Christian Jacomino dit en commentaire qu'en lisant Philippe de Jonkheere, il a parfois presque peur. Pour moi, il ne s'agit pas d'une peur, mais, sur certains billets, d'une crainte irrationnelle de briser cette énonciation de la pensée ou des sensations que l'on dirait en train de s'écrire, alors qu'il me semble qu'elle est très maitrisée, retravaillée, pour arriver à cette évidence, cette simplicité. Qu'il est parfaitement invraisemblable que la lecture puisse avoir la moindre influence sur le texte écrit qui est devant mes yeux. Impression d'une intimité suffisamment transcendée par l'écriture pour être supportable.
Un peu envieuse aussi de cette audace (ne vous trompez pas sur ce mot, vous les éventuels passants, il ne s'agit pas de ce que l'on considère dans notre monde de matérialité intense comme audace), parce que si je n'ornais pas (sans doute trop, trop pour mon goût) avec du soleil, des oliviers ou autres, que par ailleurs j'aime, et qui, quand je les pose sur l'écran à défaut de la feuille, m'attirent vers eux, me font sentir leur chaleur, ou le piquant de l'air qui perce maintenant que l'été nous quitte, ou leur contact et leur odeur, bon si je me passais d'eux, le vide qui règne immensément, totalement, sur ma perception du monde pourrait faire peur, me faire peur.
Et, dans mes allers et venues mercredi matin, essayant de me donner l'ordre de sortir, ce que je n'ai fait que l'après midi, je feuilletais et entre autres deux tous petits livres d'Allia, d'où
une constatation de Pio Rossi qui, pour dater du 17ème siècle, me semble toujours d'actualité (Dictionnaire du mensonge) : Apparence : ...Souvent la mer recouvre de ses vagues tranquilles une orageuse tempête. Sous des montagnes de neige, brûle et flamboie d'Etna. Sous un visage bénin se dissimulent dédain et colère. Et qui aurait jamais pensé que d'épines sortiraient les roses ? ...
Souvent, le fruit le plus rouge, le plus beau, le plus mûr est moins sain que les autres...
Artifice,Art, ... Quand on veut paraître ce que l'on n'est pas, si l'on veut y réussir pleinement, il faut le faire comme en passant.
et chez Musil (de la bêtise), ceci qui date de 1937
On parle beaucoup aujourd'hui d'une crise de confiance de l'humanisme, d'une crise qui menacerait la confiance que l'on a mise en l'homme jusqu'ici ; on pourrait parler aussi d'une sorte de panique sur le point de succéder à l'assurance où nous étions de pouvoir mener notre barque sous le signe de la liberté et de la raison... Mais comment se former une notion, même partielle, de la bêtise quand vacillent celles d'entendement et de sagesse ? A quel point les conceptions changent avec le temps, permettez-moi de vous en donner le petit exemple que voici : dans un manuel de psychiatrie naguère bien connu, à la question : "Qu'est-ce que la justice ?", la réponse suivante : 'C'est que l'autre soit puni !" était citée comme un exemple d'imbécillité notoire...
Mais rien n'est plus bête qu'une gravité hors de propos. Mea culpa (quoique gravité ?). Je vais faire en dînant une cure de Wodehouse.. et la beauté des arbres, le goût d'un poisson (ah non zut, morue), l'extrème bleu de notre ciel hier et peut-être demain... bonjour
12 commentaires:
Bonjour et merci beaucoup de la visite sur mon blog.
je retrouve ici de beaux textes, je laisse mon regard errer sur les photos, et les mots prennent alors une toute autre dimension; à la croisée des arts, l'esprit se renouvelle et découvre une vision insoupçonnée !
A bientôt
YVES
j'imagine une bonne soirée avec Plum, Brig, la morue est passée toute seule je pense !
Bonne journée
Chère Brig,
moi j'aime ce que vous écrivez. Mon manque de culture me fait défaut souvent... Car vous êtes une vraie "bibliothèque". D'ailleurs, j'aime bcp cet extrait de Musil, complétement d'actualité.
Et vos photos magnifiques !
Continuez à aimer les oliviers :)
Bien à vous,
OLIVIER
Votre aisance à écrire me fascine, j'attaque la morue dès demain, cela tombe bien, nons serons vendredi.
rien de nouveau sous le soleil???
et le bien connu: c'est toujours l'autre qui a tort..et doit être puni!
"qui aurait jamais pensé que d'épines sortiraient les roses ? ..." J'aime beaucoup cette phrase surtout dans le contexe...apparences:ne suis je pas apparences?
Je me répète mais j'aime beaucoup tes photos.
Je partage totalement ce que tu dis, au sujet des "ornements" qui dissimuleraient l'aridité de ta vision du monde. A la place des photos, j'utilise un épouvantail, Poivert, ses blagues, son entrain, qui me dissimulent mal, mais décorent, et distraient.
J'ai passé beaucoup de temps hier sur le blog de Philippe de Jonkheere, et j'ai aussi pensé à ce commentaire de Christian Jacomino, mais je n'ai pas ressenti de peur, ni même de crainte.
j'avais le monde entier devant moi: des métropoles, des réseaux, des portes, des fenêtres, des mots, des dessins, des photos
j'ai pensé à Bangkok, au Bangkok futuriste qui est en train de naître et à ses vieux quartiers sillonnés par des canaux, j'ai pensé à Tokyo, j'ai pensé à la multitude humaine.
Fascinant.
merci à tous de votre passage - et bonne journée
Magnifique billet, Brigetoun... Vous dites que vous ne ressentez pas la peur dont je parle, et en même temps vous semblez en désigner le lieu mieux que je ne saurais le faire...
Vous parler de crise de l'humanisme... Je crois que c'est bien de cela qu'il s'agit... Je ne pense pas, par ex., que le Désordre s'adresse à tout le monde, je ne pense pas qu'il s'adresse à moi, par ex., à ce que je peux représenter (à savoir, pour faire vite, un libéral chrétien)... Cela ne m'empêche pas d'éprouver beaucoup d'admiration pour ce travail, mais en même temps de m'en sentir exclu... Je veux dire que le simple phénomène de reconnaissance réciproque n'existe plus dans certains lieux.
Salut salut
et une bonne nuit
A+
http://charles02.skynetblogs.be/
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