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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, janvier 19, 2009

Pour entrer dans le jour, dimanche matin, un ménage fait presque brutalement, comme une toute petite épreuve sportive, et, l’âme en paix, je regarde les vidéos de l'atelier "écrire la ville", abrité par la BNF http://classes.bnf.fr/ecrirelaville/rencontres/bon.htm avec le petit regret récurent que ces ateliers n'aient pas existé quand j'étais lycéenne (même si mon lycée était un couvent), ou lors de mon bref séjour à l'École spéciale d'Architecture, ce temps où il était tellement évident que nous baignions, socialement; dans un monde cultivé, tellement évident que, comme chez une bonne partie de l'"élite" actuelle, il était totalement superflu de se soucier de la lecture ou de l'écriture.
Un gros déjeuner (baisse de poids) qui m'ancre dans mon à-quoi-bonnisme et me jette dans une sieste de boa dont j'émerge pour constater que j'ai oublié le concert au profit des Restaurants du coeur, dans cette ville qui, pour moi, devient un peu virtuelle.

Et je m'installe devant le premier des ateliers "cinq fenêtres sur la ville", http://classes.bnf.fr/ecrirelaville/propos/01_1.htm , dégustant ce que dit Raymond Bozier, les échantillons de textes, tentant de lire avec attention les consignes, rêvassant, constatant une fois encore mon incapacité, mon recul lâche devant tout sérieux, tout risque de gravité - et puis, pendant que la nuit tombe, me lance avec une rapidité désinvolte qui mine de l'intérieur l'exercice.
Avec la fenêtre de ma chambre, dont je ne regarde le plus souvent que le volet intérieur, son bois joliment veiné, sans excès, un peu rustique, sans plus, pas vraiment noble mais très loin des menuiseries préfabriquées de bois bêtement blond - et quand je me mets face à elle ce que je vois c’est le mur mitoyen avec toutes ses petites irrégularités, qui m’est cher, et entre deux pans de mur de maisons en perspective biaise, l’ouverture libre là où les cours se succèdent, et le ciel gris ou bleu, son intensité variable - et en ce moment le mur reste mort, avec juste une petite idée, comme un reflet de ce qui pourrait être, de la lumière qui peut envahir le ciel certains jours. Mais je sais qu’au fil du temps, de l’arrivée du printemps puis de l’été, une frange dorée, puis une bande, va s’y poser, jusqu’à descendre et occuper une partie du sol, et je n’ose pas encore guetter sa venue.
Et les pierres du mur, les petites plantes qui le colonisent, le ciel au dessus me disent la ville qui est autour de moi, avec les mêmes pierres, les mêmes petits rappels de la campagne, le même ciel, et parfois le même vent qui, ces jours là; gronde à l’extérieur et s’infiltre sous la vieille menuiserie.

