De si mauvaise humeur était qu'il arrosait finement, presqu'imperceptiblement, les escouades de parasols tristement repliés de la place de l'horloge à mon retour.
Un fragment des Pensées d'Aurélienne
mardi
Dans le trou ouvert par la moitié de ma persienne relevée, l'écroulement blanc de la glycine sur le haut mur de l'autre côté de la ruelle s'invite dans mon vide matinal, et mon bol de café à la main, entre la table et ma bouche, je le regarde attendant qu'il finisse de me réveiller. J'aime bien cette phrase que je me répétais, peaufinais, pour occuper mon esprit, à l'abri des petits problèmes. Suis allée au marché des remparts, revenue avec des légumes fin de marché et deux gros mulets et suis passée chez Vincent faire des échanges avec ce qu'il avait ramené des Restos du cœur.. Il nous a fait une omelette, presque aussi réussie que celles que me faisait André.
mercredi
Ciel bleu, rien à noter... Ah si, j'ai rencontré Mahmoud sur la nouvelle piste qui longe les remparts, il m'a vue, il a freiné son vélo en posant ses pieds sur le ciment, je lui ai donné quatre pâquerettes qui se fanaient dans ma main. M'a dit qu'il avait un engagement pour jouer de la guitare deux soirs par semaine dans un restaurant de la rue Bonneterie, juste avant les Teinturiers. Sait pas encore si ce sera correctement payé. Moi je ne sais pas ce qu'il appelle correctement payé. Ai pas osé lui parler de la petite. Sait bien ce que j'en pense.
jeudi
Chance, il faisait si beau.. J'avais prévenu la boite pour qu'il me remplacent chez Madame Truffat et le vieux Gérard, et j'ai pris train et car avec Marthe pour retourner au village. Le frère nous avait convoquées. Avait quelque chose à nous dire, on se doutait bien de quoi. Et oui : il nous a proposé de racheter nos parts... ma foi c'est Marthe qui a répondu, sûre de mon accord, que même si de l'argent ne saurait nous faire du mal – elle a ajouté, surtout à Aurélienne, merci ma belle... une grimace en réponse, passons – la maison, les terres – et ce n'est pas comme si elles étaient considérables – nous étaient chères, et d'ailleurs nous n'avons jamais pensé à intervenir dans ce qu'il faisait, le juger, émettre un avis, et comme n'avions ou n'avions plus aucune descendance... bon il semble que ce soit justement cela : il voudrait avoir les mains libres pour céder à un successeur choisi par lui... Marthe a dit que nous allions réfléchir et s'est chargée de préparer le déjeuner. Sommes restés tous les deux à nous regarder en silence.. au bout d'un moment a tapoté sur sa semelle sa pipe éteinte comme le faisait le père, m'a souri avec un air de connivence et a commencé à plaider, je lui ai répondu en parlant du soleil sur ma peau. Le déjeuner sous la tonnelle a été agréable. Suis repartie avec des pèches, Marthe avec deux salades et des tomates.
vendredi
Fatiguée ce soir, et me sens délicieusement coupable : j'ai acheté en rentrant une veste de toile, un peu usée c'est vrai, mais qui me va si bien je trouve, à une femme qui repliait ses invendus à la fin du vide-grenier du quartier des Halles.
samedi
J'ai mis ma veste et, puisque la ville a rendu ses musées gratuits, suis allée au petit palais. J'étais un peu intimidée au début, et puis j'ai cru que je marchais avec André et qu'il me faisait remarquer des détails, la suavité de couleurs qui étaient justement celles que j'aimais ou la tendre barbe d'un saint, comme autrefois.
Codicille : suis pas absolument certaine que cela réponde à ce qui était demandé, mais j'ai eu plaisir à faire davantage connaissance avec Aurélienne et a passer un moment avec elle.
10 commentaires:
Si les musées sont rouverts, tout va bien !
Trump, dans ce qui serait l'équivalent là-bas de notre musée Grévin, ne va pas tarder à y faire figure de cire ! :-)
Déjeuner sous la tonnelle sous le ciel d’Avignon même les jours moins bleus, on en redemande !
je ne sais pas si les musées sont rouverts ici, Dominique.. je ne crois pas
Trump parti (ouf !), j'espère que Biden va mettre un peu d'attention aux plus petits dans son libéralisme
Marie Christine, euh là la tonnelle aurait été un peu légère pour les torrents du soir et de la nuit !
"Pensees d'Aurelienne ..suaves couleurs" tes écrits sont des images d'hier ou d'aujourd'hui
Coups de tonnerre sur la mitre de bon matin petite pluie
Arlette ici le tonnerre c'était cette nuit (au début) et la pluie est en attente
Bon dimanche à Aurélienne
Claudine, elle me charge de vous remercier
J'ai particulièrement aimé le "jeudi". Ces histoires d'héritage signifient un passage à une forme de séparation pas seulement des biens mais aussi d'une certaine innocence face à une réalité du monde adulte.
Godard et ce passage a lieu même quand les enfants sont devenus des adultes rassis
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