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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

samedi, février 10, 2007

Dans la rue, en sortant du couvent où Mère Chantal de la Miséricorde lui donne des cours d'histoire, de géographie, de français, comme elle en donnera aux jeunes-filles de l'institution, c'est décidé, Magalie s'ébroue. Les petites phrases de la vieille femme avec laquelle elle se sentait en confiance refusent de s'effacer. Cette discrète, ô si discrète pression, l'étalage du calme de cette vie, les petites flatteries sur la rapidité avec laquelle s'effacent les manques de son éducation, après l'adolescence libre du village pendant la révolution, l'éloge des bases que lui ont données le curé et sa mère (pouvoir courir encore, monter à cheval, aider les paysans avec la chaleur qui vous fait tourner la tête et les odeurs des fenils) - et puis, cette fois, les confidences au fil des phrases sur la douceur qui, avec l'âge, suit le renoncement, sur les espoirs de la jeunesse et le petit plaisir, à peine coupable, de leur souvenir.
Elle voudrait donner des coups de pieds, et c'est un peu ce qu'elle fait, marchant à trop grands pas pour une "jeune personne", poussant ses jupes devant elle. Sa mère et Angélique-Marie, l'omniprésente, sont-elles intervenues ? Elle revoit Anne-Françoise lui expliquant posément, en triant le linge, que la propriété reviendra à Raoul, et que c'est tout.. que bien sûr si l'institution réussit elle pourra y jouer un rôle, la diriger plus tard peut-être, et puis, en prenant une pomme dans le confiturier et la lui offrant, elle avait évoqué, avec une inquiétude faussement dissimulée, la place de sa fille dans le ménage de son frère et de la femme qu'il épousera fatalement.
Elle repense à Cécile lui parlant, visage illuminé, yeux flottants, attentive uniquement à ce qui se passe en elle, de son futur filleul : "je sais que tu l'aimera comme ton enfant"
première photo vagabonde

Et si elle laisse ses jambes réagir à son désarroi, elle ne peut en

faire autant de ce qui serre sa gorge, qu'il serait trop facile, mais absolument indécent, de laisser sortir en larmes. Elle fixe les pierres, les porches des hôtels devant lesquels elle file. Elle ne sait plus - elle sait que ses rêves après la promenade avec René pendant les vacances sont un enfantillage, qu'il n'y faut plus penser, que d'ailleurs c'est un "amour de tête" comme le dirait Mère Chantal. Mais elle ne sait pas - elle sait qu'elle ne veut pas être religieuse, que la religion est un joli cadre de pensée, une tradition familiale, mais qu'elle ne se sent absolument pas concernée. La gorge nouée, elle a l'impression que les rues autour d'elles sont flottantes, irréelles. Elle se répète au rythme de ses enjambées "ne me concerne pas, ne me concerne pas" et elle sait bien ce qui la concerne : elle veut aimer, elle veut un enfant.

photo n° 2 tout aussi evadée

C'est si évident - elle s'arrête, et le calme revient à elle - avec lui la gentillesse attentive d'Aurélie, sa façon de l'englober dans des petits projets - et puis elle pense à la dernière lettre de son frère. Elle regarde un arbre dont les feuilles jouent dans la lumière, par dessus les murs d'un jardin. Elle tapote sa robe et repart, ayant retrouvé son habituel pas glissé, léger et doux, un peu dansé, flottant sur les galets sales.

ailes de raie en partance

Les ailes de raie, là, n'ont rien à voir avec elle - mais je les regardais vendredi matin, pendant qu'on grattait mes poissons, et elles m'ont plu.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

...Elle peut ou pourra ainsi fêter la saint-Valentin....bonne journée Brigitte.

marie.l a dit…

"ce qui serre sa gorge, qu'il serait trop facile, mais absolument indécent, de laisser sortir en larmes." belle phrase Brig, qui me sied ! mais tout comme le reste du texte, je suis contente de lire cette suite,

J'imagine que la photo disparue était des ailes de raies ? ;)))

Muse a dit…

ce désir d'enfant, savoir aussi ce qu'elle veut, ce qui la concerne...voilà marques de volonté

Anonyme a dit…

La première photo apparue en arrivant chez toi a été les ailes de raie ! j'ai eu peur et me suis demandé quelle chirurgie tu allais nous montrer. Mais non maintenant que je sais de quoi il s'agit je peux dire qu'elles sont belles. Quand on a le reflexe photo... on arrive à capter des détails inouïs... Bravo. Bon week end.

Anonyme a dit…

Merci, Brigetoun, de nous livrer ces récits toujours si beaux et bien construits.

Quel dommage que... (oui, je sais, d'aucuns vont me dire que je radote, mais bon...) que ces récits ne soient pas publiés dans un bel ouvrage broché...

Anonyme a dit…

Très joli texte que j'ai lu et relu plusieurs avant de poser ces mots.

A la dernière lecture je me suis rendu compte que ces raies ne sont pas à toi ! Elles ne t'intéressent pas à cause des arêtes ?

Anonyme a dit…

Plongée tout d'un coup dans un autre univers : ton texte... Si loin de ce qui m'occupe ces jours, que c'est une vraie délivrance. Ton texte appelle mon imagination et je vois qu'elle fonctionne encore alors je suis ravie !
Biz