Départ dans l'éblouissement de la lumière tombant sur la ville un peu après quinze heures, lassitude enrayée, rendez-vous rituel de fin de mois place Pie..
et trajet en duo vers Rosmerta, attente de mon élève du samedi, sa faculté à dire qu'il a compris que je déjoue, trois-quart d'heures pour convertir des livres puis des dollars en euro (curieusement pas de problèmes pour les dollars, mais impossible de comprendre la même chose s'agissant des lires, le fonctionnement de l'esprit humain est chose surprenante) et deux heures de français avec pour finir la recherche d'adjectifs que pourrait trouver un être au vocabulaire très réduit pour caractériser deux des personnages d'une scène du « Voyageur sans bagage » d'Anouilh même après mon explication du contexte et des codes de discours)
Et retour d'une loque s'appliquant à ne pas avoir, d'autant que vers la fin le vent se levait) la démarche d'une femme soûle....
Envie de me plonger dans quelque chose de bien bétassou et avant je reprends ma contribution au #2 de l'atelier « écrire film » de François Bon après avoir fait une capture d'écran du film dont il s'agit.
attente en six plans
L'image d'une immensité s'impose si forte qu'on dirait que l'écran s'est élargi et a pris les dimensions que le cinéma adoptera des dizaines d'années plus tard | une immensité blanche et grise ponctuée d'un peu de noir | un énorme ciel en camaïeu de gris avec des ourlets blancs aux grandes masses qui se superposent | une bande qui part dans l'ombre au bas de l'écran et s'en va de plus en plus blanche vers le ciel | un gris et un blanc lumineux par lui-même | surface plane du sol en fuite vers l'horizon | surface lisse avec quelques irrégularités | indifférence froide apparente | la glace | et là juste sur cette rencontre une bande qui se déploie | qui semble avancer imperceptiblement vers la caméra | qui surtout gagne l'extrémité gauche de l'écran jusqu'à en occuper presque toute la largeur | un peu plus épaisse qu'une ligne et qui tressaute | unie dans cette avancée inexorable | ne présentant aucun trou | mais dont chaque élément affirme sa singularité dans sa façon de traduire le rythme | rythme qui se voit | rythme qui s'entend par les yeux même le son coupé | sans la musique qui certainement dit cette immensité soutenue par le piétinement le choc quelque chose qui traduise le son des doigts se promenant sur un tambour ou d'un galop | parce que l'avancée de cette ligne est devenue pendant cette éternité de vingt cinq secondes environ légèrement plus épaisse en son centre comme un boutoir et qu'on voit de minuscules chevaux de minuscules capes blanches flottant dans le vent de l'élan commun des piques dressées et des fanions || cette avancée vue de plus loin coupée et reléguée par au premier plan à droite sur un tiers de l'image le surgissement d'un rocher haute face noire d'ombre et sommet en pente d'un blanc scintillant sur lequel se dressent quelques silhouettes debout dont certaines tiennent des lignes verticales sans doute des piques silhouettes que l'on retrouve plus nombreuses en bas pressées contre la base du rocher pendant que la chevauchée s'étire toujours vers la gauche pendant une dizaine de secondes || la chevauchée vue de plus loin à nouveau en amas flou au perpétuel mouvement entêté pour ronger l'espace et sur tout le tiers gauche de l'image des hommes debout vus de dos | tuniques ceinturées blanches pour la plupart quelques manteaux noirs dont un porté par un cavalier piques droites | une attente tendue et ferme || retour à la chevauchée seule presque lisible maintenant et qui occupe tout la largeur de l'écran | moutonnement gris et blanc menaçant de quelques secondes || fantassins en forte file en biais tournée vers ce qui vient de la droite | présence sombre haute et indistincte parce qu'à contre jour | casques coniques quelques écus et forêt de piques | quelques secondes de cette force tendue vers l'attente || l'attente vue de face | à gauche le rocher et quelques cavaliers devant lui puis en allant vers la droite de l'écran des rangées de fantassins décalées de plus en plus loin et de plus en plus à droite | l'ancrage et la force de l'image : sur la moitié droite de l'écran deux bustes de très jeunes hommes en avant des autres | un plus grand sur lequel s'appuie le plus petit | visages prenant la lumière et l'attente vers laquelle ils se tendent et qu'ils accueillent bouches ouvertes en un léger sourire | boucliers ronds et casques dont la courbe se tend pour finir en pointe posés sur coiffes de mailles métalliques rejoignant les épaules et les tuniques sombres sur cottes de mailles | le plus petit à droite s'écarte légèrement et avance son visage comme pour aller au devant du choc encore très lointain.
8 commentaires:
Tant de patience ...je te salue serais incapable de tenir plus de 30 minutes et pourtant ai enseigné quelques années dans un autre temps avec la fougue de la jeunesse...
Arlette merci pour ton passage fidèle
(pour la patience pas vraiment le choix... mais cette fois n'ai pas cédé et fait à sa place)
"fantassins en forte file en biais tournée vers ce qui vient de la droite"... comme un portrait des pingouins ou des moutons attirés vers le petit Z zozotant sa vue perso et non perçante de l'Histoire de France... ;-)
Dominique je ne sais pas s'l a du goût pour Poutine le successeur d'Alexandre Nevski (héros du film) mais là la file de pingouins ou moutons va remporter la victoire sir les chevaliers teutoniques
on dirait presque un mouvement et son contraire, un non mouvement, ou vice versa.
Oh ! J'aime
J'aime image et texte
oui j'aime.
c'est un mouvement très vif mais si lointain qu'il est imperceptible et l'attente de ceux sur quoi le mouvement va se briser
merci Maria, pas le plus grand film d'Eisenstein mais celui que j'ai découvert en premier et les images qui suivent de a bataille e des casques effrayants des chevaliers ne m'a jamais quittée
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