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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

jeudi, mars 10, 2022

Temps morne et longue reprise d'un vieux conte


Ciel gris de gris, Brigetoun mécontente de son esprit et sa carcasse, sans plus, a fait une fois encore le même trajet vers la place Pie, les yeux en quête dans la ville un peu morne, a vaqué, fait le nécessaire, suivi le live du Monde, lu et écouté....


Et puisque l'Ukraine est dans la douleur, un pas de côté avec juste un début de conte, les deux premiers billets d'un récit, inspiré/résumé/reécrit (que l'auteur me pardonne mais pour les cosaques de Jan Doets je ne pouvais me contenter de copier) des « Contes Kosaks » de Michel Czaykowski (né à Halchyn en 1804 dans une famille de Mazovie installée en Ukraine depuis plusieurs générations, exilé en France en 1831 après l'échec de la révolution polonaise à laquelle il a participé, a soutenu l'activité anti-russe dans le Caucase, dont les Russes et Autrichiens avaient demandé l'extradition, qui s'est converti à l'Islam, qui fut amnistié par les russes en 1872 et qui retourna alors en Ukraine...), livre publié en 1857 chez Z.Dentu libraire-éditeur au Palais Royal, galerie d’Orléans, 13 - que j'ai appelé « la staroste et les aiglons » accueilli le 8 novembre 2013 par les cosaques des frontières https://lescosaquesdesfrontieres.com/2013/11/08/la-staroste-et-les-aiglons-2 /

Oksana , bien plantée sur sa chaise, jambes un peu écartées pour mieux se pencher vers les enfants, a commencé à raconter, d’une voix qui s’imposait, appelait :

«Je vais vous raconter l’histoire, le début de l’histoire de la staroste.

Il faut que je vous dise : c’était la petite fille, ou l’arrière petite fille, je ne sais plus, c’est si loin, de l'ataman Jean Wyhowski.

Elle avait quarante ans, elle était grande mais déjà courbée par les soucis, le visage mort, les sentiments engourdis. Elle était veuve – on disait que son mari la rudoyait, qu’il était mort de trop boire et trop manger – et propriétaire, ou responsable, de quinze village au bord de la rivière de Teterov, ceux qui sont dans les bois et les rochers, autour de son château de Tryhury.

Elle avait deux fils mais l’un est parti, chez les Zaporogues – il a même changé de nom – et elle s’enferme pour pleurer en pensant à lui, mais ne sourit jamais au plus jeune, Pierre, qui lui est resté. Et je m’en vais vous dire leur histoire.

Le château avait été plein de vie. Pierre, le cadet, aimait l’étude et attirait au château des étudiants. Le fils aîné, Ivan, aimait la chasse, les fêtes, les bons vins, et tenait belle et bonne table pour la jeunesse noble des environs. Il était beau, malicieux, mais généreux et populaire. Sa mère resplendissait de fierté…»

Elle s’est arrêtée, s’est tournée vers Borislava qui a commencé, comme elles l’avaient prévu, hésitant un peu au début, prenant progressivement de l’assurance (Oksana l’avait fait répéter, plusieurs fois, corrigeant sa prononciation, pour qu’elle soit au moins acceptable, jusqu’à ce qu’elle sache son texte par coeur)

«Un jour, après la défaite de Mazeppa – vous ne savez pas qui est Mazeppa ? Vous apprendrez, c’était un héros, un chef libre – elle a trouvé Ivan arpentant à grands pas sa chambre, un papier serré dans sa main, et, sur le lit, sa cassette abandonnée, tiroir secret ouvert. Ils s’enfermèrent longtemps, et puis Ivan est sorti, tenant le sabre de son aïeul l'ataman.

Il fit un don de pierreries au couvent voisin pour la statue de la vierge, devant laquelle il resta longtemps en prière, dans une forêt de cierges, il distribua ses biens à ses amis et serviteurs, embrassa son jeune frère, baisa la main de sa mère qui le bénit, et, à la nuit, après avoir tenu longuement dans ses bras sa mère qui pleurait, il partit sur une belle jument grise, accompagné du vieux Neczaj armé, vêtu, comme dans sa jeunesse, en guerrier, tout droit et rajeuni sur un cheval bai. Ils..»

Elle s’est arrêté, elle a souri, écarté les mains :

«Mais on vous appelle pour dîner les enfants.

L’histoire est longue… Si vous êtes sages nous la continuerons, un autre jour.»

et puis, zut j'ajoute le 2...

C’est encore Borislava qui a repris le conte, ce jour là

«C’était donc Ivan, l’aîné qui arrivait, et il s’est précipité dans la chambre. Ils étaient là tous les deux, les fils, devant le lit de la staroste redressée sur ses oreillers, tendue dans un dernier effort pour les regarder avec joie, leur faire ses adieux, recommander à l’aîné de ne pas quitter son frère.

Mais il a répondu – «non, mère, je vais repartir, je laisse le château et les biens à Pierre, c’est un Woronicz, moi je me nomme Orlenko et suis aux cosaques, aux zaporogues».

Tous se taisaient, attendaient, la zaporogue a enlevé de son doigt sa bague en argent et la donnée à Ivan en s’arrachant ces mots «porte la, tu connaîtra son..» – et sa chute dans la mort a été accompagnée des sanglots des assistants.»

