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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mardi, février 20, 2007

jardin d'hiver c'était le sujet cette semaine des impromptus littéraires - je sais, ce n'est pas une excuse mais c'est vraiment très impromptu - http://impromptus.fr/dotclear

Tant et tant d'années qu'elle n'était pas venue, pense Marie en regardant le salon du Grand-hôtel, et les invités de ses cousins, circulant assiettes ou verres en main, tapisserie peut-être un peu plus colorée, plus diverse que les assemblées que sa mémoire lui impose, détournant son attention de la conversation dans laquelle l'ont gentiment entraînée sa petite-fille et le beau garçon qui l'escorte. "Ferme, gentil, courtois, elle semble avoir bien choisi", ce petit jugement flotte en elle, pendant qu'elle regarde, au delà des portes fenêtres ouvertes sur ce que l'on appelle maintenant la véranda, les palmes et ramures des plantes qui justifient toujours le nom de jardin d'hiver qu'elle lui donne.
Elle était si jeune, consciente de la souplesse de sa taille dans la merveilleuse robe que lui avait offerte sa marraine, la longue coulure de satin gris perle, en biais comme une robe de Vionet. En se penchant vers son cavalier, juste à côté des premiers palmiers, à l'orée de la zone qui échappait à l'attention des mères, pour qu'il allume sa première cigarette, fichée dans le tube d'ébène et nacre qu'elle avait manié tout l'après-midi pour répéter ses gestes, elle avait conscience d'un regard sur le terrifiant décolleté de son dos - son père avait désapprouvé.
Elle se redresse brusquement, prend sa canne, et entre deux phrases : "Dieu que j'ai envie d'une cigarette !" - et le garçon se précipite pour ramener leurs manteaux, avant qu'ils sortent sur la pelouse gelée. Elle prend dans sa poche une gauloise et, dans le froid dépouillé du jardin en hiver, regarde avec un rien de nostalgie, à travers les vitres, la végétation exubérante du jardin d'hiver.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Un texte qui chante comme un jardin d'hiver de Salvador.

Anonyme a dit…

J'aime ton "jardin d'hiver" ! sauf la cigarette... :)
Bises,
OLIVIER

Anonyme a dit…

la robe doit être superbe, avec un profond décolleté dans le dos...je l'imagine très bien, style "années folles"

Anonyme a dit…

Toujours tes mots si délicieux, encore une bouffée, please (à l'époque fumer ne tuait pas encore !)

Anonyme a dit…

Belle écriture, comme toujours. Je te sens dans ce texte rêveuse et mélancolique ?

Anonyme a dit…

Dressée sur le divan, les yeux ouverts, elle regardait le monde visible au lieu du monde vrai. L'espace musical du jardin d'hiver se déployait autour d'elle.

Elle reconnaissait dans le dessin des feuillages enroulés et dans l'arrangement des meubles l'imitation d'un murmure entendu en reve, due cette fois aux deux adolescents cachés derriere la variété des ombres et des meubles :ils voulaient échapper au regard de Maia.

Une phrase grondait au coeur du jardin d'hiver comme un son sale, chargée de la variété de l'imitation qui rappelait successivement des terminaisons en fin de souffle.

(in "Le jardin d'hiver", de Jean Daive P.O.L)

Anonyme a dit…

Ce jardin d'hiver est très beau.

Audrey H. a dit…

J'ai lu 3 textes des Impromptus sur ce thème: le tien est mon préféré! :)

Le décolleté: mais quelle idée aussi de participer à une soirée chez et avec ses parents?! Un mélange des genres auquel je ne me risquerai pas. Comment pourrait-on s'amuser en étant constamment surveillé?

J'imagine tout à fait ton texte dans un roman du 19ème ou du début 20ème. Merci de m'avoir fait rêver. :)