À négliger (un titre, ou presque, pour suivre, pour une fois, la suggestion de l'ami Michel)
Détournant pour l'appliquer à ma modeste personne un bout d'une phrase de Jean-Pascal Dubost, qui parle là d'écriture autrement essentielle, dans son entretien avec Forence Trocmé (mais feriez mieux de le lire) http://poezibao.typepad.com/poezibao/2010/06/les-entretiens-infinis-avec-jeanpascal-dubost-5.html, je reconnais que j'ai, très fort, «tendance au nolle (au non-vouloir) et au rien-faire, aussi me faut-il transformer cette pente paresseuse en force, activer le «vouloir vaincre» dont parle Victor Segalen.« m'en vais essayer de meubler «Paumée», mais sous couvert d'humilité m'en vais le faire paresseusement :
J'aime le poisson.
Peut-être un peu trop paresseusement, tout de même, alors sous ce montage de ce qui était devant moi, pendant que j'attendais que le grand beau poissonnier me prépare ceux que j'avais achetés, qui étaient trop, dans l'appétit qui me vient toujours devant l'étal, dans la décision où j'étais de faire provision de légumes de belle et proche provenance et de vrai poisson, en entrant dans les Halles, en longeant ces travaux que je crois être une des rares à déplorer, marrie de voir les autos et cars passer désormais au ras de l'entrée, je reprends des captures des années antérieures et me raconte que
j'aime les soles, un peu plus les limandes, encore plus les limande-soles, et même les très humbles plies, au goût trop ignoré, mais n'en trouve pas ici, alors j'ai aimé, pour leur côté dinette, malgré leur saveur excessivement discrète, ramener des solettes, j'aime les colinots, et bien entendu j'aime la finesse du colin, mais il demande convives nombreux, ou au moins plusieurs, j'aime les charnues écailles blanches et goûteuses des filets de lieu pochés, je n'aime pas la chair dense, drue et fade de la lotte ou de la baudroie, et pas seulement parce que je n'aime pas leur gueule, j'aime absurdement la chair dense, drue, pas si fade, grasse et décriée du congre, je n'aime pas du tout l'aspect des muges qui me font penser à des fonds boueux et sales, et pense que je n'ai pas à regretter de ne pas en connaître le goût, j'aime voir le corps merveilleusement fuselé et la luisance des mulets, et regrette de ne pas en connaître le goût, j'aime forme et goût des maquereaux, j'aime le merlan pour son léger goût de noisette, et j'aime assez le voir, même si la pureté de ses lignes s'amollit un peu vers le centre, j'aime la superbe ampleur de la fusée thon et je regrette que ma morale me prive du délice lourd, sanguin, parfumé, du thon rouge, j'aime la ligne un peu plus tendue de l'espadon et j'aime, à peine un peu moins, le parfum de sa chair grillée, j'aime voir les girelles, royales ou non, et les serrans, et je les aime assez pour, seule, sans public, les manger pour eux mêmes, baignant mes mains dans le peu qui sort d'une très brève cuisson à l'étouffée, et tentant de ne manger ni mes doigts ni trop d'arêtes, mais je les aime aussi, normalement, en soupe, avec l'appui un peu farineux des bogues, j'aime beaucoup, mais on en trouve rarement, réservées qu'elles sont à la bouillabaisse, à cause de leur chair dédaignée et de leur côté pelote d'arêtes, les vives, j'aime la beauté des rascasses, et nettement moins leur goût, j'aime bien classiquement et bien sincèrement, les dorades, royales ou grises, et la merveilleuse défaite de leur ventre dans le plat sorti du four, j'aime modérément les rayés, j'aime les loups et moins les bars, et j'aime tout autant la très relative sécheresse des pageots, et la plus grande mollesse des sars, j'aime entre tous les rougets barbets, minuscules pour une friture divine, ou plus gros, comme des coffrets pleins de saveurs variées, et bien entendu j'aime beaucoup moins les rougets sénégalais que je trouvais à Paris avec leur tête en forme de heaume, et n'aime les grondins que dans la bourride ou la bouillabaisse, je n'aime guère les capelans que mon poissonnier me vante, pas uniquement pour leur coût, et j'aime, par delà tout, la piste, qu'il ne vend qu'en se lamentant sur son prix, et en me blâmant presque de céder à la tentation, ce pourquoi je n'en ai pas ramené, (mais, en place, une petite aile de raie) etc....
Et m'est avis que ma paresse m'a empêchée de garder en bride ma logorrhée.
16 commentaires:
Petit poisson deviendra loquace...si on a de la chance !
Bon ap', brige.
Il doit être vraiment bien "le grand beau poisssonnier" (je rigole !)
Bon appétit Brigetoun !
et le petit vieux paternel et le ptit jeune, même les patrons, sont très sympas
Poissons de mer...
Je les aime tous.
J'aime aussi les poissons de rivière : brochet, gardon, sandre, perche, truite, poisson-chat... et même d'étang (carpe)... !
Mon mot de vérification est : mater.
Mère-mer !
D'ailleurs, en retournant le "m", mater devient water.
Il y a donc un titre !
Mais c'est un non-titre !
Publierai-je un non-texte ?
Mon mot de vérification est : smsta !
Négliger la poisson ???
les poissons en vrac ça fait négligé mais c'est pour mieux appâter et nous saisir à l'hameçon
Michel 4 sourires pour débuter la journée ! merci à toi
A négliger ? Nolle!
L'eau à la bouche. Tous les poissonniers sont sympas. Curieusement, peu de poissonnières sauf à la caisse...
J'aime les bars (avec un tabouret) et me méfie des loups (sauf de Steppenwolf).
Vous voulez concurrencer La Reynière ?
je n'aurais pas le souffle, l'appétit et les connaissances pour l'Almanach
J'aime aussi le poisson, mais je n'aime ni l'acheter, ni le cuisiner, frais, et ce que tu montres ne m'incite pas à changer mes habitudes, et cela n'a rien à voir avec la qualité des photos, c'est la même chose avec les étals de viande. Je le consomme donc, surgelé, déjà vidé, pelé, et tronçonné. Seule exception, la petite friture, hélas où trouver les petits goujons ?
Mais promis, je vais essayer tout de même les Halles.
quel choix! sûr qu'il faut aimer pour en parler ainsi . j'aime mais pas trop le faire cuire : une récente exception pour ce que tu n'as pas nommé il me semble: la perche du nil grillée,que ma petite fille a élue comme son poisson préféré.
Il y a longtemps que j'avais remarqué que tu aimais le poisson, nous sommes au moins deux !
Une aile de raie : bonne idée, voilà longtemps que je n'en ai pas mangé, j'aime bien pourtant..
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