Oksana : «et après quatre jours de recueillement ce furent de somptueuses funérailles..»

Borislava : «la cour éclairée par des tonneaux de résine, un char, avançant entre deux rangées de porteurs de torche en manteaux noirs, tiré par six chevaux noirs harnachés de noir, et chaque cheval était en outre tenu en bride par un paysan vêtu de noir..»

Oksana : «les popes et les bannières des villages, les enfants vêtus de blanc, la foule des voisins, la lumière d’or rouge, … et les deux frères, vêtus de kontusz noirs sur leurs pourpoints blancs, menaient la troupe des vassaux, des amis, des fermiers d’arrêt en arrêt, de discours en discours»

Borislava : «on installa le cercueil sur un échafaudage dans le choeur de l’église, sous un drap noir, entre des chandeliers d’argent, et chacun s’en retourna vers sa nuit, le sommeil».

Et Oksana a continué :

«mais Ivan, Orlenko, lui ne dormait pas, il arpentait les couloirs, passait devant les chambres, traversait les salles, entre les corps endormis là où ils avaient pu trouver un semblant de confort.. il est sorti, est descendu à grands pas jusqu’au bord de la rivière encaissée, il a suivi un moment dans le noir le cours de l’eau bavarde, et puis il est monté entre les rochers jusqu’à la fente presque invisible qui s’ouvre sur la grotte des cygains, cet endroit redouté de tous – Vous savez les enfants, seuls les fous veulent rencontrer, consulter les cygains – Et là il y avait un chat noir aux yeux de braise ardente, à côté d’un feu de branchage expirant, des statuettes frustes en bois et ficelles, des poteries cassées, et sous une peau de bête, sur un lit de feuilles, la vieille cygaine endormie. Le chat a miaulé, un coq dans le fond de la caverne a crié et la vieille s’est réveillée en marmonnant un mot impossible à connaître. Elle était hideuse, ridée comme une pomme qui va pourrir, maigre au delà de tout, et rouge de visage, avec des yeux brillants et jaunes comme ceux de son chat.

Ivan a jeté des pièces d’or devant elle, lui a ordonné de dire quel était son passé, de lui révéler quel serait son avenir. Elle a refusé. Il a sorti son sabre. Le chat s’est préparé à bondir sur lui, mais la vieille cygaine l’a calmé et elle a parlé. Elle a dit à Ivan que son sabre attendait une autre proie, qu’elle voyait dans ses yeux le diable qui était en lui, et puis elle lui a dit de s’asseoir sur une peau de chèvre devant le feu qu’elle a réveillé, nourri.

Le chat a tourné autour du foyer et d’Ivan, la vieille a empli une jatte d’eau, a fait fondre de la cire jaune, a tracé des signes sur la terre, remué des tessons, fait toutes les simagrées nécessaires et puis, d’une voix solennelle, elle s’est adressée au jeune homme – elle a dit à Ivan qu’il était né de la rose, de l’amour, mais qu’à partir de cette rose il y avait une trace de sang qui l’a mené au meurtre, elle a dit beaucoup de choses, qu’il était tristesse et amour, qu’il avait été cause d’un crime, qu’il serait criminel, qu’il vengerait un crime, qu’il aurait des honneurs mais ne connaîtrait pas le bonheur (et mes enfants je m’y perds dans ces crimes, l’histoire éclairera peut-être les paroles de la cygaine, bien obscures comme il se doit) et elle a terminé en lui disant «tu es notre frère» mais Orlanko insistait, voulait en savoir plus, alors elle lui a fait boire un philtre.

Il est resté un moment immobile, et puis il est devenu rouge, il a crié si fort et d’une voix si pressée, rauque, que je n’ai pas compris et ne saurais vous dire ce qu’il avait découvert, deviné, le conte nous le dira peut-être.. et il est parti en courant…

et maintenant, les enfants, c’est nous qui partons, il est l’heure de votre déjeuner.»

et les deux vieilles sont sorties bras dessus bras dessous, à longs pas dansés sur un air qu’Oksana fredonnait.

Et désolée de vous avoir infligé cela si vous m'avez fait la gentillesse de passer (mais j'avais mis un long moment à retrouver cette chose..) j'en resterai là pour les aventures des deux frères. (ou comment perdre ses derniers lecteurs) 

8 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

Les Cosaques et l'Ukraine, cela s'imposait... :-)

Brigetoun a dit…

oui et en fait il y a un frère qui se revendique Ukrainien et un qui accepte l'Ukraine russe, mais frères sans jugement entre eux...
l'histoire se situe sur autre plan (si je me souviens bien) - écrite par un qui n'acceptait pas la Russie, avant la fin de vie

jeandler a dit…

C'est toute l'Europe qui est en douleur sous les bombes putiniennes !

Brigetoun a dit…

comme la Syrie sous mêmes bombes, comme tant d'autres pays sous autres bombes, mais c'est toujours l'horreur

mémoire du silence a dit…

Oh ! Merci
J'adore les contes
et on y reviendra.

Brigetoun a dit…

pas certaine... voulais pas mais si je sis à court, au fond vous me donnez une idée et tant pis pour cette façon d laisser parler ma paresse

Claudine a dit…

La paresse vous sied, Mère Grand. Encore des contes !

Brigetoun a dit…

vais continuer demain parce que pas envie de penser et d'écrire (pas bien je sais)