partir la voiture qui emmenait son mari et Perrine la plus jeune de
leurs enfants vers le lycée, l'internat, est rentrée, est montée
dans la chambre désertée, a fermé un tiroir, redressé un coussin,
a tourné un peu, s'est assise devant son métier, a regardé
l'ouvrage commencé, soupiré, s'est levée.
Elle a décroché dans
l'entrée sa canadienne, enfilé ses bottes, enfoncé ses cheveux
dans un bonnet, entortillé une écharpe, est sortie.
L'air lui a semblé plus
froid, s'est engouffré en elle jusqu'à la faire haleter, lui mettre
larmes aux yeux, elle a enfoncé les mains dans ses poches, relevé
son col de fourrure, remonté l'écharpe devant sa bouche, a regardé
la lisière du bois, image tremblante dans le blanc glacé.
En avançant, en traçant
son chemin dans la blancheur de la neige, a senti un plaisir calme
monter en elle, la réchauffer. Le bois s'est refermé sur elle, l'a
enveloppé dans sa pénombre sans bruit ni odeur, une neutralité
magnifique, avant que peu à peu son ouïe s'affine, qu'elle prenne
conscience d'un craquement, d'un léger bruissement de l'air, de la
chute d'un petit paquet de neige, blancheur glacée étincelante dans
un rayon de lumière filtrée entre les branches.
Elle a rejoint une sente
et la suivie... s'effaçait la peine - un peu surjouée pour se
teinter d'auto-ironie - de constater que la plus jeune de ses
petiotes gagnait un début d'indépendance, s'éloignait, elle a
passé l'étape de la vieillesse qui l'effleurait, encore légèrement,
juste assez pour réveiller en elle un désir d'insouciance, d'élan,
et puis son pas s'est alenti quand elle est arrivée à ce qui en
fait rodait sous ce début de détresse, la solitude à deux... Se
confronter, sans fin, à l'indifférence, légèrement hostile
parfois, qui s'était installée entre elle et lui, Guillaume,
adoucie encore de mélancolie, ces derniers jours, par la présence
de ces jeunes vies.
L'air se faisait plus
doux, presque tendre, entre les arbres, son visage se détendait, son
désir de liberté, d'indépendance l'accompagnait. Un rayon de
soleil s'est frayé un chemin, est venu poser une tache brillante sur
la neige devant elle. Elle s'est arrêtée au centre, un sourire lui
est venu au souvenir d'un nom, sourire un peu triste au souvenir d'un
renoncement, et puis s'est secouée, elle ne pouvait plus mettre une
image sur ce nom, et celui qui le portait avait disparu depuis si
longtemps qu'il pouvait être mort ou avoir perdu toute trace de la
fantaisie, la calme révolte qu'elle avait aimées...
Elle a repris sa marche,
plus lentement, imaginant un départ, une autre vie, finissant par y
croire, à préciser ce qui devenait un projet, jusqu'à penser, un
peu avant d'arriver au coeur du bois, au bord du petit étang gelé
qui était son ami, qu'il ne lui restait plus qu'à en faire choix.
Debout à la lisière,
regardant la surface de glace sur laquelle les branches posaient des
taches mouvantes, elle a pensé à lui, son mari, s'est exaltée,
juste en un éclair, en s'imaginant libre, en a eu honte
immédiatement. Elle restait là, songeuse, regardant la glace, les
ombres, et lentement, comme si elle émergeait peu à peu du fond de
l'étang, l'image de Guillaume est montée à sa rencontre, s'est
immobilisée sous une fine couche de glace, l'a regardée.. et lui
est venue l'idée de sa propre solitude. Une ombre, branche ou nuage,
a fait trembler la bouche sous la glace, lui a donné un sourire
tordu et elle a senti que comme toujours elle y répondait.
Elle a secoué la tête,
l'image s'est effacée. Elle a cassé un rameau, s'en est revenue en
le faisait danser lentement devant elle, disant adieu à ses rêves,
pensant avec une grimace, sans vouloir si arrêter, que le souci de
ne pas priver ses filles de leur foyer n'avait été sans doute qu'un
prétexte...
à partir d'une oeuvre
de Florence Vasseur http://florencevasseur.over-blog.com/
PS Le
mistral a faibli, mais il rouspète toujours, j'ai rempli un sac de
20 litres de feuilles et suis rentrée jambes tremblantes et crispées
de trois quart d'heures dans les rues à la recherche d'un bureau de
tabac
12 commentaires:
Superbe texte pour cette rentrée scolaire de janvier !
Merci
Fine mouche et mistral
oh pas très fine mouche et encore moins avec ce sacré mistral qu'est reparti, là (enfin il a dormi quelques heures)
Visages qui s'envolent au vent... :-)
pourtant sont lourds là
Petit sourire en coin ..grimacier ou moqueur..la fin du texte est pour les deux
Et le vent follet les emporte
Les visages fouettés, les feuilles envolées dansent dans la cour.
saus pas s'il est follet mais nous rend fadas…. et suis pas seule à rouspéter, là il s'éternise vraiment un chouya
Pierre et tiennent à continuer à danser, s'envolent pour cela de la pelle qui veut les mettre en sac
Plaisir de la lecture tout simplement.
Je ne secouerai pas la tête pour garder quelques temps ces mots et ces visages.
Merci pour cela.
grand merci à vous
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