interrogations
de l'enfant de si longtemps
jamais résolues
une photo reçue aujourd'hui... pardon, mais je fais connaissance avec mon moi d'alors, et pour une fois aime assez – en tout cas j'étais aussi interrogative face aux révoltes des objets et de l'évier ce matin... réprimées peu ou prou en long travail qui ne se voulait pas trop anarchique
et puis, celle qui depuis tant et tant d'années n'est plus la pouliche échappée (l'un des surnoms que me donnait mon père, l'autre, plus juste, étant la frégate incomprise) s'en est allée faire une vraie heure de marche (un peu davantage en fait) dans la lumière et un air qui se faisait étonnamment quasi tendre.
Mais comme suis un rien vidée et fort paresseuse, reprend, sous la photo d'une œuvre de Davide Galbiati, souvenir d'une exposition au petit palais en 2015, bien qu'elle n'ai absolument aucun rapport avec la tête que j'ai cherché à évoquer, je reprends ma contribution du #6 «le gros plan comme outil littéraire, avec Jean Epstein» https://youtu.be/oRC_RUeo-98 (l'ensemble des contributions sont ou seront sur https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article629
Dos souplement parallèle au dossier du fauteuil, jambes tendues, au premier rang, mes yeux dialoguent avec une nuque légèrement ployée au dessus d'épaules rigides, s'emplissent de la courte masse de cheveux souples basculée vers nous. La voix du saxo se meurt et le souffle du vent léger qui le portait prend possession de la salle pendant que, insensiblement, le crâne bascule, se redresse, que le cou se déploie, se découvre, dans la presque imperceptible tension des muscles qui encadrent sa haute colonne claire sur laquelle dansent, dans le son qui forcit, des boucles sombres. Avec la même lenteur, l'épaule de droite s'enfonce un peu, le lobe d'une oreille apparaît, le visage se révèle, pendant qu'il s'approche jusqu'à occuper presque tout le cadre, effaçant le ciel, avant de s'arrêter de trois quart. La fuite d'un haut front, une forte arcade sourcilière, un trou sombre et, sous une pommette marquée, le méplat d'une joue maigre, le bout du nez, une narine palpitante, le coin d'une bouche aux lèvres minces qui s'ouvre peu à peu, l'ensemble continue de grandir, de venir vers moi, les cheveux commencent à sortir du cadre et s'impose la tension qui semble étirer cette peau, la plaquer sur sa structure, pour que nos bouches accompagnent, en un halètement muet, les lèvres que nous regardons. Le corps a repris son mouvement et, tandis qu'un bourdonnement vient contaminer le bruit du vent, c'est maintenant le haut de l'épaule gauche qui vient, au milieu de l'image, supporter l'ensemble, le cou, le visage, les petites rides que creusent les yeux plissés, la diagonale sèche du nez au bout légèrement relevé, la bouche qui se ferme, la boule du menton dressée comme pour une interrogation, la forte mâchoire qui achève de masculiniser cette face. Le bourdonnement s'intensifie – on reconnaît le bruit d'un moteur – et le visage se tourne vers nous tout en s'approchant, grandissant, pendant que le cadre se resserre en montant le long de la peau hâlée démesurément grossie, jusqu'à laisser deviner sa texture, ne montre plus que les yeux enfoncés, légèrement bridés, dont le regard d'un bleu très pâle, filtrant sous les paupières prudentes, se fixe sur un point à ma gauche, évitant de justesse l'échange de regard. Un bruit de porte métallique, le son d'une chaussure qui se pose sur de la terre, un frémissement de lumière dans les yeux, une décrispation, le cadre s'élargit, redescend jusqu'aux lèvres qui s'assouplissent dans un sourire qu'un reflet doré, venu d'on ne sait où, caresse soudain, et mes épaules se détendent.
12 commentaires:
De Brige à Toun.
Les ombres du passé éclairent notre présent. Il faut les aimer
Nadamase, il faut que je cherche à connaître Toun
Marie-Christine elles sont parfois intrigantes, je suppose que c'était un peu avant la bascule colère
Un plan moyen personnel vaut parfois bien un gros plan captif étranger... :-)
Première et dernière images, les deux images de la vie.
Dominique, enfin... tout dépend des personnes
Pierre, la dernière n'est pas encore vraiment ravagée
Très belle image, je trouve. Entre la permanence de l'estran et la fugacité de l'enfance, le visage exprime un mélange: la détermination qui nous oblige à grandir et le doute qui s'y oppose. Notre dynamique peut-être?
mon éternelle curiosité un peu inquiète devant les adultes alors les "sachants" "conformes" maintenant
Belle, l'enfant.
merci (bon photographe surtout - sais pas qui d'ailleurs, ne connaissais pas cette photo, vient d'un cousin)
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