Un dimanche dont la beauté a rongé lentement mon mal-être stupide, un dimanche où ne suis pas sortie, un dimanche où j'ai accompli juste les petites taches pour qu'il ne soit pas nul, un dimanche où je regardais mon ordinateur ramer avec l'idée de sa mort future sans trop m'en émouvoir mais avec agacement, un dimanche avec moments de lecture appliquée, un dimanche beau et calme et la reprise du prologue à l'atelier d'été de François Bon (… Et on ajoute, immédiatement, une contrainte : ce roman, seul et unique, que vous avez choisi, vous n’en direz ni le titre, ni l’auteur....)
Une retrouvaille
Je pensais l’avoir jeté, il vivait quelque part dans des souvenirs, dans mon regard, et si son nom me revisitait je n’aurais su dire ce qui relevait de mes anciennes lectures ou ce qui revenait à mon penchant naturel pour ce qu’il évoquait… l’ai retrouvé, toujours loque, couverture souple réunie comme pouvait à la première page par des bouts de scotch jaunis et renforcée/doublée d’un papier de Noël naïf, feuilles presque grumeleuses de vieillesse, brunies, comme épaissies qui m’ont fait hésiter, moi qui suis pourtant si peu susceptible de la chose, à mettre des gants pour en tourner les pages mais pour la raison inverse de celle des bibliothécaires auxquels sont confiés des trésors (ce que d’ailleurs n’ai pas fait, retrouvant rapidement le plaisir de le feuilleter tel qu’il était).. il était donc toujours là, le second, celui de la vraie lecture il y a une cinquantaine d’années ou un peu plus dont je ne saurais dire comment il est venu à moi, sauf un petit sentiment d’illégitimité qui m’en a fait censurer le souvenir, quelque chose comme une découverte dans un dépotoir, dans une benne, dans un écart quelconque qui a éveillé ma curiosité et me l’a fait emporter, larcin sans importance, mue par le désir de savoir ce qui se cachait derrière le récit quasi légendaire de l’édition pour la jeunesse de ma prime adolescence.
Mais ce qui lui donne ce semblant ou cette réalité d’importance pour moi, même relu très rarement (viens de parcourir à nouveau sa masse, m’attardant plus ou moins dans mon parcours rapide comme volé au temps), ce n’est pas cette légende qui fait de son titre presque un thème, une banalité, c’est justement cette seconde et vraie lecture, en un temps où l’idée de roman, du moins postérieure aux grands romans effleurés à l’école puis dévorés, me faisait bailler honteusement ce qui m’a tenue à l’écart d’une bonne partie de la littérature du second vingtième siècle, sauf deux noms : Sarraute et Simon (faut dire que j’avais eu de la chance en tombant sur eux) cette lecture à œil neuf et le plaisir de découvrir que ce n’était pas un roman, ou alors hautement impur (comme finalement ce qu’avaient écrit les deux noms précités… et sans doute plusieurs de leurs contemporains et j’ai commencer à aller y voir).
Impur, pas tant par la série de citations qui lui sert d’introduction, que par l’entrelacement du récit, avec ce mélange d’humour, de lyrisme, de prosaïsme, de religiosité et de paganisme affiché, de ce récit donc auquel se réduisent souvent les évocations qui en sont faites, tellement qu’il est devenu un archétype, l’un de ces livres dont on reparle encore même passé de mode et sans l’avoir lu, et des chapitres documentaires, même si leur côté quasi scolaire revendiqué est contaminé par les légendes et l’humour qui flotte sur l’ensemble, leçons sur la matérialité de l’aventure et sur la sociologie de ceux qui la vivent.
Cet humour qui baigne toujours le sérieux de cet écrivain et qui m’est devenu plus évident dans ma rapide relecture de ces derniers jours après la découverte ravie lors du rapt de cette loque de cette « impureté », ces incessants changement de tons.
Alors ne saurais dire s’il a éveillé en moi ou simplement adhéré à ma tendance naturelle, le besoin de rêve, de saute-mouton, de ruptures internes, de dérives incessantes enrichissant le récit comme de gros cabochons barbares, de combinaison entre le réel plus contraignant et solide et le remuement du magma de légendes qui ont toujours été au fond de la vie des humains, jusqu’à ce que les civilisations et l’ordre les neutralise, les ravalant au rang d’ornements. Peut-être a-t-il simplement flatté mon désir d’échapper aux occupations qui relevaient, encore plus strictement à l’époque de ma jeunesse et entrée dans la vie de mon « genre » (qui m’ont, ado, fait craindre ou fuir les femmes) et à ce « non » qui me vient si facilement devant tout ordre (auquel j’obéis parce qu’il me serait encore plus désagréable d’être sanctionnée par cette chose méprisable) – contente de découvrir que même si je j’ai évolué avec l’âge très loin, parfois à rebours de ces réactions ne gardant que le goût de légères amitiés masculines, l’amour ce cet élément qui baigne ce récit et le refus de suivre ce qui est imposé comme ordre d’actes et de pensées, le charme est resté intact, avec ds inflexions légèrement différentes.
Quant à en parler, j’ai appris, hors ma découverte d’internet, à ne pas évoquer mes goûts de lectures ou spectacles qui se heurtaient à des goûts différents, je tente dé découvrir ce qui peut convenir à la personne à laquelle je me risque à offrir un livre sans tenir compte de mes goûts, et me suis très longtemps (j’en reviens heureusement) désintéressée de la vie des auteurs que j’aimais lire.
5 commentaires:
Bon, finalement... vous avez réussi l'exercice puisqu'il est impossible de trouver (pour moi) de quel livre vous faites la description et son auteur pourra ainsi continuer à dormir tranquille. :-)
il dort tranquille depuis longtemps et lu ou pas son livre est de ceux que l'on pense avoir lu... (mais c'est un tel monde)
Je voudrais sans le nommer vous parler de lui ... bravo
Tout dépend du regard de chacun il en restera un écho intime
Et c'est bien
merci Arlette, merci Maria... il re-dort (faudrait tout de même que k'en rachète un plus frais
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