mercredi matin dans un monde de denrées, à regarder ou à cuisiner, à la brouillonne, sans règles, à la Brigetoun
J'ai été arrêtée par une fenêtre calcinée, ou presque, et sur mon chemin j'en ai photographié d'autres, comme des échantillons en leur diversité,
jusqu'à celle-ci devant laquelle je me demande toujours ce qui arrive aux architectes des Monuments Historiques.
J'ai reçu les deux tomes regroupant, chez Folio, les petits traités de Pascal Quignard, parce que l'envie, le besoin d'en relire quelques uns, de découvrir la plupart, m'est venue en commençant la lecture (que je vais certainement fractionner et non lire en longue immersion comme recommandé, mais le premier chapitre me promet intérêt et plaisir) des 300 pages de « Le Revenant (sur Pascal Quignard) » de Benoît Vincent http://www.publie.net/tnc/spip.php?article257
Alors que j'ai lu d'une traite, il y a quelques jours, "Le silence des chiens" de Jacques Ancet http://www.publie.net/tnc/spip.php?article259 (présentation, premières pages, téléchargement éventuel), emportée, saisie, comme par une lame, dans le mouvement incessant de la vie, la nature, la saisie sensuelle du monde, le calme ordinaire contaminé par l'inquiétude et la charnelle douleur des tortures, celui qui écrit et celle qui souffre, le glissement des plans, les sons, tout cela qui court, se modifiant peu à peu, au fil de la longue phrase de 161 pages (et je freinais parfois, avec des petits retours).
«trains étirés aux lisières de l'ouïe, rumeur blanche au-delà encore, crépitement muet, chuchotement, pluie ou neige qui tombe, paisible, inexorable, et là, tu crois atteindre un seuil infranchissable où ne vibrerait plus que le pur silence, sa transparence lumineuse, tu es heureux, tu penses, voilà, ce n'était que ça, rien de plus naturel, et c'est à cet instant que le cristal se brouille, une imperceptible vibration te traverse, comme préludant à un séisme minuscule,… «
« il lève les yeux, les baisse vers son papier, sa main droite bouge, on entend le bruit du stylo, un grignotement léger tandis que le jour entre par les fenêtres, une clarté douce et vive à la fois qui l'enveloppe, fait luire l'alliance à sa main gauche posée sur la page, un trousseau de clés, une paire de ciseaux, il est immobile maintenant, il semble écouter, tu
voudrais entrer dans cette image, vivre cette douceur, ven, tu essayes de bouger les doigts, ils ne répondent pas, comme morts, tu as peut-être un peu dormi, tes jambes sont enflées, le vasistas est gris et la lumière de l'ampoule a pâli mais tu as mal, quand viendront-ils, tout à l'heure, plus tard, qu'importe, ils recommenceront, il y aura l'odeur, chair brûlée, sang, merde, sueur, quelque chose d'infect, tu voudras vomir, et puis les voix, dures, sans répit, donne-nous des noms, comment s'appelle ta mère, et ton père, tu habites où, depuis quand, non, oublie, tu pleures, ta gorge brûle, ven, la fièvre t'offre des mirages, demain n'existe pas, mais hier, avant, souviens-toi encore, le petit jour, maisons de bois, église blanche, peupliers, saules pleureurs, la brise s'était levée, le fleuve alors était comme une main ouverte, le delta, ven acá, un énorme soleil de cuivre montait sur l'eau étincelante, tu ne peux plus.. »
« il lève les yeux, les baisse vers son papier, sa main droite bouge, on entend le bruit du stylo, un grignotement léger tandis que le jour entre par les fenêtres, une clarté douce et vive à la fois qui l'enveloppe, fait luire l'alliance à sa main gauche posée sur la page, un trousseau de clés, une paire de ciseaux, il est immobile maintenant, il semble écouter, tu
voudrais entrer dans cette image, vivre cette douceur, ven, tu essayes de bouger les doigts, ils ne répondent pas, comme morts, tu as peut-être un peu dormi, tes jambes sont enflées, le vasistas est gris et la lumière de l'ampoule a pâli mais tu as mal, quand viendront-ils, tout à l'heure, plus tard, qu'importe, ils recommenceront, il y aura l'odeur, chair brûlée, sang, merde, sueur, quelque chose d'infect, tu voudras vomir, et puis les voix, dures, sans répit, donne-nous des noms, comment s'appelle ta mère, et ton père, tu habites où, depuis quand, non, oublie, tu pleures, ta gorge brûle, ven, la fièvre t'offre des mirages, demain n'existe pas, mais hier, avant, souviens-toi encore, le petit jour, maisons de bois, église blanche, peupliers, saules pleureurs, la brise s'était levée, le fleuve alors était comme une main ouverte, le delta, ven acá, un énorme soleil de cuivre montait sur l'eau étincelante, tu ne peux plus.. »
Que ce long pillage me soit pardonné.
