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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

vendredi, juin 25, 2021

Les malheurs de Brigetoun – recours aux éveils


Compte-rendu de la journée brigetounienne, un bref aller et retour, matin, sous un ciel où se promenaient des nuages parce que : je n'avais pas acheté le Canard hiers, et pour remplacer (premier accroc de la journée) mes lunettes-loupes de maison qui avaient perdu une branche et me donnaient un regard de traviole – une profonde, longue sieste (moi j'hiberne en été), un texte mis en ligne pour le second des deux ateliers d'été du tiers ivre (celui auquel j'avais décidé de ne pas participer)


et un départ vers dix sept heures vers Rosmerta, avec deux grands saladiers qui ne me servent plus à rien et vingt couverts en bambou achetés pour je ne sais plus quelle occasion et non utilisés, en prévision du couscous de samedi... dans le plaisir de la lumière, du léger vent qui attiédissait l'air



et puis la réprobation de l'appareil miraculé qui, après la photo de ces plots, a rendu l'âme (resté coincé zoom ouvert et objectif aveugle)- ai discuté en le tripotant avec M, l'ai frappé, injurié etc... et puis quand le jeune carrossier est arrivé s'est refermé,a accepté de me montrer ce sur quoi, rouvert, je le dirigeais mais avec des couleurs totalement faussées émergeant d'une pénombre d'égout... mon cœur se désolait, s'est rétabli dans le plaisir des efforts du garçon, s'est tu pendant que, à la fin d'une heure de cours, j'entreprenais avec lui un brouillon de lettre (j'avoue que c'était une première pour moi) pour l'obtention d'une nouvelle carte à titre d'employé, à durée de quatre ou cinq ans si possible, pour fêter son CDI qui doit débuter en septembre... me reste des vœux fervents pour son avenir, une acceptation de mon statut de « sans appareil », la décision de tenter d'y remédier demain avant le concert du soir, sais pas trop comment mais le faut... et pour tenter d'améliorer Paumée je reprends ma contribution à l'atelier « Progression #1 Perec, lieux où on a dormi »



éveils

Les yeux re-fermés dans l'espace frais de la chambre, un claquement de mules sur les dalles, Jacqueline va ouvrir les rideaux, les fenêtres, irruption de la lumière et de l'air ou s'éveille la tiédeur, la dernière debout dans son lit agite les barreaux, un déplacement d'air, j'ouvre les yeux sur un pan de la robe de chambre rouge de Maman et je les referme, la tendresse de sa voix, la peur de cette couleur violente.

La voix du vieillard qui salue le soleil, roulé-boulé sur le lit, je me retrouve à plat-ventre, les yeux sur le Pelvoux qui envahit tout l'espace de ma petite fenêtre, je baille au jour qui vient.

La voix d'A. depuis son lit m'ordonne d'ouvrir les volets, je grogne, je reçois un tissu quelconque sur la tête, elle se lève, fait trois pas, s'appuie sur mes jambes pour se pencher en avant, pousse les volets, rit, les referme presque, un matelot était debout de l'autre côté du saut de loup... un exercice ?

Le bruit du loquet que l'on ferme de l'autre côté de la porte, je suis prisonnière de la chambre le temps qu'elle ou lui se douche... plaisir de cette excuse, je pousse un peu le vase d'ajoncs posé dans la profonde embrasure du fenestron, je m'accoude, je penche mes yeux du haut de la tour vers la marée haute qui baigne la terrasse derrière le manoir, en humant à en perdre souffle cet air étrange.

Des bruits de chariots dans le couloir, je renonce à lutter pour trouver le sommeil, je regarde la beauté du ciel qui se lève sur les toits, je cherche un peu, retrouve des repères, m'accroche, très loin, dans la liquidité pâle de la lumière, sur le dôme des Invalides, j'attends.

L'orage faiblit sur Port-Cros, je ne peux plus supporter l'emprise glacée de mon sac à viande, je gueule, ça grogne dans le carré, je m'extraie comme peux de ma couchette-cercueil, les pieds au sec et frissonnante je vais m'asseoir sur les marches de la descente, je dis « le bateau, oui, il est aussi beau que l'île mais les coffres ne sont pas étanches », le café chauffe, le pain est mou et légèrement salé, on prépare l'appareillage dans l'humidité si épaisse qu'on n'y voit rien, mon père, un ami, doivent rejoindre leurs postes à terre.

Mon esprit s'est battu toute la nuit avec ce qu'il pouvait deviner de cette journée comme de tant d'autres, et le drap est humide de pleurs rentrés. Je regarde un moment les volutes de fonte du garde-corps, le vieux rideau déchiré, je prend mon élan pour un jour de travail et j'injurie la radio ce qui me met de bonne humeur.

Troisième réveil dans le silence de la grande maison, le ciel de l'aube pâle et fragile dans la lucarne, pieds sur les planches je vais vers elle, bataille pour l'ouvrir, attrape le sac posé à terre, la boite de cigarillos, mon briquet, penchée bras et tête à l'extérieur au dessus du jardin qui commence à se dessiner je tire une bouffée, j'écrase le cigarillo sur la pierre, je sens la vie qui dort sous moi, avec un sentiment de culpabilité plein de tendresse, j'attends que la cendre soit froide, je souffle dessus, je me retourne vers le panier rond posé sur la grosse poutre transversale et ses minuscules fleurs peintes, je me recouche.

J'ouvre les yeux sur les fusils à pierre et les deux masques au mur au dessus de la bibliothèque basse, le bois blond des colonnes, la collection de Revue des deux mondes et les œuvres de Sade – ai essayé, ai baillé, plus encore que devant Bergson – je ramasse à terre le cahier de mémoires de mon grand-père, je vais le ranger parmi les autres dans le haut rayonnage à côté de la fenêtre, je bataille en vain pour que le store de bambou se relève en restant droit, du bruit dans le couloir, la salle de bains est libre.

L'impression de flotter, la fatigue qui reprend possession mais le sentiment que ce n'est plus de même que... la main qui tâtonne, ne trouve rien, j'ouvre les yeux, un mur, je tourne la tête, oui c'est vrai, premier jour dans ce qui sera l'antre, la vie sans fardeau, Avignon.


8 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

Un concert peut se passer de photos (d'autant qu'elles ne sont possibles qu'avant ou après la musique)...

Bonne soirée !!! :-)

Brigetoun a dit…

à force de tripatouiller, m'énerver hier soir et cette nuit le miraculé est redevenu presque passable.. et puis vais tenter une consultation pour un autre (parce que c'est vexant mas sans appareil maintenant je me sens très mal)

mémoire du silence a dit…

Vos éveils sont magnifiques Brigitte
merci pour ce beau partage

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je souris car vous avez écrit : "atelier du tiers ivre", je trouve cela tellement drôle... je suis comme les enfants... je ris de rien... :-)


Bonne journée et courage pour ...

Claudine a dit…

jolis réveils, vraiment. L'écrivante est douée <3

Brigetoun a dit…

(nous sommes comme des enfants)

quant aux réveils certains manquaient de charme sur le moment mais j'au bien aimé les écrire

Brigetoun a dit…

Claudine, ne pas lui dire, elle risquerait de 'se croire"

Anne Dejardin a dit…

...drap humide de pleurs rentrés...la couchette cercueil... et l'antre, la vie sans fardeau... Si beau. Merci.

Brigetoun a dit…

Grand merci, Anne... vous lis as assez tous vais tenter de rattraper mon retard