Avignon, festival vendredi 9 – Brigetoun qui s'interroge sur la nécessité de ces notes
Journée un rien pénible, et dans le désert, j'ai longtemps lutté avec moi, en émergeant d'une sieste lourde, trop tard pour aller aux Halles voir Kichinev 1903 comme j'en avais eu l'idée en constatant une amélioration après le déjeuner, pour me décider à tenter de dire ce que j'avais vu le matin – très envie de mettre «paumée» en sommeil le temps du festival.
Bon, départ sur petite rue arrosée de frais vers 10 heures et demie,
croisant un début d'animation, comme cette charmante dame qui a cessé son aubade dans l'indifférence de la rue Joseph Vernet juste au moment où je la photographiais.
pour, une fois encore, le Lycée Saint Joseph et le jardin de la vierge – programme A des sujets libres.
Avec une douleur qui avait eu le temps de s'installer pendant l'attente, et que j'ai tenté de tromper, comme de goûter ce qui m'était montré, en prenant force notes dans mon carnet pendant la première pièce «Rosa seulement» texte et mise en scène de Mathieu Bertholet,chorégraphie du duo par Cindy Van Acker, gens hautement estimables, de la force dans la danse très lente, très concentrée sur la force justement, du duo (et quelques moments qui ont franchi mes barrières comme un rapprochement des deux bras et des deux poings serrés), un plutôt bon texte sur la prison de Rosa Luxembourg (encore elle) et du talent dans la façon dont était joué (mais carcasse, et peut être cerveau, oui lui aussi, disaient interminablement) l'arrivée d'acteurs en tenues décontractées comme il faut, cette année, non que la tenue décontractée ne soit de tout temps, mais là elle était de l'année, la lecture par brides, avec commentaires et petits rires, avant qu'assis sur le côté, ils disent le texte en canon devant les deux danseurs enfin lancés dans leur très lent côte à côte. Et je les résume fortement mes notes, parce que, peut être injustement, il m'en est restée : idée gâchée.
Je regardais la sortie de secours à côté de moi, avec furieuse envie de m'éclipser dès les premiers applaudissements, et puis j'avais vu sur le programme Agnès Sourdillon et Arno Bertina et comme mes vagues intérieures se calmaient, médicament ou temps faisant leur travail, j'ai décidé de tenter le coup, une fesse en l'air. L'ai reposée. Parce que le texte d'Arno Bertina circulant entre la douleur révoltée de la jeune femme chargée, parce que bien vue, de prendre la parole à l'enterrement d'Iris, sa collègue suicidée et la poésie drôle du dresseur de puce, m'a plu. Parce qu'Agnès Sourdillon est intelligente de toute son allure, sa voix, son jeu, et que Marcus Brisson lui donne fort bien la réplique. Pour petit crâne Brigetoun une réussite, courte et sans grande prétention, quoique, mais réussite.
Suis rentrée, pas affermi - agacée un moment par un titre de Vaucluse Matin, faisant de la mauvaise humeur passagère, et grossière, de quelques spectateurs, le fait principal de la soirée d'ouverture (Papperlapapp) - pour faire cuisine et nourrir, à contre corps, carcasse, avant de sombrer, projets en tête, dans une tentative de digestion, et de l'écriture de ces notes, finalement, j'ai repris la lucidité nécessaire aux quelques corvées ménagères, réduites, à la sortie dans la cour pour arroser et constater que ma vigne a chaud
et à l'idée de sortir mon billet et d'essayer d'affronter la terrible clim de l'opéra qui m'a chassée deux fois déjà, parce que l'»Homme sans qualité», Musil et Cassiers (aimé beaucoup ou pas trop suivant les cas) ça me fait trop désir
Et pour achever de me motiver j'ai fait une brève recherche sur le web (alors que normalement je fuis toute lecture avant de voir), et j'ai trouvé sur Télérama http://www.telerama.fr/scenes/guy-cassiers-scene-son-et-video,57699.php ces belles photos de Ken Broos (celle-ci et l'autre, un peu plus bas, avec le piano), une vidéo d'une répétition (d'un tout petit bout de) et un article que j'ai négligé.
En fait il s'agit de la première de trois parties écrites par Filip Vanluchene à partir de Musil, la préparation des festivités pour les 70 ans de règne par le groupe réuni autour d'Ulrich et Diotime.
Après que j'ai tâtonné pour trouver la meilleure des pas très bonnes places du 2ème balcon, temps pour sentir la crainte du malaise clim s'installer et repartir, le public a fini de s'installer sans remplir entièrement la salle et le noir s'est fait.
