Un 13 juillet qui commençait bien et n’avait comme défaut que de me faire entrer quasi officiellement dans les rangs de ces petits vieux qui retardent et pèsent, avec mes 65 ans. Des appels d’une bonne partie de la famille, ce qui à ma grande honte m’a fait le cœur content. (puisqu’ils ne me doivent rien et que je ne me reconnais pas le droit d’une attente indiscrète).
Dans les jardins de la rue de Mons, à la lisère de l’ombre et d’une lumière qui en milieu de journée bouffait tout, une lecture par une jeune femme drue, détaillant les syllabes du texte, ne le jouant pas mais le donnant dans toute sa force d’ »épilogue pour une tottoire » (prostituée au corps martyrisé sur son bout de trottoir, après une rencontre avec un homme recherchant un sexe qui ne soit ni mâle ni femelle, et qui ne peut et ne veut payer) d’Alain-Kamal Martial, écrivain de Mayotte. Un beau texte, avançant par répétitions, refrains dévoyés et plongeant dans la douleur et la fierté.
« ma respiration n’est pas coupée
ma bouche n’est pas ouverte
je ne manque pas d’air
je ne manque pas de mots
non, non, non
je ne veux pas croire que ma chair est la chair à achever, non, non, non, je ne veux pas le croire
je ne veux pas croire…
…..
qui ne me voit pas ne me tue pas,
qui ferme les yeux sur mon corps ne m’annihile pas… »
les cigales, l’attention du petit public, un peu un petit creuset de plaisir partagé, et juste un peu grave.
En fin d’après midi départ en trombe parce qu’un peu en retard vers le Gymnase Saint Joseph, et cela s’est gâté – marche rapide et joyeuse - corps manifestant sa mauvaise humeur par une poussée d’agoraphobie en tournant dans la rue des Teinturiers. Je lui ai intimé l’ordre de se taire et longtemps attendu dans le jardin. Des photos, n’importe comment, pour le faire patienter dans la queue.
Et alors que je le persuadais qu’il était très heureux d’être assis, ce qu’il niait, après une nouvelle attente longuette, j’ai découvert que « incredibly incroyable » de Bertrand Bossard était, à quatre mots près, entièrement en anglais sans que ce soit signalé sur le programme et sans, bien entendu, cela ne se fait plus nulle part, qu’aucun sous titrage ne soit envisagé (je me demande pendant combien de temps encore nous aurons droit à ce que les textes français ne le soient pas). Pendant une quinzaine de minutes je me suis gendarmée contre moi quand je comprenais (assez souvent tout de même), j’ai essayé d’évaluer combien de personnes dans la salle (80% de français environ d’après une estimation au pif au début) ne comprenaient rien, n’osaient rien dire et riaient avec un léger retard sur le petit groupe d’anglais ou d’américains ou lorsque les mimiques à vrai dire assez remarquablement comiques de Bossard les y invitaient. Cela m’a tout de même paru un passe temps d’une inutilité confinant à l’ennui et je suis sortie délivrant ainsi plusieurs personnes.
Fait danser ma jupe et mon sourire qui s’est décrispé peu à peu, en rentrant à travers l’animation bonhomme des rues. Je suis ravie et gourmande de voir du théâtre du monde entier, je suis rebutée et je refuse les spectacles anglais maintenant qu’il nous est imposé de les comprendre.
Retour aux jardins de Mons pour leur version nocturne à 11 heures pour « Attitude Clando » de Dieudonné Niangouna (Brazzaville). Le programme disait « errance d’un homme… mais ce n’est pas un archétype qui énonce l’horreur de la clandestinité permanente… c’est un homme libre qui parle, qui pense, qui réagit. Un individu marqué par son passé…. langue originale, inventive, subversive, chaotique…. » et c’était vrai. Dans la nuit du jardin un cercle de braise et une voix, puis peu à peu la silhouette devinée de cette voix, immobile, visage dressé. Les mots qui coulent sans interruption « j’ai même réussi à ne pas avoir de signature et à oublier mon nom ».
Peu à peu la langue, avec de petites gangues, se complexifie juste ce qu’il faut pour que notre attention reste tendue comme le visage. Un homme face aux gens réglos et au médecin et à l’hôpital, avec des murs blancs et des fils de fer barbelés noirs, avec ses rêves, un pote, la mort et son pays qui n’est plus un pays et qui était un pimentier.
10 commentaires:
Légèrement en retard, tous mes voeux de Bon Anniversaire, je te suis de près (pas tout à fait 3 ans d'écart..) Bonne journée dans les rues Avignonnaises.
Avec encore un peu plus de retard, je vous souhaite aussi un très bon anniversaire, Brigetoun : je ne vous connais que par ce que vous écrivez ici, mais j'y lis que votre regard est plein de jeunesse et je ne crois pas que vous fassiez encore partie de ces "petits vieux qui retardent et pèsent" comme vous l'écrivez.
Bon anniversaire ! En retard également... Je saurai maintenant que c'est le lendemain de ma fête. Comme toi, j'ai eu quelques appels de ma famille, et je n'ai pas eu honte ni de les recevoir ni de les attendre. On les mérite !!
Je manque toujours un peu de temps pour venir ici régulièrement: ton blog est riche de style, il fait bon s'y plonger de longues minutes.
Merci pour ces promenades dans le festival. Moi qui suis ignare dans ce domaine, c'est merveilleux de le vivre ainsi, empreint de toutes tes émotions. Mieux que le festival d'Avignon, c'est le festival de Brigetoun.
Je ne saurais donner un âge à ton regard, moi. Mais je le trouve attentif, sensible et beau. Rien de pesant ni d'inutile dans cette carcasse !
Oliv'
Primo, bon anniversaire même avec retard. Comme dit François Weyergans dans "Trois jours chez ma mère" "La semaine prochaine j'aurai cinquante-deux ans. Comme je ne m'attends pas à avoir vingt-trois, ce ne sera pas une surprise". Par contre d'être en vie peut-être un bonheur si on sait en profiter. Tu as l'air de savoir rechercher les plaisirs fins, ce qui est délectable et te réjouis donc joyeuses fêtes en Avignon !
Puis merci pour l'auteur Alain-Kamal Martial inconnu jusqu'à maintenant, j'ai fait une recherche et l'ai trouvé à maints endroits. Je vais exploiter ces pistes.
A bientôt
Je ne me considère pas en retard, j'arrive seulement, mon souhait est aussi fort, anniversaire ou pas, pour toi si sensible et aimable, je me permets de t'embrasser à cette occasion.
soyez tous remerciés de tout coeur
j'ai fait le mien le 6 juillet et j'arrive très en retard; il faut dire que depuis mon retour de Marvejols je n'ai pas touché terre
J'arrive de loin et en passant découvre le jour de tes 65 printemps veille du défilé, du bleu blanc rouge, et de la marseillaise. Cette fois j'ai tout raté !
Mais quand même, bon anniversaire à toi Brigetoun avec toutes mes sincères amitiés !
Ne change rien
Rooh, à force de débloguer impromptUU, je rate ton anniversaire.
La grande bizz à la joue, chère Brig.
Et (re)pose toi bien cet été.
Super ton texte pour Paroles plurielles Brig...
J'aime beaucoup l'atmosphère. Je n'ai pas pu commenter à l'endroit approprié, toutefois... Je crois que tu as bloqué tes commentaires sur les derniers textes...
Bonne journée!
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