Vers dix heures ce matin, quand le soleil fait de chaque feuille un bijou étincelant, suis montée, tout doux tout doux, parce que me savais légèrement en avance, vers le palais
le jardin d'Urbain V où deux enfants jouaient et un homme photographiait sa belle, et suis arrivée avec assez d'avance devant Utopia pour avoir temps de piapiater avec cinq bénévoles, un seul garçon escortant sa référente, les autres se refusant à être un samedi matin sur pied à cette heure indue, avec une psychiatre qui intervient auprès des migrants et une autre représentante du Point de Capiton https://le-point-de-capiton.net/ (association qui s'intéresse à la dimension politique de la place de la psychanalyse dans la cité) et un membre de Serpsy (soins études et recherches en psychiatrie) http://www.serpsy1.com/pages/connaitre/, piapia qui à ce stade a constitué surtout en une présentation de, un plaidoyer pour Rosmerta...
avant que nous assistions à le projection d' « Avec les mots des autres » un film d'Antoine Dubas https://www.orspere-samdarra.com/ressources/film-documentaire-avec-les-mots-des-autres-2020/, film militant, à l'honnêteté un peu austère au premier abord, consistant, sauf de rares plans servant de rotules, en une succession d'entretiens entre un migrant et un ou une soignante en présence physique, ou par l'intermédiaire d'un téléphone posé sur la table entre les deux personnes en tentative de dialogue, d'un ou une interprète, film qui se révèle passionnant par la lente évolution de certains des demandeurs de soins, par les retours en arrière, par la parole qui se libère, la force des formules qui viennent à travers tout ce qui, langue, civilisation, images mentales sépare ces humains... (une séquence, montrant entre autres cette distance entre les langages et l'effort de transmission et l'une des rares séquences en voix off, 2 minutes 38 à visionner sur la page en lien)
un échange pour une fois vif et intéressant... et le retour à l'antre
Les sons d'un souvenir
le bruit infime de sa pipe qui tombe de ses lèvres endormies sur la toile de son pantalon et roule sonner sur les tomettes
le caramel brun de sa voix aux mots rares dans le concert murmuré de timbres de femmes et de filles que transpercent par moment des cris ou crispations aigus
le choc assourdi d'un sac à voiles lâché plus que posé sur un quai, le bruissement échevelé qui sent le chanvre d'un bout qui se déroule
la vibration de la toile qui vit dans le vent, le cliquetis d'une manille, la voix de baryton qui s'en va courir sur la mer, discrète d'abord avant que, dans le plaisir de chanter et de séduire le public faussement inattentif, l'intensité augmente avec des effets, des modulations joueuses
le claquement d'un ordre
en rive des conversations mondaines de sa femme, de sa descendance, de ses amis et des leurs qui ne sont pas tous les siens, le bruit discret de sa canne-siège qui s'enfonce dans la terre et le frottement d'un pied qui joue sur la terre pendant qu'il écoute et sourit
le bruit imaginaire des pattes d'un chien qui le suit quand il s'en va longeant le fleuve
le souffle de sa main qui vient entourer une épaule pour la serrer avec tendre chaleur
son rire glorieux éclatant sur un petit film muet très ancien, silhouette blanche descendant d'entrechat et entrechat une allée entre des buissons, et le claquement des semelles de ses sandales visible à chaque saut
le bruit délicat de son rabot sur une planche sur laquelle il se penche dans le garage derrière une haie de rosiers, son application joyeuse en fabriquant un minuscule dériveur pour ses petits enfants en sifflotant comme le faisait peut-être le grand oncle charpentier de marine
le bruit impatient du moteur de sa voiture dans le jardin, le frottement du portail sur le gravier, les roues sur le béton du seuil, le moteur arrêté, le claquement métallique du portail que l'on ferme, le claquement de la porte du passager, l'énergie du départ
sa voix disant le bruit des cartes renversées dans un réduit du lycée à Alger quand il passait par la fenêtre pour retrouver son petit voilier sur la cale du cercle nautique
Vivaldi sortant du transistor posé à terre près de la porte ouverte de la chambre où il s'en va vers la mort, juste assez fort pour qu'il l'entende sans trouble.
6 commentaires:
... sans doute un documentaire très intéressant, à envoyer au futur ministre de l'Intérieur... ;-)
avec une copie à celui de la santé parce qu'il manque des psychiatres
... les taches de rousseur sur ses mains, son épée pour les parades, sa façon de piloter la R6 comme une jeep
le taches sur les mains celui)là les avait, l'épée était un sabre en digne marin et c'était son apport dans la corbeille de mariage (plaisanterie familiale), i était très fier de son permis de conduire l'un des premiers délivrés (on a longtemps conduit sans permis)... variations légères et proximités de l'un à l'autre
Bien le choix de l'entretien et sagesse de ne pouvoir tout faire Suis très sensible aux sons qui recréent un univers un beau texte si juste Merci pour ton éventail de ce matin
et grand merci à toi Arlette
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