Pénombre, un piano éclairé dans un coin, une superposition de carrés au sol, des rideaux gris sur les côtés et au fond des projections parfois fragmentées, et ce sera à un moment la scène de Vinci, qui ensuite se déformera derrière le désarroi furieux d'Ulrich, et plus tard l'entrée du Christ à Bruxelles d'Ensor, des éléments de décor mobiles, et des panneaux sur lesquels est projeté la traduction, pas toujours visibles de mon étage, ce qui m'obligeait à lever les yeux et à perdre ce qui nourrissait le jeu très retenu des acteurs, concentré et efficace.
Un banc où se tiennent, à peine devinés les personnages sortis de l'action. Une grande intelligence, bien entendu, dans les transitions, de beaux éclairages. Un ensemble sobre, aussi esthétique qu'un restaurant à le mode (ça c'est mon impression au début et pendant une bonne partie du spectacle)
Des costumes contemporains très travaillés, avec les entraves et complications nécessaires, chic, si chics, trop chics peut-être. Et pendant que je peinais pour me défaire d'une petite mauvaise humeur, d'un léger mais certain ennui devant cette mise en place des personnages, l'exposition du projet, la tentative d'incarner les types, me venait un certain désir d'être l'un des chevaux aux crottins envahissants.
Il y a du comique, n'allant pas tout à fait jusqu'au grotesque, il y a les Idées, le matériel, la diplomatie, un peu d'antiémitisme, l'âme et l'économie, le projet démocratique guidé par en haut, etc...
Et puis après que j'ai mis des mots sur cette admiration glacée qui me laissait en dehors, en fumant au dessus de la place, peu à peu ma réserve a fondu. Avec d'abord une scène où chaque personnage (un gros plan de son visage projeté au dessus de lui, silhouette vaguement éclairée parmi le autres à peine visibles) dit ce qu'il pense, ses sentiments, alternant avec des retours sur le canapé où Diotime dialogue avec Ulrich. Et quand c'est à elle de le faire, et puis à Clarisse, et à Bonadea, leurs trois projections se superposent , se répondent, et c'est très beau. J'abrège parce qu'il est une heure et demi et que j'ai faim. Il y a la place prise par l' »action », la police, le général, le territoire. Il y a les phrases souvent fulgurantes de Musil et le beau monologue final d'Ulrich.
11 commentaires:
Devenir un cheval et galoper au festival !
J'aurais aimé voir et entendre la dernière scène dont tu parles, quand les projections se superposent. Une cacophonie de la communication.
Mon fils m'a envoyé dans la nuit un SMS pour me dire qu'il avait vu, dans ce même Avignon, Papperlapapp, une pièce "ouf".
Je me suis contenté de lire les critiques assez mitigées dans "Libé" et "Le Monde".
Mais il vous reste un sacré programme à parcourir !
la pièce "ouf" est mon meilleur souvenir je crois pour le moment
Surtout Brigetoun n'arrêtez pas le blog pendant le festival !!!!
Courage !
tout de même du mal à assurer, du coup un peu n'importe quoi et pas ou peu lu, m'économiser et peut être être plus disponible pour les conférences de presse, rencontres, spectacles ets...
Là je me cache derrière cheveux lavés et repos dans l'ombre de l'antre, mais me sens pas à la hauteur
monologue final que j'aurais bien aimé entendre. Rien à assurer, Brigitte, qu'à se laisser aller à son élan, à se "disponifier", non ? (parce que, que Paumée soit ouvert ou fermé, finalement c'est la tête de brigetoun qui reste ouverte mordicus)
oh! OUI continuez et en regard je lis les articles du monde et votre avis et coms sont un plus Merci de remplir ainsi ces énormes exposés Pensées fraîches de la campagne sans clim
Arlette
Brigetoun, le festival c'est une fois l'an, ton blog tu le tiens toute l'année, alors, si tu as l'impression de manquer de temps et d'énergie, ne laisse pas tomber le festival et si tu fais une longue pause avec paumée, on ne t'en voudra pas ! Personnellement je serai heureuse de savoir que tu t'éclates et que tu souffles un peu !!! Et puis, ça serait pour mieux te retrouver après ! Bon, tu verras, mais inutile de s'infliger des obligations lourdes à porter !!! Je sais, tu te fais un point d'honneur à écrire sur ton blog tous les jours, mais il peut y avoir aussi des réserves de temps en temps non ?
Je t'admire, voir les spectacles et faire les notes, même si c'est passion, c'est titan !
Ah mince, tu interdis les commentaires !
Mais le spectacle continue... !!!
Alors pas de commentaires pour mon retour?
juste une toute petite présence ignorante et insoupçonnée!
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