Au matin un ciel
d’un lumineux bleu profond
puis cieux trop peuplés
Avant que se tourne la page de mon agenda, la dame qui sur l’estampe de Tsuchiya Koitsu veillait sur ma semaine me jette par dessus son épaule « ce n’est pas digne d’un haïku », je m’incline les mains jointes, je lui répond « sans doute pas, en effet » et lui demande de bien vouloir m’en excuser, je me redresse et j’annonce que j’ai besoin ou envie d’un tout petit réglage et que Paumée est fermé jusqu’à jeudi je pense ; pour le nourrir en attendant je recopie ma contribution au #12 de l’atelier que je suivais de François Bon
Les livres partis pour Ginnasservis
En 2018 lorsque Pierre Derose, l’ancien fleuriste qui tenait la boutique depuis près de quarante ans prit sa retraite et partit s’installer à Ginasservis dans la villa qu’il avait acheté au centre d’un grand terrain en légère pente qui faisait la joie de sa femme Marguerite laquelle y avait créé, enrichit, peaufiné depuis dix ans un merveilleux jardin méditerranéen avec l’aide d’un jeune passionné chargé de son entretien et, hors les périodes de vacances où elle pouvait quitter la boutique dont elle assurait la bonne marche, de la recherche de nouveaux plants rares et des terrassements pour modeler le paysage sous sa direction grâce à un incessant échange de courrier, le problème furent les livres depuis longtemps sa seule passion à lui, son seul intérêt au point d’avoir peu à peu introduit depuis le noyau constitué dans une bonne partie de ce qu’elle appelait son laboratoire, réserve de plantes dans lequel elle créait bouquets, couronnes ou coussins mortuaires et garnitures de salles et tables de fêtes, des rayonnages garnis de livres doublant tous les murs de la boutique qui fascinaient de plus en plus d’amateurs, en en faisant un mixte devenu célèbre entre fleuriste comme l’indiquait l’enseigne, le grand comptoir et les présentoirs entre lesquels circulaient les clients et de bibliothèque où enfants et adultes parfois venus d’assez loin venaient emprunter des livres contre un émargement dans des cahiers rangés dans un tiroir de l’arrière boutique ou la lecture dans un des fauteuils installés dans un coin derrière un rempart de rosiers, bégonias et autres plantes. Déclarant qu’il en était lassé et, que puisque nouvelle vie allait avoir elle serait consacrée à sa vraie vocation la cuisine et il répartit entre la bibliothèque municipale, celle que créa Madame Bourgeois, leur voisine, la locataire du bâtiments d’un seul étage bornant deux des côtés de la cour dans l’école où elle professait avant de la diriger, le reste étant emporté gratuitement par un bouquiniste. Il ne garda à titre de souvenir qu’un échantillonnage, choisissant de prélever pour chaque lettre de l’alphabet le nom d’un auteur représenté par un seul titre, soit
« Dix-huit leçons sur la société industrielle » de Raymond Aron ;
« La Prochaine Fois, le feu » de James Balwin ;
« Si par une nuit d’huiver » d’Italo Calvino ;
« Apocalypse Bébé » de Virginie Despentes ;
« Causes amusantes et connues » de Robert Estienne ;
« Histoire de Tom Jones, enfant trouvé » d’Henry Fielding ;
« Le Déserteur » de Jean Giono ;
« Rome impériale et l’urbanisme dans l’antiquité » de Léon Home ;
« La Salamandre » de Masuji Ibuse ;
« Chapelle ardente » de Jacques Josse ;
« Le dîner » d’Herman Koch ;
« Haut-mal » de Michel Leiris ;
« L’Homère travesti, ou L’Iliade en vers burlesques » de Pierre Carlet de Marivaux ;
« Trilby ou le lutin d’Argall » de Charles Nodier ;
« Volonté » de Georges Ohnet ;
« Canzoniere » de François Pétrarque ;
« Petite Cosmogonie portative » de Raymond Queneau ;
« Le vue » de Raymond Roussel ;
« Pauvre Blaise » de la Comtesse de Ségur ;
« Anachronisme » de Christophe Tarkos ;
« Rues de la forêt belle » d’André Ughetto ;
« Les chiens errants n’ont pas besoin de capuche de Thomas Vinau ;
« Poèmes » de Romain Weingarten ;
« L’Hypparque » de Xénophon ;
« Douze nuits au sérail » de Yannis Youlount
6 commentaires:
Beggen vote pour l'hipparque
merci Beggen dit Xenophon
Juste Aron, question littérature, ça fait un peu tache. J'eusse préféré Apollinaire ! :-)
"— Le moment le plus important, à mes yeux, c’est celui qui précède la lecture. Parfois le titre suffit pour allumer en moi le désir d’un livre qui peut-être n’existe pas. Parfois, c’est l’incipit du livre, ses premières phrases… En somme : s’il vous suffit de peu pour mettre en route votre imagination, moi, il m’en faut encore moins : rien que la promesse d’une lecture."
Italo Calvino / Si par une nuit d’hiver un voyageur
il n'es pas le seul, m'est avis que le fleriste a pris les liivres un peu au hasard ou que ses intérêts sont divers
c'est en cela encore un de mes maîtres
Enregistrer un commentaire