J'ai lu en deux débuts de nuit, avec une petite déception, une petite rage devant mon incapacité à goûter les qualités que je sentais être là, "autoportrait de l'auteur en coureur de fond" d'Haruki Murakami, trouvant injustement ? un ton un peu "reader digest" dans l'exposé de la course comme règle de vie, et son rapport à l'écriture (il a tout de même, dit-il, mis dix ans à l'écrire, peu à peu), avant d'être touchée par la petite voix personnelle qui circule, évoquant les lacunes et la vieillesse qui vient, et puis tout de même des bonheurs d'expression :
"Simplement je cours. Je cours dans le vide. Ou peut-être devrais-je le dire autrement : je cours pour obtenir le vide. Oui, voilà, c'est ça, peut-être. Mais une pensée, de-ci de-là, va s'introduire dans ce vide." p.24 (avant de longues plages où je m'ennuyais un peu)
Des descriptions pourtant des lieux où il court comme les bords de la Charles River, l'automne et l'hiver glacial de la Nouvelle Angleterre (et cela qui me va au coeur "le problème est que ces chemins sont également utilisés par les cyclistes et que l'on doit surveiller ces engins rapides qui arrivent en trombe par derrière vous...), et puis l'utilité de cette discipline pour l'écriture, qui pour lui est un travail épuisant physiquement.
"courir est une activité parfaite pour mémoriser un discours. Tandis que mes jambes se meuvent presque inconsciemment, je mets les mots en ordre dans ma tête. Je mesure le rythme de mes phrases, la manière dont elles sonnent." p 104
en débitant en lanières des supions, avec un bon couteau aussi efficace en vérité que son métal l'était à mon regard, je sentais mes jambes plus enflées qu'elles n'étaient à en avoir tentation de les rectifier avec l'instrument, et en me battant avec ma machine j'ai allègrement fait brûler mes patates - mais suis entière et avec un dîner qui semble comestible - j'y va
11 commentaires:
Curieux mélange des images des brûlures et des textes et d'autres fenêtres...c'est sans doute une belle métaphore que je ne comprends pas encore.
aucune métaphore, le télescopage de deux idées, deux moments de la journée - suis très premier degré
Oui mais!!! la métaphore est là inconsciemment ....
"Tu intellectualises trop " dit une voix amie!!!
de belles fenêtres avec vue, et comme je l'écrivais déjà hier - pourvu que l'ordi ne crame pas...
Autant d'histoires que de fenêtres...
6e photo.
Incroyable ! Et fantastique !
Le reflet d'un flocon-christal de neige sur la fenêtre.
Avignon en septembre ? Une partie du pont emportée par des icerbergs ?
à chacun sa fenêtre
à chacun ses brûlures
tant qu'il reste un dîner comestible...un ordi en état..
le mien me fait des histoires et mes mirabelles se lamentent!!
du coup, je me donne un mal fou pour rattraper! ma main gauche ne me suffit plus!
Muse ! quel effort !je suis touchée et confuse, moi qui ai moins de raisons que toi de ne pouvoir m'attarder sur le net (mais des vertiges) - laisse ton épaule en paix !
Tu en veux décidément aux cyclistes, qu'on leur donne de quoi rouler, çà existe ailleurs !
c"est pas moi, c'est Murakami s'entraînant pour un marathon
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