commentaires

désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mardi, juin 17, 2008

Longuissime puisque paresseusement pillard.
Trois photos sans lien avec mes plaisirs de lecture de dimanche soir, poursuivis lundi. Une petite austérité apparente peut être, et, plus simplement, les traces d’une expédition, lundi matin, dans la courte limite de mon quartier envahi par une morne grisaille, puisque, pour céder à ma fénéantise, je consens à me rendre compte qu’il est tout à fait possible de se nourrir sans dépasser le bas de la rue Saint Agricol.
Je suis extraordinairement brouillonne dans mes lectures actuellement, avec une tendance à m’arrêter lorsque quelque chose me plait et m’intéresse, à laisser en garde pour aller voir plus loin, quitte à devoir reprendre au départ ce qui a été le cas avec « au trosième étage » de Stéphane Rongier (75 pages seulement pourtant et qui, graves et belles, coulent malgré le thème : survie, construction précaire d’une enfance abimée - publie-net http://www.publie.net/ 5,50 euros) que j’ai repris d’un trait - une écriture qui évite les poncifs qui semblent devoir fatalement résulter de ce sujet. - au hasard cela, à propos de la jeune femme dont le corps contient cette enfant: »un matin, elle est partie pour dire enfin ce monde béant qui dévore les vies. Et cela fait plusieurs vies qu‘elle attend, attend et attend encore. Et l‘attente fait oublier qu‘on attend, fait couler le silence un peu plus loin..
Elle n‘était ni différence ni même, ni différente, ni identique. Juste un individu perdu dans son gouffre, son silence. Juste une nuit de terre obscure. Une époque en elle avait commis sur elle ces monstruosités dont les contes, certains contes, nous parlent, juste avant les forêts…. »

Et reprenant, toujours chez Publie-net - et lui aussi abandonné depuis longtemps malgré le plaisir de la lecture, même sans se référer tout de suite aux textes qui .en sont l’objet, évocation que, dans mon inculture, je goute presque comme une rêverie autour du livre pourtant étudié avec pertinence - « littérature, politique » d’Olivier Rollin, j’ouvre le 3ème texte et tombe sur « les Géorgiques » de Claude Simon, que j’ai repris par petites plongées ces jours-ci.
Et j’aime que parlant de « la mine de plomb » de Claude Simon il évoque en passant la critique par Elie-Faure de la « bataille de Pharsale de Durer » , où tout est sur le même plan, et par delà la défense de Durer par Lucien Dällenbach (que j’avoue humblement ne jamais avoir lu), la phrase de Whitman « je crois qu’une feuille d’herbe ne vaut pas moins que le travail errant des étoiles ».
Revenant aux Géorgiques chez Rollin
« La « mine de plomb » de Claude Simon embrasse, dans un seul mouvement, à la fois très simple et très réticulé, l’espace et ce qui le remplit, elle joue vertigineusement du panoramique et du zoom, elle montre sa forêt, sa masse, sa rumeur et la fine articulation de la feuille sur sa tige, l’armée en déroute et le poil luisant de sueur sur la croupe d’un cheval, elle va sans cesse du cosmos à la chose même, et c’est ce battement en elle qui lui confère, je crois, cette puissance un peu grisante qui impose au lecteur sa loi. Elle a quelque chose de l’aleph borgésien : «L’espace cosmique était là, sans diminution de volume » »
Et il y a la suite : la phrase de Simon comparée « à la progression d’une marée montante …. cela.. immense et délicat, irrésistible et pointilleux,…..
Et cette phrase pour ainsi dire fractale est capable de dire… la succession, la trajectoire que le temps creuse dans le
donné… »
Et, bien sur, j’ai été renvoyée aux Géorgiques et y suis restée un long temps, dépassant les pages évoquées par Rollin dans ces lignes, et le général desséché sur ses alezanes, et les colonels ronds-de-cuir, pour suivre l’immense phrase qui va, en 21 pages, de la presque ruine, la ferme château, l’homme-baboin et la vieille femme « quelque chose capable de se consumer et de s’éteindre en quelques secondes », avec les inclusions des lettres du général donnant, à partir de ses garnisons au gré des guerres napoléoniennes, des ordres précis pour l’entretien de son domaine suivant les saisons, jusqu’à l’autre vieille femme molle et grasse errant dans la trop grande maison avec « la vingtaine de pièces, les deux salons, la terrasse, la véranda où le dernier portrait mâle du nom (le nom qui avait fait basculer le scrutin fatal, fait ensuite à cheval le tour de l’Europe et dont les initiales ne figuraient plus maintenant qu’imprimées au fer rouge sur les échelles à abricots ou peint au pochoir sur des bidons de vendanges et des barriques de vin) s’était laissé photographier, posant assis de biais sur une chaise, maigre…..l’air sévère, hautain et compassé d’un propriétaire d’esclaves, d’un pasteur baptiste ou d’un ataman des Cosaques, entouré de ses petits enfants et de ses filles, parmi lesquelles on pouvait reconnaître, à peine plus jeune, comme si elle avait toujours été vieille, comme éplorée déjà… la vieille dame destinée à errer sans fin.. dans les corridors perpétuellement humides… »
Et à travers les époques et les situations des scènes précises et proches, des retours toujours différents, avec ce que j’ai malheureusement supprimé pour garder en quelques lignes le squelette de la phrase, les plis des tissus, les odeurs, la lumière etc…

