commentaires

désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

samedi, octobre 02, 2021

Halles et nouveaux fragments


aux temps roux et bruns

à voir et à déguster

le bleu devient frais

si gai si radieux pourtant

que point ne veux le sentir


m'en suis allée acheter un peu de poisson, quelques légumes et des yaourts... mais j'ai eu les yeux plus grands que mes forces... et le couffin a fait quelques stations au sol sur le chemin du retour..

Lourde sieste, un peu de repassage, un peu de ménage... suis repartie dans Porto (ma foi suis tombée sur quelques côtes qui m'ont retardée) et pour la seconde fournée ai maintenant quatorze texte

Je pose ici cinq fragments de la première salve


3 – le Senhor C s'ennuie entre ses présentoirs de lunettes dans sa boutique de la rua de Sà da Bandeira et regarde avec une inquiétude lasse, de l'autre côté de la rue, la carapace blanche et bleue qui entoure depuis près de deux ans le Mercado do Bolhão, n'osant espérer que la fin promise ne tardera plus beaucoup et que reviendra, encore plus grande, joyeuse, l'animation qui s'est transportée provisoirement quelques rues plus loin, sans que le prix des étals rénovés mette à mal l'ambiance qui régnait là depuis plus d'un siècle. 4 – Dans la cour de sa maison délabrée, si délabrée que les touristes s'offusquent de voir si mal traités ces adorables azuléjos qui l'habillent, derrière, proche et loin de leurs appareils de photos, sacs à dos, shorts et gentillesse bruyante, ou lassitude râlante, une vielle femme assise sur un fauteuil en plastique jaune tricote un châle rouge sombre entre son lavoir et un appentis plein de bois.


5 – Rua das Flores, contre le mur du Museu da Misericordia, Ermelinda N, comme tous les jours ou presque, est assise, une petite boite verte posée sur ses genoux joints, elle enfile quelques perles multicolores sur un fil, sans lever les yeux vers les passants. Elle a suspendu à côté d'elle, coincé entre le mur et une descente d'eau un sac de toile siglé du nom d'une boutique allemande, au dessus d'un carton de jus de fruit et d'un sachet de papier fripé contenant de petites brioches. Sur un rectangle de toile blanche posé sur les dalles, devant ses pieds, est soigneusement présentée la marchandise qu'elle a sorti du sac, de petites broches, versions exubérantes des broches souvenirs des bourgeoises du 19ème siècle encadrant quatre petits présentoirs de velours noir portant des plastrons tissés de perles bleues ou multicolores. A côté d'elle, son fils Eduardo achève de présenter, rangés en colonnes sur une toile de mêmes dimensions, les bracelets de perles ou de cuir, les chaines, les lunettes qu'il a sorti d'une grande besace en tissage multicolore, cadeau du petit neveu de sa mère, arrivé depuis quelques jours de ce pays, l'Angola, qu'ils n'ont jamais connu... petit neveu du moins ce qu'il prétend, ce jeune garçon – maintenant tassé devant la toile, plus grande celle là, offrant des sacs, ceintures, d'autres colliers plus simples, les pièces les plus encombrantes ou les plus simples de leur marchandise – mais à vrai dire Ermelinda a beau chercher à se souvenir, en dehors de son nom de famille, très répandu parait-il, qui lui vient d'un père en allé avant sa naissance il y a trente ans dans une clinique tenu par des bonnes sœurs à Lisbonne, elle ne sait rien, vraiment rien sur sa famille, sa mère répondant par des sourires mutiques ou le refus violent de tout retour en arrière à ses demandes de renseignement... mais ma foi il avait un air perdu, gentil, juste ce qu'il fallait pour un premier contact, et puis il s'est révélé drôle, astucieux, audacieux, alors puisqu'il se contente du cagibi dans la cour de la maison qu'ils partagent avec une autre famille, puisque Eduardo et lui s'entendent... Le gardien du Musée, debout devant une des portes, quand ils sont arrivés, tout à l'heure et se sont installés, l'a d'ailleurs salué le garçon, a complimenté Ermelinda sans chercher à savoir quel lien les unissait...



6 – Devant un immeuble récent de briques beiges au portique de ciment blanc, qui borde une des rues perpendiculaires à la grande avenue, presque au niveau de l'hospital São João, un groupe, deux quadragénaires, des jeunes, garçons et filles du quartier ou du moins scolarisés dans le même lycée, assis autour des tables de fer noir d'un petit café, ou debout, téléphone en main pour rameuter les retardataires, se prépare à la sortie mensuelle du club fondé par l'un des adultes, celui qui pointe sur une feuille les présents, répondant à chacun des arrivants par le surnom dont il l'a affublé, manie qui agace son compagnon qui y trouve un relent de scoutisme ou de ces organisations religieuses de jeunes qui les ont rejetés tous les deux. –7 – Seul face à l'Atlantique, sur son vélo arrêté sur le trottoir de la rue Colonel Raùl Peres, Marcelino F enrage contre sa mère qui, hier encore, a refusé que ces petites roues qui lui sont un stigmate, une marque infamante auprès des autres garçons, soient démontées enfin par son père, et sa frêle nuque bien droite, ses yeux dardés sur la jonction entre l'ondulation vert clair de la mer et la fuite de nuages dans le ciel, il supplie qu'un dieu, un esprit, un il ne sait quoi, là bas au loin, dans cet espace qui est, il le sait, son domaine, comme celui de son grand-père, de tous ses aïeux et de ces héros d'autrefois dont il lit l'histoire, vienne l'emporter, attester qu'il est bien de cet ailleurs.

6 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

Ah, ces photos prises par les voitures de Google transformant le moindre être humain en zombie... Pourquoi ne pas flouter non plus les bâtiments, les enseignes de magasins, les propriétés personnelles ?

La photo réussie, selon l'entreprise américaine, serait sans doute entièrement trouble.

Vu qu'au Portugal, la vaccination était quasiment à 100/%... Les vaccinés, pourtant masqués, sont-ils également en proie à cet effacement ? :-)

Brigetoun a dit…

Le Portugal, au moins Porto, doit être considéré comme peu important par les gens de Google... d'avantage que l'Afrique qui est majoritairement zone blanche bien sûr, mais seules quelques rues montrent gens masqués... dans la majorité des rues (qui de toutes façons ne sont pas toutes photographiées... il y a de grands blancs sur le plan de la ville) la voiture n'est pas passée depuis 2014 ou 2018, donc pas de visages masqués

cjeanney a dit…

Magnifique Marcelino !

mémoire du silence a dit…

Sentent bon les halles. :-)

Brigetoun a dit…

Christine, il te remercie

Brigetoun a dit…

Maria désolée ... les commentaires (toute une série) s'étaient perdus