vendredi matin, après une soirée d’orage où je ne pouvais arriver à lire, à faire quoi que ce soit, revenant sans arrêt devant la porte-fenêtre pour vérifier que l’eau ne rentrait pas, à l’heure où j’essayais de me persuader qu’il fallait entrer dans la journée et faire du café, un pauvre jeune et fort postier a hissé deux paquets fort lourds. Excuses demandées, porte fermée, joie de penser qu’il’agissait de deux des étagères en bois attendues, étonnement à demi conscient devant le format, bagarre avec un carton et désespoir de constater que, même si ce n’était pas mentionné, même si leur prix par rapport aux autres rayonnages laissait penser le contraire, il s’agissait d’un kit.
Me suis assise à coté des planches, trop lourdes pour que je puisse faire plus que les pousser légèrement, ai regardé mes mains, suis tombée dans un trou. Et puis, après trois coups de téléphone, j’ai trouvé une entreprise d’insertion merveilleuse qui s’en chargera mardi matin. D’ici là je tournerai autour.
M’en suis allée, pas très flambante mais soulagée dans un air tiède et un ciel parfaitement joyeux contrairement à ce qu’annonçait la météo-internet.
Des courses relativement raisonnables, écouté les recommandations du bonhomme éternellement penché au balcon de la place de l’horloge, et n’ai rien fait, prétextant une légère tendance aux frissons et à la tête lourde.
Repris en parcours rapide, parce que j’ai aimé être dans ce texte, avant de l’archiver , « incipit » de Daniel Bourrion http://www.publie.net/tnc/spip.php?article155 (premières pages, présentations, extrait) et plus pauvrement http://brigetoun.blogspot.com/2008/09/un-dbut-dembouteillage-au-coin-de-ma.html ;repartant de la familiarité des cahiers comme j’en ai eu
« ces mauvais cahiers dont les couvertures aux couleurs criardes mal posées sur le croquis central, un chevalier sur une monture cabrée je crois, leur texture au toucher, ressemblaient un peu à la peau qu'attrapaient les vieux paysans après leurs années passées sous les caresses vives du vent, du soleil, de la pluie et, plus souvent encore, du gel qui faisait éclater dans les bois certains arbres affaiblis, fendus déjà et par les fissures desquels l'eau s'insinuait peu à peu jusqu'à en atteindre le coeur pour y attendre que des températures bien largement égatives la fassent se figer, gonfler, se gonfler jusqu'à ce qu'elle parvienne, cette eau changée en glace, à opposer sa dureté minérale à celle plus tendre du bois, puis à vaincre cette dernière en la faisant littéralement exploser…. »
Et puis au fil de ces longues phrases, l’histoire que lisent les habitants de la vallée sur ces cahiers et qui les rend incertains, d’une tristesse profonde - et cela parle de la terre, des efforts, et de la filiation, du lien (et de l’interrogation sur sa nature) avec tous ces fils disparus dans la guerre, le face à face des hommes pleins de terreurs qui la font : « …un feu ennemi soudainement déclenché par quelque sentinelle effrayée, hallucinée à son poste et ayant capté un mouvement furtif, un glissement ; s'étant dressée, les yeux écarquillés, le souffle court ; ayant lancé quelque bref avertissement puis, ne recevant pas de réponse, nul mot de passe, ayant tiré en direction de son cauchemar en provoquant aussitôt de la part de ses lignes, par le seul pouvoir de la peur transmise aux camarades, un déluge de balles, d’obus de mortiers…. »
« ces mauvais cahiers dont les couvertures aux couleurs criardes mal posées sur le croquis central, un chevalier sur une monture cabrée je crois, leur texture au toucher, ressemblaient un peu à la peau qu'attrapaient les vieux paysans après leurs années passées sous les caresses vives du vent, du soleil, de la pluie et, plus souvent encore, du gel qui faisait éclater dans les bois certains arbres affaiblis, fendus déjà et par les fissures desquels l'eau s'insinuait peu à peu jusqu'à en atteindre le coeur pour y attendre que des températures bien largement égatives la fassent se figer, gonfler, se gonfler jusqu'à ce qu'elle parvienne, cette eau changée en glace, à opposer sa dureté minérale à celle plus tendre du bois, puis à vaincre cette dernière en la faisant littéralement exploser…. »