10 commentaires:

Rosie a dit…

Que de riches lectures, ma belle amie.

Et bomment va la crève et la température par chez-vous?

Ici, pluie intermitentes, soleil et pluie, et soleil, tout cela dans la même journée, mais frisquet. Pas jojo, l'été nous file entre les doigts et nous n'en profiterons même pas.

Bon mardi et bisous

Muse a dit…

Un temps à passer chez toi à y lire depuis jeudi que tu ne chômes pas; tes activités toujours aussi nombreuses de lectures et d'écriture m'enrichissent au fil de tes billets; je me laisserais sans doute tenter par les Géorgiques, ceci étant dû à ma passion dévorante de l'époque napoléonnienne...Belle journée Brig.

Brigetoun a dit…

lire les Géorgiques (celles là aussi) oui - mais la seconde guerre mondiale, comme dans la route des Flandres etc... tient quand même la plus grande place, mais mélée, avec des résonances, etc

Anonyme a dit…

On peut (on doit) vagabonder dans les rues comme dans les livres et inversement.
Cela va mieux puisque tu as repris l'une et l'autre errance.
Bonne journée

micheline a dit…

en toute confusion et honte de ne pouvoir terminer 3 ou 4 bouquins que je lis en parallèle sans arriver à donner à voir la subsrantifique moelle!!! je me berce des mots de tes lectures.. sans plus de paix..
"Sois sage, ô ma Douleur et tiens-toi plus tranquille
tu réclamais le soir, il decend , le voici
................................
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche"
( Baudelaire)

Anonyme a dit…

lire - comme avancer (aussi) dans les sables mouvants

joye a dit…

J'emprunte à Sam Levinson la citation qu'« on ne peut pas vivre assez longtemps pour faire toutes les erreurs nous-mêmes, il faut apprendre de celles des autres » et la modifiant pour parler des lectures.

Merci de me faire profiter des tiennes, très érudites.

OLIVIER a dit…

Claude Simon, le catalan, prix Nobel, pas encore lu...
Qd je vois tout ce que tu lis, je suis stupéfait et admiratif ! il faut que je m'y remette...
Tu restes ma référence pour les lectures.
A plus,
OLIVIER

DUSZKA a dit…

Pas très en forme depuis quelque temps, flemmarde, j'admire ta vitalité delectrise. Le soliel semble voulir revenir ce soir, ça fait du bien au moral et au potager devenu cloaque... mais, bon, fèves, petits pois et haricots verts sont de la fête de la musique ! La douleur physique est parfois empêchante, d'autant plus qu'on tourne en rond à la recherche d'une cause (radios, échographie, analyses de sang... rien... ). Je suis bien contente de revenir ici, dans cette bibliothèque universelle de haut niveau. merci !

Anonyme a dit…

Longuissime, peut-être, mais totalement jouissif... Tes billets font vraiment du bien.