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Et pour la seconde fenêtre, ou les, celles du passé, je réalise que ce furent toujours des fenêtres donnant sur des cours depuis la petite cour s’ouvrant, par dessus des petits bâtiments bas, sur des toits et l’arrière de l’Hôtel Lamoignon pour mon premier studio, le début de mon indépendance, rue de Sévigné, et puis trop longuement ce que j’ai laissé devenir un taudis, entre deux cours étroites avec, du côté de la cuisine, en vis à vis, quelques fenêtres vivantes ouvrant sur d’autres cuisines et nous échangions des sourires.
Et - me voilà lancée - pour le passé familial, la porte fenêtre du salon du dernier appartement toulonnais, les sommets des pins et l'ouverture de la rade vers le large, avec la chute dans la mer de la presqu'île de Saint-Mandrier en face, la fenêtre de notre chambre A et moi ouvrant sur ce qui était alors un terrain vague avec un petit blockhaus où les garçons avaient trouvé une grenade, et les lentisques et les fleurs d'ail.
Comme j'avais mal lu j'ai cherché et mal reproduit, comme il sied à des souvenirs finalement, des photos de fenêtres de vacances, et - tant pis - je m'en sers, la petite rue à Sienne et les mobylettes qui tournaient autour du centre, et changeaient de vitesse à mon niveau, la nuit - un souvenir de canal dans les arbres dans ce petit hôtel aux charmants patrons à Bruges - la netteté de la cathédrale de Narbonne et ses splendides arc-boutants que, justement on ne voit pas - le calme opulent vers les jardins de la Villa Médicis entre les rideaux opulents de ma chambre pour mes dernières vacances.
les fenêtres du travail : celles oubliées de l’enfance - les fenêtres des 3ème et 4ème à Saint Do, mes yeux suivent les rainures qui animent la masse du Faron - celles de l’ânerie transformée en première ouvrant sur notre petite cour sous la chambre de Mère Marie-Françoise et les buissons isolant l’entrée principale - celles de la classe de philo à Molière sans intérêt et si loin de ma place - celles de mes premiers boulots dont je n’ai aucun souvenir - le maréchal d’empire que je regardais avec désespoir par dessus la rue Rivoli - et puis les fenêtres de la Caisse, celle, pendant deux ans, donnant sur la place Louvois, les belles formes amples des statues de la fontaine, la vie du square et les sorties de l’école communale et la rue de Richelieu, et celle de mon repaire, sur une cour encore, mais bellement carrée et les sociétés qui se succédaient derrière les fenêtres en face de moi, amenant de temps en temps des visages ou silhouettes aimables.
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les fenêtres en mouvement : les trains d’autrefois qui prenaient le temps d’ouvrir le paysage comme un éventail, et le métro où l’on contemple, quand on est assez proches, son reflet pour s’abstraire, sauf le métro aérien avec la portion près de La Motte Piquet où les yeux des voyageurs pénètrent par les fenêtres dans les appartements.
les fenêtres qui s’ouvrent sur le monde, les virtuelles dans les livres qui ont été longtemps les seules pour moi, prenant la place des réelles - celle, évidente, de la télévision qui ne me concerne que depuis peu par l’intermédiaire de vidéos sur internet - l’univers de la toile, mes virées peu à peu moins assidues, mais chaque fois, tôt ou tard, je me trouve captivée, prisonnière. Une différence avec les fenêtres réelles : choix, réactions au lieu de la contemplation tranquille, et du regard qui se retourne vers l’intérieur.
Et longuissime je fus -

10 commentaires:

micheline a dit…

Incroyable ce longuissime...
Donnez-nous, donnez nous des fénêtres
Des fenêtres pour y faire de longs rêves..
"I have a dream"

tanette a dit…

Agréable à lire ton périple à travers tes fenêtres. Belle photo de celle qui nous laisse t'apercevoir dans ton intérieur.

Anonyme a dit…

Un voyage autour de tes cours ...
et tes fenêtres ... Matisse peignait souvent de ses fenêtres, cadre dans le cadre ... et tu as remarqué cette végétation murale qui spontanément s'installe comme sur les rochers, fait sa niche et fleurit, éclairant le mur, l'habillant d'un frais babil.
Une belle note. Merci à la BNF et à ta plume qui volète si agréablement, Brige, ce matin de grisaille et de pluie.

Anonyme a dit…

Toutes les fenêtres tiennent du virtuel, où l'extérieur s'engouffre, en curieux, vers nos intimités.
Qui es-tu, toi, que je visite? que je surprend, que je scrute.
Par la fenêtre de tes yeux, le seul lieu du corps permettant d'atteindre l'âme.

Brigetoun a dit…

et grand honneur tu me fais - bon il faut que je charrie un boutis plein d'idées d'indépendance jusqu'au teinturier

Muse a dit…

et c'est à la fenêtre de tes mots que je reprends pied dans un virtuel qui n'en est plus vraiment un.
peut être nous montreras tu un jour ce boutis plein d'idées d'indépendance...
douce journée Brig!

Anonyme a dit…

Les fenêtres je crois m'ont toujours fait rêver ... en ouvrant quelques fenêtres virtuelles de plus tu pourras venir faire une ballade contemplative et intérieure dans l'album que nous consacrons aux fenêtres vu par les peintres ...
Belle journée à toi !

Anonyme a dit…

Plus terre à terre, rien de vaut la fenêtre vers l'extérieur, le réel cette du virtuel qui parait grandiose est recroquevillée.

Anonyme a dit…

L'effet naître.

Anne a dit…

Evidemment, particulièrement attentive lors de la lecture de ce billet-là... Merci Brigitte, pour la balade.