allais au Rhône
yeux battus et sourires
imitant le ciel
pour une pause entre petites catastrophes du matin (désarmées) et aérosol/repassage/valison
et comme ma paresse est toujours gouvernante, je reprends mon petit texte répondant à la dernière proposition de François Bon pour son atelier d'été (celle de l'au-revoir) #20 les yeux ferméshttp://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4941 (ensemble des contributions surhttps://www.tierslivre.net/revue/spip.php?rubrique18)
les yeux fermés
Les yeux fermés, la face caressée d'air, dans le rouge des paupières retrouver la rue, un jardin, le mur de pierre qui se souviennent et se précisent lentement. La pierre était noblement, classiquement, taillée et passablement usée, plus encore depuis restauration, le jardin un peu anarchique par endroits, sagement adapté à l'enfant dans un coin, productif aussi. Les yeux fermés sont-ce les images emmagasinées qui reviennent ou l'idée du souvenir ? N'importe, en rester à cela et s'enfoncer dans une absence qui n'est pas adieu. Cueillir depuis cette présence/absence l'ombre du platane de l'autre côté de la rue, l'ombre qui heurte de portail et saute pour venir poser, un peu flou – un nuage doit filtrer comme les cils – le dessin des plus hautes branches sur le gravier de l'allée. Les yeux fermés, le visage maintenu dans cette image occultée, par la grâce de l'air qui pose, en harmonie, sur la peau, le très léger frissonnement de la brise et la tiédeur de la fin de matinée. Savoir cela : le camion de pompier abandonné au ras de l'espace pauvrement herbu, et avec lui se demander, vaguement comme distraitement, où est la main du gamin. Se souvenir : le duo inconscient entre le contralto de la jeune-femme appelant son enfant et le grommellement du jardinier penché sur les rangées que l'on a mal désherbées. Accueillir le petit remugle venu de la flaque souvenir de la pluie nocturne qui va séchant lentement à l'ombre des buissons, accueillir une note de fleur d'ail attiédie par le soleil montant, sourire au pas dansant, qui pourrait être d'une fillette se donnant courage pour affronter son retard sur le chemin de l'école, de l'autre côté du mur, sur la route. Retrouver dans l'assiette abandonnée sur le banc le morceau refusé de la croute trop cuite et dure de la tourte, et sourire au souvenir de l'étonnante, et bizarrement goûteuse, saveur de la compote ahurissante de poireaux, pommes et sauce indéterminable dont elle était garnie. Les yeux fermés, le nez tendu, grimacer un peu à l'arrivée discrète d'une odeur de fumier. Les yeux fermés, l'image des bouches sœurs de la mère et du fils, charnues, roses, comme discrètement maquillées et de leur même sourire un peu timide, un peu direct. Les yeux fermés, le contact du bois éraflé par les ans et les successions de pluie et soleil dardé, sous la main saine sur laquelle s'appuyer pour se redresser. Les yeux fermés, l'espace d'air qui se glisse, grandit, entre les omoplates et le mur contre lequel elles ne s'appuyaient pas tout à fait. Les yeux fermés, les muscles des jambes se tendant, se lever. Ouvrir les yeux pour s'assurer, quelques pas, le fer du portail, sortir.
Codicille : est-ce bien la peine ? Juste vouloir rester un peu avec eux, ces gens qui ne sont pas, et avec vous les amis de l'atelier, avant de s'éloigner, et le faire comme pouvais.
M'en vais donc à Grignan jusqu'à lundi sans doute, partant avec un très vieux et cabochard mini PC dont je ne suis pas certaine de pouvoir me servir - soyez sages et portez-vous bien
11 commentaires:
Bon voyage chère Brigitte, profitez bien du changement d’air et de votre famille. Nous vous attendons.
Nous serons sage aussi que faire se peut. Une petite lettre de Grignan serait bienvenue.
ah non, pas être sage, que nenni non point !
Le Rhône, apparemment impassible, attendra votre retour - comme vos lecteurs !
Profitez bien de cette "pause" et pourvu que votre PC de remplacement ne fonctionne pas, vous laissant plus libre durant ce séjour ! ;-)
On vous attend.
Vous pouvez partir avec la conscience du travail bien fait, le texte est superbe.
je croyais qu en periode de confinement on ne pouvait pas se déplacer ???
Bon Grignan, Brigitte, merci pour cette publication à tiroirs sensuelle et pleine de magie. A bientôt
Que votre repos soit efficace
Vivement le retour, portez vous bien !
vous êtes trop gentils tous
Anonyme : je m'y suis autorisée comme handicapée et ma coeur comme aide à personne en difficulté
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