Ma place prise assaut par une file de gens débouchant des remparts… les festivaliers arrivent, dommage pour la marche mais tant mieux pour la ville et les théâtres…
Forces de bébé, en rester à la petite marchande de légumes un peu snob rue Joseph Vernet… grimacer aux annonces de lectures et spectacles organisés par France Culture, n’y vais plus certaine de ne pas avoir de place après avoir fait longue queue… La gentille marchande n’a pas été livrée… achète les courgettes les moins défraichies, le plus beau des bulbes de fenouil, quelques mini-aubergines et deux petits cookies d’un artisan local pour récupérer un peu de poids, plus trois sourires...
Au retour croise encore le même groupe qui m’offre des photos correctes… vais finir par prendre leur petite carte et peut-être aller les voir.
Au réveil de ma courte sieste __ nouvelles traces de pluie sur les dalles — écrit le #15 dont l’idée m’est venue sous la douche, décide avec indulgence de le publier, repasse un jean plus récent et un peu raide pour risquer attente sous pluie devant le gymnase du Lycée Mistral (queue d’attente, les places ne sont pas numérotées et ma taille m’interdit les rangs éloignés) et écoute la vidéo pour le #16 de l’atelier avec perplexité sur ce que vais trouver… et puis me suis lancée à contre-courant parce que ça venait comme ça et j’ai mis en ligne mon bidule avant de me préparer
à reprendre la rue Joseph Vernet sous un ciel qui menaçait vers le Lycée Mistral, pour découvrir que la première partie du spectacle (près d’une heure) commençait par une déambulation à partir du haut du Cours Jean Jaurès (le commencement de la rue de la République), hésiter à attendre tranquillement leur arrivée comme on me le proposait,
décider de les attendre square Agricol Perdiguier par lequel ils devaient passer
et puis continuer pour attendre en compagnie
l’arrivée, précédée par l’entrain des flutes andines et des tambours, d’un troupe colorée et assez hétéroclite (en fait selon ce que dit l’interview de Tiziano Cruz, l’auteur du spectacle : « En Avignon, j’ai travaillé avec une communauté gitane qui habite à la périphérie de la ville, afin de créer des échanges et tenter d’abattre ces murs qui séparent le centre d’Avignon de sa périphérie… Au fil des rencontres et des dates de tournée, nous avons créé de nombreuses archives vidéo. Notre projet est de compiler ces images dans un documentaire, dévoilant le travail effectué avec les différentes communautés et les lieux où nous avons joué le spectacle… »
Nous les avons suivis jusqu’au square où sous un début de pluie ils ont déclamé, alternant le français er l’argentin (Tiziano Cruz est argentin, «Je suis le fils de Don Manuel Cruz, le maçon du village, qui sillonne maintenant la province pour apporter la nourriture aux oeuvres de bienfaisance… Je suis le fils de Doña Victoria Urbina, qui lavait à grande eau les salles de classe des écoles … » un « Manifesto »
« … Tout ce que vous voyez je le suis. Vide de langue, vide de territoire. J’ai quitté ma maison pour fuir la pauvreté et la violence, j’ai tout quitté absolument tout pour appartenir à quelque chose. Je me suis laissé violer par les institutions du pouvoir.
…..
….. Un monde sans espoir, c’est une condamnation à une vie de consommation, à une survie. Nous sommes épuisés de survivre, nous voulons un monde où nous pourrons vivre.
Mes amies et amis, avec cette danse, je dis adieu à la structure théâtrale aristotélicienne qui a imprégné ma formation. Avec cette oeuvre, je dis adieu à ce rêve. La musique andine, que j’ai reniée pendant tant d’années, sera ma seule compagne.
Car désormais je rêve à la mémoire collective de ces peuples perdus dans le monde… »
Fragments d’un long texte (surprise et contente une fois encore de constater que je comprenais presque tout sans attendre la traduction.. que j’ai sous les yeux. Et puis les avons suivis en cortège. J’ai réveillé mon instinct de petite vieille jouant de sa faiblesse pour me retrouver au premier rang, sur le côté mais ça n’avait pas d’importance.