Et puis au fil de ces longues phrases, l’histoire que lisent les habitants de la vallée sur ces cahiers et qui les rend incertains, d’une tristesse profonde - et cela parle de la terre, des efforts, et de la filiation, du lien (et de l’interrogation sur sa nature) avec tous ces fils disparus dans la guerre, le face à face des hommes pleins de terreurs qui la font : « …un feu ennemi soudainement déclenché par quelque sentinelle effrayée, hallucinée à son poste et ayant capté un mouvement furtif, un glissement ; s'étant dressée, les yeux écarquillés, le souffle court ; ayant lancé quelque bref avertissement puis, ne recevant pas de réponse, nul mot de passe, ayant tiré en direction de son cauchemar en provoquant aussitôt de la part de ses lignes, par le seul pouvoir de la peur transmise aux camarades, un déluge de balles, d’obus de mortiers…. »
Et puis, après avoir un peu malaxé ma glaise toujours collante et fuyante (et je pense que c’est sans espoir, sans grande envie de m’acharner d’ailleurs) retrouvé des terroirs, et leurs noms, des histoires, l’Histoire, des saveurs, des érudits locaux, de la malice, beaucoup de gourmandise, de Saintonge en bocage ou en Pologne avec « Chez Bonclou » de Bertrand Redonnet http://www.publie.net/tnc/spip.php?article107 (premières pages etc…)
Comme les échanges, autour « d’un petit rosé noueux des coteaux » sur le nom de Damvix, savantes, refusées, etc…. et puis
« un monstre, des légions défaites acculées à l’épouvante, des bagnards et des damnations. D’autres peut-être en prendraient ombrage et liraient là-haut, sur le coton instable des nuages comme de mauvais augures.
Mais la couleur de la vie ici est une aquarelle en vert et bleu humides. Elle a gardé des bords extrêmes de l’océan cette réflexion mystérieuse de la lumière qui tremble sur l’eau et cette nonchalance des paysages secrets façonnés par le lent recul des eaux… »
« la magie des mots passe le flambeau, toujours intact, loin par delà les hommes »…
« Les lire, c’est revenir sur ces pas.. »
Et là aussi une écriture souple, précise, évocatrice.
Publie-net commence à avoir un catalogue impressionnant, où la curiosité peut se donner libre cours, et pour qui craint la lecture sur écran il est toujours possible d’imprimer les textes téléchargés (même si c’est regrettable). Oh, j’y pense : je n’ai pas d’actions, et ne pense pas que quiconque en ait - ce serait plutôt de la part de l’équipe un entêtement, qui semble réussir, pour qu’advienne une autre forme d’édition.
Comme les échanges, autour « d’un petit rosé noueux des coteaux » sur le nom de Damvix, savantes, refusées, etc…. et puis
« un monstre, des légions défaites acculées à l’épouvante, des bagnards et des damnations. D’autres peut-être en prendraient ombrage et liraient là-haut, sur le coton instable des nuages comme de mauvais augures.
Mais la couleur de la vie ici est une aquarelle en vert et bleu humides. Elle a gardé des bords extrêmes de l’océan cette réflexion mystérieuse de la lumière qui tremble sur l’eau et cette nonchalance des paysages secrets façonnés par le lent recul des eaux… »
« la magie des mots passe le flambeau, toujours intact, loin par delà les hommes »…
« Les lire, c’est revenir sur ces pas.. »
Et là aussi une écriture souple, précise, évocatrice.
Publie-net commence à avoir un catalogue impressionnant, où la curiosité peut se donner libre cours, et pour qui craint la lecture sur écran il est toujours possible d’imprimer les textes téléchargés (même si c’est regrettable). Oh, j’y pense : je n’ai pas d’actions, et ne pense pas que quiconque en ait - ce serait plutôt de la part de l’équipe un entêtement, qui semble réussir, pour qu’advienne une autre forme d’édition.
et zut Kagel est mort
5 commentaires:
J'allais dire que la tête s'amuse encore, carrément, mais ce serait plus précis de dire "rondement".
Comme s'il approuvait de ce que tu as pu écrire.
Moi aussi.
ce lourd fardeau de planches il faut bien que d'autres s'en chargent
et que je mette en réserve cette provision de lecture pour épousseter la maison et faire la tarte d'un anniversaire qui me rattrappe..sans me dépasser d'un printemps..
mais pourquoi revenir sur ces pas?
c'est le sien mais oui peu importe.., ce qui importe c'est la tarte!! encore pas faite!!
Tu es plus à l'aise avec le contenu que le contenant...je parle des étagères et des livres à venir s'y poser
salut Brigetoun :-)
je reprends peu à peu mes habitudes, il m'a fallu du temps pour atterrir, entre le voyage et les week ends.
Très jolies phrases de Bernard Redonnet, surtout les deux dernières.
baci
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