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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mercredi, octobre 13, 2021

Paresse avignonnaise, recours aux rives de l'océan

Il a fait très beau, avec un bon vent, ce matin, du moins je le crois. Ai vu, en ouvrant les volets bleus, de la lumière et la véhémence des branches de l'olivier fou, ai vaqué dolce, ai pris environ deux heures pour rédiger enfin, va comme peut ma phrase, ma contribution à la proposition 2 du nouvel atelier de François Bon... mise en ligne très en retard sur les autres.

J'ai hésité pour l'après-midi entre l'écoute de la proposition 3 qui me tente ou un moment scolaire rue Pasteur, avant la conférence donnée, dans la salle de fêtes de la mairie, par le Professeur Raffaele Ruggiero Directeur du Département d’études italiennes de l’Université Aix-Marseille, sur “ Dante et les papes simoniaques entre biographie et poésie ” – mais après le déjeuner ai sombré ans une sieste si profonde, si entière, si totale, que n'en ai émergé qu'après dix huit heures, bien trop tard pour tout cela...

et je me borne à reprendre ma contribution au #1 de l'atelier « images intérieures »



Aux rives de l'océan

La presqu'île qui semble n'avoir pas connu encore la trace de ce 20ème siècle, les sentiers dont celui qui mène au cap n'est que le principal, non encore carrossable, juste en terre tassée entre les végétaux, les buissons accrochés à l'herbe rase, brun sur vert, mottes posées la grande motte qu'était la terre entre le ria et l'océan. Terrain de jeux pour enfants. Une aventure hors famille mais pas trop loin. Courir, marcher en liberté. Et ce creux que l'on découvre, terre et buisson comme un orbite et ses sourcils et cette longue fente encadrée de ciment sale et dégradé. L'excitation, le coeur qui bat et l'air bravache. On cherche l'entrée, et entre des branches épineuses une porte métallique entrouverte. L'intérieur est accueilli par des propos déçus, pas trace d'arme, pas de casque. Pourtant des graffitis, des bouts de tissus qui traînent, des crottes animales ou humaines, ce squelette d'oiseau font naître un sentiment d'étrange juste assez inquiétant pour être ravissement muet.

L'étendue de sable qui n'en finit pas de grandir, cette drôle de mer qui s'en va que l'on a découvert ici, cette immensité gris vert. Cette eau immense et vivante et notre soif. On marche loin des mères et la mer semble s'éloigner de plus en plus. Nos mains jointes pour faire reculer le doute. L'humidité du sable enfin, et la longue avancée sur le sable ridé qui n'en finit pas de descendre sous la transparence de la mer. Ce moment où nos mollets tremblent dans l'image déformée par les vaguelettes lentes, où on s'accroupit, plonge la tête dans l'eau, où l'on boit. Redressés, nos grimaces. La course contre l'écœurement, l'étendue d'eau, de sable, avalée à pieds tordus, bouches ouvertes, vers les adultes menteurs qui sont le seul recours, avec une petite rancune déçue bien installée.

Le maillot tricoté sous le chandail tricoté. Les pieds qui pataugent, glissent parfois, entre sable humide, mousse verte et flaques d'eau résistantes. Ce bout de rivière qui change de nature et d'aspect au fil des heures sous la maison, l'ouverture qui s'élargit entre Trébabu et la mer. Les voix qui se perdent, volent incompréhensibles comme les cris des goélands. Un monde mouvant, se tenir à sa surface comme sur nos pieds qui s'enfoncent dans l'humidité gluante. Mais le haveneau, mais la joie des chevrettes, mais celles que l'on mange crues en cachette, mais l'océan qui entre en nous.

Le potager derrière la maison, au dessus de l'eau, les rangées de salades, de feuilles inconnues qui sont des carottes ou autres, de plantes inconnues, bien alignées et pleines de fantaisie débordante. Une découverte et un intérêt qui faiblit au bout d'un moment faute de pouvoir questionner et boire les réponses. Il y a l'interdiction de sortir des allées. Il y a aussi le plaisir des bandes de goémon sombres avec lequel il ne faut pas jouer. Vient-il de la plage à côté de Bertheaume ? Et puis il y a la cahute de bois, le banc de bois et son trou, le seau, la découverte déplaisante (mais dont on s'amuse ostensiblement faute de mieux) de cette hygiène sauvage.

Il paraît qu'ensuite il n'y a plus de terre, plus rien avant l'Amérique. C'est un terrain plat qui tombe en rocher dans la mer. Il y a deux voitures dont la notre, quelques maisons blanc-gris vides pour le moment ou toujours, un vieille église de pierre sombre et un phare qui a l'air d'un gigantesque jouet blanc et rouge. Il y a l'air plus fort que partout. Et du vent. Il y a l'immense, un peu d'ennui, un peu d'effroi chuchotant, c'est merveilleux mais j'ai faim.

... avant d'ouvrir « l'enfer », son chapitre XIX et de suivre Dante

« montati de la scoglio in quella parte...

.. sur le rocher de ce côté

qui surplombe la fosse en son milieu.. »

là où « De la bouche de chaque trou on voyait surgir

les pieds d'un pêcheur, avec les jambes

jusqu'au mollet : le corps était dedans.

A tous flambaient les plantes des deux pieds

et les jointures s'agitaient si fort

qu'elles auraient rompu liens d'osier et de corde.. »

et d'écouter celui « sucé par un feu plus rouge », le pape Nicolas III, se lamenter et prédire la venue de papes plus gravement simoniaques et mauvais que lui, Boniface VIII, et pire, Clément V

« ché dopo lui verrà di piu laida opra

car, après lui, chargé d'actions plus laides,

viendra de l'ouest un pasteur sans foi... » 'ma foi Wikipedia est plus indulgent que Dante pour Bertrand de Got couronné pape à Lyon en 1305 sous le nom de Clément V https://fr.wikipedia.org/wiki/Cl%C3%A9ment_V (parce qu'il a cédé à Philippe le Bel l'abrogation du Temple et donc la vie des templiers entre autres choses?) 

8 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

Un des multiples "horizons", comme dirait Philippe par boîte de pub interposée... Un havre de paix ! :-)

Brigetoun a dit…

me suis interrogée... ai fini par comprendre l'allusion à Philippe.. ma foi suis moins déconnectée de ces imbéciles que le croyais (sourire)

mémoire du silence a dit…

La sieste a parfois du Bon, magnifiques images intérieures.

"Le maillot tricoté sous le chandail tricoté." Ceci me touche et me plonge dans d'autres images intérieures. C'est beau.

Brigetoun a dit…

Maria ça date surtout (sourire)

arlette a dit…

Emue parfois un détail lu ..déroule d'autres souvenirs un peu de Proust vient frôler tes lignes qui inspirent

Brigetoun a dit…

Arlette Proust ! tout de même pas (rire) mais de fait avons nous tous quelques souvenirs qui se font écho

Claudine a dit…

texte magnifique et d'une fraîcheur !

Brigetoun a dit…

oh merci Claudine (à moins que tu parle de Dante)