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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

jeudi, décembre 07, 2023

Dormi, une voix, un poème

 


Mon ange trop las

m'a voué deux angelots

préféraient jouer

m'ont laissé me rendormir

et croire en ma fatigue



matinée en fut diminuée d'un peu plus qu'une moitié, ai vaqué assez vite et fort avant de me renfoncer dans une sieste, m'étais répété que devais faire mon deuil de toute action un peu sérieuse à Rosmerta, ne suis sortie que pour le tour du pâté de maison, au crépuscule s'installant, et n'ai pas repris mon ébauche du #7 (qui sera pourtant fort court je pense) pour l'atelier d'été de François Bon.


Reprends pourtant le premier de mes deux petits textes (en fait une reprise d'un atelier d'il y a quelques années) pour le #6

Ta voix

Je cherche ta voix, je te regarde vers la fin de ta vie, en douce grand-mère sourire, mais je ne t’entends plus.
Je tente de la re-créer et c’est

ta voix qui n’était pas plate mais calme, ondoyante, qui ne gardait de la colère, de la tristesse qu’un reflet, et les rendaient ainsi plus éloquents, comme tes joies...
ta voix qui était inflexions..
ta voix qui disait ton charme, ton sourire et ouverture au monde, ce regard qui n’excluait pas la curiosité, le jugement, parfois ironique ou colère, comme les mots acérés qu’elle prononçait alors...
ta voix qui désarmait la violence éventuelle de tes phrases.
Je cherche ta voix, je n’en ai pas d’enregistrement, juste ma mémoire qui ne s’y était pas attardée, mes souvenirs à traduire
et puis cela : sa tessiture, ou cette façon de lancer les mots, tu nous les as transmises et les amis, le père quand revenait d’une longue absence, ne distinguaient pas entre toi et nous, les trois filles, en nous écoutant sans nous voir...
mais ces différences dont nous étions conscientes toutes les quatre, et qui faisaient que nous ne confondions pas... était-ce dû aux idées, aux élans plus ou moins vifs, à la présence plus ou moins affirmée ?
puisque sommes nos voix...
Je cherche ta voix à travers la mienne et les leurs, nos timbres sans aigus mais où viennent des clartés, le tien plus musical sans doute, avec, colorant et soulignant ta sincérité, une maîtrise constante et naturelle, venue peut-être de l’enfance..
et je ne te connaissais pas, - sauf en petites traces gentiment ironiques, quand tu singeais, pas si inconsciemment que cela, des voix rencontrées dans le salon, le jardin ou autour de la table de tes nombreux amis –, je ne leur connais pas, ces préciosités que j’ai découvertes chez moi avec dépit en écoutant ma voix sur un répondeur, maquillage posé par le travail, vulgarité contre laquelle j’ai lutté.
Je cherche ta voix,
et je crois l’entendre, quand je lis, avec mélange de curiosité et de cette culpabilité qui en découle, des passages de tes lettres de jeune femme à l’époux absent, une jeune femme pour laquelle me vient une amitié de petite vieille, même si j’ai tellement moins vécu que toi...
je cherche ta voix, et j’en trouve l’écho dans la ponctuation, ou son absence parfois, de tes phrases, dans la tendresse, le sourire, la malice, la gravité, la rage réprimée qu’elles expriment et cette façon de passer d’une nuance à l’autre.
Je cherche ta voix, mais ne l’ai jamais vraiment entendue, comme un son à analyser,
je cherche ta voix et ne saurais la dissocier de toi...
je ne trouve que cela : ta voix (ou nos voix, donc) sans stridence, mais claire, non pas comme une clochette mais comme l’écho d’une cloche - sans le velours sombre non plus qu’aurais aimé pour la mienne, écho d’un bourdon...
un mezzo clair, un charme.
ta voix, rivière au soleil, chatoyante.


Dans la nuit jeune, ai fouillé un peu et choisi pour le poème du jour une strophe d'Ossip Mandelstam

« La scène fantomatique luit à peine

Du choeur des ombres exténuées.

Et de l'appartement de Melpomene

Les croisées sont de soie obstruées,

Dehors la neige incandescente crisse,

Des fiacres c'est le noir campement,

Les choses et les gens, tout se hérisse,

Il gèle dur, la pierre se fend. »

traduction François Kérel

4 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

L'impalpable d'une voix : même un enregistrement ne peut le capturer...


:-)

Brigetoun a dit…

oui, deux textes pour le dire après avoir cherché...

mémoire du silence a dit…

deux voix :



La voix

Une voix, une voix qui vient de si loin
Qu’elle ne fait plus tinter les oreilles,
Une voix, comme un tambour, voilée
Parvient pourtant, distinctement, jusqu’à nous.
Bien qu’elle semble sortir d’un tombeau
Elle ne parle que d’été et de printemps,
Elle emplit le corps de joie,
Elle allume aux lèvres le sourire.

Je l’écoute. Ce n’est qu’une voix humaine
Qui traverse les fracas de la vie et des batailles,
L’écroulement du tonnerre et le murmure des bavardages.

Et vous ? Ne l’entendez-vous pas ?
Elle dit « La peine sera de courte durée »
Elle dit « La belle saison est proche ».

Ne l’entendez-vous pas ?


Robert Desnos


___



La voix

Qui chante là quand toute voix se tait?
Qui chante avec cette voix sourde et pure un si beau chant?
Serait-ce hors de la ville, à
Robinson, dans un jardin couvert de neige?
Ou est-ce là tout près, quelqu'un qui ne se doutait pas qu'on l'écoutât?
Ne soyons pas impatients de le savoir puisque le jour n'est pas autrement précédé par l'invisible oiseau.
Mais faisons seulement silence.
Une voix monte, et comme un vent de mars aux bois vieillis porte leur force, elle nous vient sans larmes, souriant plutôt devant la mort.
Qui chantait là quand notre lampe s'est éteinte?
Nul ne le sait.
Mais seul peut entendre le cœur qui ne cherche la possession ni la victoire.

Philippe Jaccottet

Brigetoun a dit…

oui belles... mais comment rendre le grain et le timbre ?