Le cortège a traversé la scène; il est resté seul, mince, assez petit, en slip avec son grand collier multicolore (il est à la droite de la dernière des photos de leur arrivée) sous le grand panneau (qui alternera avec d’autres formules, des photos de sa mère, des vidéos de moutons) pour la seconde partie de « Soliloquio » un long et beau poème, jouant aussi des sons enregistrés mixés par deux garçons sur le côte de la scène.
Sur le programme « Soliloquio » est le deuxième volet d’une trilogie autobiographique de Tiziano Cruz qui trouve son origine dans un événement tragique : en 2015, sa sœur meurt à l’âge de 18 ans des suites d’une négligence médicale. L’artiste prend alors conscience de la discrimination des autochtones par le système de pouvoir argentin : il interroge la place de leurs corps dans un monde où colonialisme et suprémacisme sont perpétués par la pensée néolibérale. « Soliloquio » – seul en scène – est basé sur les 58 lettres écrites à sa mère pendant le confinement. Les performances visuelles de Tiziano Cruz s’inscrivent à la frontière du politique et de l’intime. Lui-même originaire d’une région de l’Argentine réunissant neuf communautés, il travaille avec des populations locales – tziganes et sud-américaines – pour la première partie de « Soliloquio » qu’il situe dans l’espace public.
Poème donc pour les lettes adressées à sa mère pendant le confinement qui a été pout lui une remise en cause de la vie qu’il menait « . En l’absence de ma mère, je me suis élevé seul, souvent dans la rue. J’ai compris que cela ne dépendait pas d’elle mais du manque d’infrastructures dans les périphéries pour accompagner les mères isolées. Les mères sont condamnées à travailler à l’extérieur du foyer en « abandonnant » d’une certaine manière leurs enfants. Par manque de volonté politique, ces familles se retrouvent abandonnées. »
Poème sur l’art qu’il pratiquait « lorsqu’on évoque le théâtre de Buenos Aires ou le théâtre du Nord, on met souvent l’accent sur des différences, des lieux et des espaces spécifiques. Mais on se rend compte que toutes ces pseudo-différences sont en réalité régies par un même modèle aristotélicien qui impose, quoi qu’il arrive, les mêmes règles. Il structure le temps et l’espace, il prescrit des recettes à suivre. Nous le portons en nous, de façon inconsciente : c’est le fruit de la colonisation…. »
Etc… beaucoup aimé (mais pensais in petto que quand il dit « je veux » créer « un spectacle qui évoque le politique, les problèmes de racisme, d’homophobie, ou encore de pauvrophobie – la peur des pauvres. » il devrait dire « Je peux » et qu’il lui a fallu auparavant se faire reconnaître en se conformant à ce qui était attendu de lui.
Pardon… serai beaucoup plus brève demain avant un lundi au programme normalement beaucoup plus chargé.
6 commentaires:
Trop long ?! oh ! que non, Brigitte, on partage votre intérêt et jusqu’à votre seconde remarque in petto, intérioriser des règles pour la liberté d’expérimenter ensuite ? passionnant de bout en bout, du grain à moudre, on en redemande, merci
oh merci Elise (pour la réflexion : en parlant cru comme lui je dirais se prostituer pour gagner un statut d'où être entendu ensuite quand on se rebelle)
Théâtre de rue (qui sera peut-être interdit quand un facho aura la médaille de ministre de la Kultur)… bravo pour vos réflexions ! :-)
merci... ça commence un peu ici mais ne s'attaquent pas encore à la culture (l'argent qu'elle rapporte)- croix gammées sur le local CGT, sur des associations...
Merci Amie de nous donner un peu d'air AA
grand merci à toi et bonne soirée Arlette
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