Devant la porte d’Anne-Françoise de Cayranne, Florian de Valérian-Gaillon a pris un temps d’arrêt, pour s’assurer de son calme, avoir la dignité que méritait le rôle dont il se sentait investi. Il a salué avec urbanité la servante et, à sa cousine qui, sans attendre, venait l’accueillir, avec un empressement digne d’une bourgeoise :
« Anne-Françoise, vous vous faites rare, et comme je passais, je me suis permis.. »
Elle a un petit mouvement à peine perceptible d’agacement, qu’elle transforme en un grand sourire et une parfaite brutalité
« de venir me dire ce que vous jugiez bon. - Manon, nous prendrons du thé » et, tournée vers lui « Cela vous convient-il ? », avant de le guider vers le salon de derrière.
En la suivant, il remarque, avec déjà, et il s’en veut, une trace de désapprobation : « vous avez adopté cette mode, ma chère cousine ? »
« René, le fils de mon amie Aurélie Icart, m’en fait parvenir de l’excellent ».
En s’installant dans un fauteuil, en face d’elle, devant la porte fenêtre ouverte sur la tiédeur du jardin, il s’étonne :
« Mathilde n’est pas là ? »
« Je l’ai envoyée au Rocaillon pour quelques jours, préparer avec le Titin les travaux que Raoul envisage. Comment va votre femme ? »
« Elle est chez mon frère Bertrand, à Marseille, avec nos deux filles. Ma chère, puisque vous semblez avoir opté pour une certaine franchise, je vous dirais qu’elle m’a écrit, et que je déplore vivement ce qu’elle me rapporte. Je ne comprends pas la faiblesse de Bertrand. »
« C'est-à-dire ? »
« C'est-à-dire qu’en tant que représentant, pour Avignon, de nos familles, j’estime qu’il ne saurait être question du mariage dont il semble que certains ont jugé bon de laisser courir le bruit. Voyons, ma chère, vous réalisez bien sûr, qu’en souvenir de Guillaume vous ne pouvez contribuer ainsi à notre avilissement et… »
« Oh, Florian, laissez-moi être juge de ce que je dois à Guillaume et à mes enfants ! »
Et puis doucement, les yeux fixés dans le vide, un peu à côté du visage du digne grimaud, comme elle le baptise en elle-même pour le désarmer, les mains bien à plat, sans raideur, sur la soie de sa jupe : « J’avais des craintes, je vous l’avoue, quand j’ai cru constater une inclination de Mathilde pour René Icart. Non pour la raison que vous semblez suggérer, mais parce que je n’ai absolument rien à lui donner, comme vous devriez le savoir. »
Et le regardant en face « Voudriez-vous d’elle pour votre fils ?... La seule obligation que je me sens est envers elle. Parlons d’autre chose, voulez-vous ? Irez-vous à Marseille pour le bal de votre belle-sœur ? »
Quand il juge que sa visite a eu une durée convenable et qu’il y met fin, battant en retraite avec un sourire crispé, et le bruit de ses talons qui prennent possession du sol à chaque pas, elle reste debout, raidie, face au jardin, et puis, appuie son visage dans les rideaux.
pour s'y retrouver si le coeur vous en dit - personnages et liste des fragments sur roman de gare
10 commentaires:
Je me sens tout petit devant ta porte géante. Et fragile près de ces pierres qui ont vaincu l'enduit.
Que de choses avant nous, qui resteront après...
L'homme trotte de trottoir en trottoir, regarde et flane... et puis s'en va.
Bon choix et bon week-end
tout est dans le non dit...je parle de la dernière interrogation, bien sûr.Manière de poser d'autres questions qui de toutes façons restent aussi sans réponses...Tu crois que je trouverais ça à St Charles?j'y cours de suite.
Bon dimanche Brig
je ne sais si tu es outré mais moi je le suis par toi. Et je regrette de ne savoir comment suppromer ton commentaire
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J'espère que malgré cette contrariété tu passeras quand même un doux dimanche. Amitiés.
merci Lancelot, mais je ne comprends rien à cette histoire d'icone (je n'arrive pas à l'avoir en même temps que le commentaire). Bon j'ai exprimé ma désaprobation, plus véhémentement chez lui - on passe
Pour une fois qu'un commentaire est un peu plus sincère que d'habitude, ce serait dommage de le supprimmer, non?
Monsieur l'anonyme courageux, sincère peut-être mais je me fous de sz sincérité et il n'avait rien à faire là. Je crois que je vais modérer
Veuillez m'excuser, d'avoir essayé de participer Je viens de me rendre compte que votre blog est un blog de vieux profs. Ça explique le ranci.
Bonne continuation
A.
tout juste mon enfant
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