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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mardi, septembre 19, 2006

sujet de la semaine de http://coitus.impromptus.free.fr/dotclear/ Les mauvais génie. soit :

Il avait tout son temps maintenant a-t-il pensé dans sa salle de bains. Et il s'est un peu penché, il a fixé son visage dans la miroir. Pour une fois, ce qu'il voyait ne lui déplaisait pas.

Les méplats s'étaient bien un peu empâtés, mais on faisait plus que les deviner ; ses yeux étaient un peu bovins, mais c'était de s'examiner. Et il a murmuré "pourquoi ce type en est-il là ? solitude, l'avenir derrière soi, solitude et un passé assez vide quand j'y pense". Un brin de révolte en pensant aux autres, à leurs projets ou aux projets qu'étaient leurs petits-enfants.


Mais puisque ce qu'il voyait en face de lui semblait si vivant, puisque le petit rideau de lin blanc s'agitait dans un filet de vent jeune, il a redressé son dos, rentré ses joues, essayé un sourire, qui s'est agrandi. Et il est sorti sous sa tonnelle, s'est assis dans une flaque de soleil, qui se faisait doux avec l'arrivée de l'annonce de l'automne, a pris une bille de bois, l'a reconnue, touchée, caressée. Il a sorti un petit croquis fait un jour d'enthousiasme et il a attaqué le bois.

Au bout d'un peu plus d'une heure, un début d'ébauche était apparu, et il est passé au polissage, en gestes mécaniques, d'un plan qu'il jugeait définitif. Son esprit a quitté le bois et l'a ramené à son interrogation du matin. Il a commencé à se réciter le début du Testament de Villon, cherchant à retrouver les vers : "L'an 1456, je, François Villon, écolier, considérant de sens rassis..." ça revenait, mais en désordre, attention fuyante.

Alors il a renoncé et, comme il relevait un moment les yeux, il les a vu là, assis en tailleur devant lui, en chemises et pantalons noirs, sous les feuilles de sa vigne, lui bouchant la vue de son pré, de la pente, de la rangée d'arbres le long du ruisseau. Ils le regardaient, un peu fixement, un peu ironiquement peut-être. Il les a reconnus, mais a tout de même interrogé : "qui êtes vous ?"

Et le premier a dit : "je suis la peur de l'autre" - il a pensé "mais j'aime les hommes !" et l'autre lui a répondu "pris en généralité."
Et le suivant a dit : "je suis la lecture" - "mais c'est ce qu'il y a de plus beau dans ma vie. Comment être humain, penser, sans toi ?" - "je te coupe de la réalité ou je fais écran."
Et le troisième s'est présenté : "je suis ta mauvaise opinion de toi même, je suis une facilité".
Et encore, et encore... et le dernier lui a dit : "je suis ton égotisme, ta complaisance envers toi-même, ton introspection inutile."

Ils se sont levés, et se sont mis à chanter, mélanges de voix graves, belles, ou acides et ils chantaient : "nous sommes tes mauvais génies".

Alors il a ri, a posé son bois et s'est levé en disant : "salut mes amis ! Que voulez-vous manger ?" Posted by Picasa

5 commentaires:

marie.l a dit…

une très belle composition Brig, où ton imaginaire a excellemment traduit ce qui est souvent (et je m'y retrouve aussi !), j'adore l'humour de la conclusion...

Anitta a dit…

Comme quoi, au grand banquet des mauvais génies, il est recommandé d'avoir les yeux plus gros que le ventre ! (et l'humour qui va avec)

Anonyme a dit…

Coriace à déchiffrer ce matin, je crois voir un sculpteur dans ses rèves tout simplement. Je sais je suis terre à terre.

micheline a dit…

le rire chasse les mauvais génies, c'est bien connu et dire qu'il y a des ateliers de thérapie où on s'entraîne à rire!- de rien, - il y a de quoi rire!!

Anonyme a dit…

Je m'y retrouve, moi aussi ! Très beau texte...